Tribune
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Publié le 10 Février 2009

30 ans après la révolution islamique, être une femme en Iran

« Je veux (...) continuer à lutter contre les injustices et les discriminations faites aux femmes »



A l'occasion, le 11 février, du trentenaire de la révolution islamique iranienne qui a porté l'imam Khomeiny au pouvoir, France 24 a posé les mêmes quatre questions à des Observateurs iraniens de l'intérieur et de l'extérieur du pays. Neda Roshangari, 24 ans, étudiante en informatique à l'université de Téhéran, répond :
Que faisiez-vous il y a 30 ans ?
Je n'étais pas née. Mais au regard de ce que mes parents m'ont raconté, la révolution n'a pas donné satisfaction. L'imam Khomeiny a menti aux Iraniens. Il ne leur a pas dit la vérité. Il a mis tous les opposants en prison. La plupart y sont d'ailleurs morts. Aujourd'hui, malgré mon jeune âge, je remarque que tout est encore sous le contrôle de l'Etat."
Vous sentez-vous libre en Iran ?
Je vais à la fac et j'ai trouvé un travail à temps partiel. Pourtant, moi aussi je suis privée quotidiennement de liberté. Je ne peux pas enlever mon uniforme estudiantin, ni me maquiller et encore moins mettre du khôl autour des yeux. Je n'aime pas porter le tchador [voile qui recouvre le corps de la tête jusqu'aux pieds, ndlr]. Il cache ma beauté. Mon professeur me demande tout le temps en classe de me couvrir et de ne pas laisser mon visage et mes cheveux transparaître. Il est très religieux."
Mais je vis dans la capitale, la situation est encore plus dure dans les autres villes du pays. Là-bas, les filles souffrent. Elles se marient jeunes, entre 14 et 16 ans. Souvent, elles ne connaissent pas leurs maris. Elles ne peuvent pas refuser, ni divorcer, car c'est très mal vu par la société. Les femmes n'ont pas de loisirs. A l'école, il y a certaines filières, comme médecine, qui leurs sont difficilement accessibles.
Moi, j'essaye de me battre. J'ai un copain. Nous nous voyons dans les salons de thé et au cinéma, mais nous ne pouvons pas sortir de Téhéran de crainte d'être arrêtés par la police religieuse."
Quelle est votre situation économique ?
Je travaille dans l'informatique. Je gagne environ 100 dollars par mois. Mais c'est ma famille qui me fait vivre. Mon père gagne environ 600 dollars et ma mère ne travaille pas. Les familles ne laissent pas leurs filles travailler dans des entreprises privées. Elles préfèrent les sociétés publiques. Vous savez, il existe une grande différence entre les filles pauvres et celles issues des classes sociales supérieures. Ces dernières peuvent avoir leurs propres sociétés. Les autres attendent le mariage tranquillement chez elles."
Que pensez-vous des Etats-Unis ?
Il y a une grande différence entre le gouvernement et le peuple. Je ne peux pas dire que je déteste l'Amérique, mais ce qu'ils ont fait au Vietnam, en Irak et en Afghanistan n'est pas digne d'un aussi grand pays. Je n'ai pas de contact avec des étrangers. J'aimerais aller vivre ailleurs, en Europe, mais je veux aussi rester ici, en Iran, pour continuer à lutter contre les injustices et les discriminations faites aux femmes."
Qu'attendez-vous de l'élection présidentielle en juin prochain ?
Les gouvernements iraniens sont tous identiques. Ils arrêtent les gens, les mettent en prison et les tuent. Ils ne sont pas démocratiques. Pour participer, il faut faire partie du régime des mollahs. Quant à Khatami, il trompe les gens avec sa pseudo ouverture sur le monde. C'est vrai que les Iraniens l'aiment car il est différent d'Ahmadinejad, mais au fond il n'a rien fait et ne fera rien."



Photo : D.R.