Tribune
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Publié le 14 Janvier 2004

ARTE – vendredi 9 janvier 2004, 1h00 : LA TEMPETE

Fiche programme de Arte-TV.com




Cinéma • 98 MIN • PDC 01.00

Lors de la guerre du Golfe, en 1991, deux frères égyptiens combattent dans des armées adverses... Sur fond de panarabisme et de manifestations antiaméricaines, un film sentimental de Khaled Youssef, qui a été l'assistant de Youssef Chahine.

Film de Khaled Youssef (France/Égypte, 2000, 1h41mn, VOSTF) Scénario : Khaled Youssef Avec : Yousra (Hoda), Mohamed Nagati (Ali), Hani Salama (Nagui), Hesham Selim (Mahmoud), Hanan Tork (Hayat) Image : Mohsen Nasr Coproduction : Ognon Pictures, MISR International Films, Youssef Chahine & Co, avec la participation d'ARTE France Cinéma ARTE France.

Le Caire à la veille de la guerre du Golfe. Hoda, professeure à l'université, est mère de deux garçons, Ali et Naghi, qui entrent dans l'âge adulte. Leur père, Hassan, a disparu depuis dix ans. Naghi fréquente Hayat, la fille d'un homme d'affaires aisé qui s'oppose à l'union des deux jeunes gens. Afin de gagner de l'argent et d'aider son frère et sa famille, Ali part en Irak, au grand désespoir de sa mère qui ne vit que pour ses enfants. Il s'engage dans l'armée irakienne au moment même où son frère Naghi se voit appelé dans l'armée égyptienne. Or, l'Irak a envahi le Koweït, les États-Unis ont décidé d'intervenir et l'Égypte se range dans leur camp. Alors que les deux frères se retrouvent dans des armées adverses, une grande manifestation pacifiste est organisée au Caire. En tête du cortège, Hoda et Hayat...

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Avec ce film, on découvre à nouveau la curieuse utilisation des deniers publics par la chaîne franco-allemande Arte. En effet, de même qu’elle avait co-produit le film « route 181 » d’Eyal Sivan, diffusé il y a quelques semaines, il ne s’agit pas seulement ici d’un choix de programmation : la chaîne apparaît sur la fiche de présentation comme ayant « participé à la production ».

Cette fiche de présentation nous avertit que l’histoire se déroule « sur fond de panarabisme et de manifestations antiaméricaines ». Mais au vu du film, au demeurant assez mauvais, on est en droit de se poser la question : Arte s’est-elle donné pour tache de diffuser toutes les réécritures de l’histoire concernant le Moyen-Orient ? Comment en effet ne pas sursauter quand on entend Hoda, l’héroïne du film, raconter à sa façon la guerre de 1973 et conclure, sur des images d’archive montrant l’accueil triomphal de Sadate en Israël, « quand nous avons finalement gagné la guerre contre Israël » !

On entendra aussi la question de cette élève (à la quelle personne ne répondra) : « Pourquoi les cartes de géographie montrent-elles Israël alors que l’histoire nous enseigne qu’il n’y a jamais eu que la Palestine ? ».

Prévenus que le film « est sur fond de panarabisme », on n’est pas étonné qu’il omette – dans la mise en perspective historique - de dire que si Ali part gagner sa vie en Iraq, c’est parce que Saddam Hussein a attiré une immigration arabe pour remplacer les Kurdes qu’il avait massacrés et chassés des régions pétrolières.

Finalement, après nous avoir montré que l’Iraq envahit le Koweit - sans nous avoir véritablement expliqué le déroulement réel des événements (prise d’otage des occidentaux etc.) - on en arrive directement à l’intervention « américaine » qui fait l’objet de violentes diatribes de la part de la jeune Hayat sur le thème de la colonisation et de l’occupation, accompagnées de « pourquoi n’interviennent-ils pas plutôt contre Israël » et de débats où n’est jamais évoquée la culpabilité de Saddam Hussein. Tout cela pour nous expliquer que si les deux frères doivent s’entre-tuer dans des camps adverses c’est uniquement de la faute des américains. Et le film se clôt sur les images - dignes des films de la meilleure période soviétique - d’une grande manifestation fort peu pacifiste où se rejoignent au premier rang tous les acteurs du « drame » et où seront brûlés côte à côte les drapeaux américains et israéliens : le grand et le petit Satan, bien sûr les seuls responsables des malheurs des Egyptiens.

Ce film a comme seul mérite de montrer aux téléspectateurs français à travers quel prisme les Egyptiens perçoivent les réalités historiques. Mais Arte, qui se veut chaîne des intellectuels, devait-elle pour autant aider à produire et diffuser un film au regard aussi « Egypto-égyptien » et d’aussi médiocre qualité cinématographique ?

Anne Lifshitz-Krams