Voilà pour la théorie. La pratique, elle, s'est dessinée à Genève. Deux pays ont été examinés chaque jour lors d'une séance de trois heures, dont un "dialogue interactif" durant lequel l'Etat répond aux questions d'autres Etats. Des rapports contenant des recommandations seront adoptés en juin.
Jeudi 15 mai, alors que la Roumanie et le Mali clôturaient l'exercice, une certaine lassitude flottait. « La plus grande menace, c'est que l'Examen périodique universel devienne un pensum bureaucratique de plus, sans aucune valeur politique ajoutée », mettait en garde Blaise Godet, l'ambassadeur suisse. « Quand l'EPU commence, c'est un mélange de marchandage politique et de cirque, avec de temps en temps des recommandations pertinentes. Si les Etats peuvent les refuser, cela aura été une perte de temps », estime Simia Ahmadi, de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH). La Tunisie avait démontré, le 8 avril, que l'exercice pouvait tourner à la farce. Le débat avait donné lieu à un concert de louanges venant de pays "amis" et aux questions édulcorées des Occidentaux. "Nous avons l'impression qu'il s'agit d'un autre pays", commentait Sihem Bensedrine, du Conseil national des libertés tunisiennes. Ce scénario s'est reproduit avec Bahreïn, l'Algérie et le Pakistan, qui a été salué par les pays islamiques, la Russie et la Chine pour ses efforts en matière de démocratisation. Ces mêmes pays ont adressé, à la mi-avril, un feu de questions au Royaume-Uni sur la détention des prisonniers en Irak, les lois antiterroristes, la torture et l'emprisonnement des enfants. La Suisse a été ensuite épinglée, en matière de xénophobie. « On peut rire du fait que les pays qui violent les droits de l'homme se montrent aussi pointilleux. Mais finalement, leurs concitoyens pourraient leur retourner la question. C'est l'arroseur arrosé », estime un diplomate occidental. Mais les débats ont souvent ronronné. Le 14 mai, la France, qui n'avait pas jugé utile d'envoyer à la tête de sa délégation Rama Yade, la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, était interrogée sur le traitement des minorités, la surpopulation carcérale, l'interdiction du port du voile islamique à l'école. Aucune question, en revanche, sur sa politique migratoire de la part des pays "amis" du Sud. L'Algérie et la Tunisie, qui avaient été ménagées par la France, se sont abstenues.
Source : Agathe Duparc, article paru dans l'édition du 20.05.08 du Monde.