Tribune
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Publié le 30 Septembre 2009

A la mémoire d’un supporter de foot lâchement assassiné, Brice Taton

Brice Taton. Ce nom de famille ne vous dit rien ? Et pourtant…



A Belgrade, le 17 septembre 2009, en marge d'un match d'Europa League, (nouvelle version de la Coupe de l'UEFA), Brice Taton, 28 ans, jeune supporteur du club français de Toulouse, a été agressé dans le centre de la capitale serbe par des supporteurs du Partizan de Belgrade, quelques heures avant le match qui opposait l'équipe serbe à Toulouse. Le fan du TFC est mort mardi 29 septembre à 10H00 locales. Les 11 suspects de l’agression ont été arrêtés, et ils risquent jusqu’à 40 ans de prison.



« Cet événement tragique endeuille toute l'Europe du football mais ne restera pas impuni : j'appelle à la plus grande sévérité contre les responsables de cet assassinat et appuie les efforts des autorités serbes pour ne pas laisser ce crime impuni », a indiqué Rama Yade, la secrétaire d'Etat chargée des Sports.



Même si le hooliganisme européen n'a plus rien à voir avec les tragédies des années 80 (et les images d'horreur du stade du Heysel), notre vieux continent ne s'est toujours pas débarrassé de ce fléau.



Pour des milliers de jeunes gens de toute l’Europe, la violence ultra est devenue la règle. La bagarre est une sorte de rituel et dans les stades, le salut nazi, une tentation. Comment doit-on alors qualifier les abrutis et les nervis qui envahissent les pelouses, cognent les supporters de l’équipe adverse, injurient ou font le salut nazi, et in fine ternissent le football? Que doit-on comprendre de leurs agissements ? Nous savons qu’ils développent une rage qui s’exprime avec une féroce brutalité. Et, quelquefois, les tribunes sont envahies par des supporters fous, éructant de haine.



Le phénomène n’est pourtant pas nouveau. En effectuant quelques recherches sur les violences qui sont perpétrées dans les stades de foot, je suis remonté une vingtaine d’années en arrière. Le constat est accablant. Cela fait une vingtaine d’années que des violences sont commises dans les stades européens, avant, pendant ou après des matches. Cela fait une vingtaine d’années que des supporters en Europe scandent des slogans racistes, et/ou entonnent des chants nazis. Cela fait une vingtaine d’années que de grands drapeaux à croix celtiques, à tête de mort sont brandis dans certaines tribunes. Cela fait une vingtaine d’années en Europe que de jeunes excités font le salut nazi. Cela fait une vingtaine d’années que les supporters provoquent des heurts avec les équipes adverses. Cela fait une vingtaine d’années, que de jeunes supporters sont agressés, injuriés, frappés par ces jeunes voyous. Le résultat est sans appel. Inertie des pouvoirs publics, silence et rodomontades.



Selon une note interne du ministère de l'Intérieur, 623 interpellations ont eu lieu en marge de la saison 2008/2009 de football. Un chiffre en augmentation de 22% par rapport à la saison précédente, révèle le Figaro du 30 septembre 2009. Les interpellations en marge du championnat de France de football se multiplient. Alors qu'elles diminuaient sensiblement depuis trois saisons (570 arrestations en 2005/2006, 562 en 2006/2007 et 485 en 2007/2008), un rapport interne du ministère de l'Intérieur que le figaro.fr a pu consulter fait état de 623 interpellations l'an dernier. Un chiffre en augmentation de 22,15% par rapport à la saison précédente. Dans le détail, 523 arrestations ont eu lieu en marge du championnat de Ligue 1 (84%) et 100 pour la Ligue 2 (16%). 327 interdictions administratives de stades ont en outre été prononcées. Par ailleurs, depuis la reprise des championnats le 5 août dernier, les forces de l'ordre ont déjà procédé à 95 interpellations. La note du ministère relève notamment que 65% de ces arrestations ont eu lieu hors des stades, rappelle le Figaro.



C’est ce contexte que le ministre de l’Intérieur a commenté ainsi : «On ne peut plus tolérer une situation où les pères de famille ont peur d'emmener leurs enfants aux matchs.» Brice Hortefeux veut, dit-il, «éradiquer la violence des stades». Au lendemain de la mort d'un jeune supporteur toulousain agressé en Serbie, le ministre de l'Intérieur convoquera ce mercredi 30 septembre 2009 à Paris, tous les préfets de départements concernés par ces dérives, en présence - et c'est une première - des patrons des principaux clubs de la Ligue 1 de football, du PSG à Marseille, en passant par Lyon et Grenoble.



Heureuse initiative, à quelques heures du match de football qui opposera le Maccabi Haïfa et l’équipe de Bordeaux. Un match qui peut facilement dégénérer, hélas. Un de plus ?


Marc Knobel
Photo (Brice Taton) : D.R.