Tribune
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Publié le 10 Février 2004

Analyse de l’Observatoire des médias du CRIF L’Appel des Socialistes pour une Paix Juste et Durable au Proche-Orient

A l’occasion de la publication du projet de plan en vue de résoudre le conflit israélo-palestinien qui a été proposé en octobre 2003 par une équipe mixte dirigée par l'ancien ministre travailliste et négociateur des accords d'Oslo, Yossi Beilin, et, du côté palestinien, par l'ancien ministre de Yasser Arafat, et lui aussi négociateur, Yasser Abed Rabbo, des membres éminents du Parti socialiste Français et plusieurs centaines de militants ont signé un Appel pour saluer l’initiative de Genève.



Nous reproduisons sur la colonne de gauche de ce tableau synoptique les différents paragraphes de ce texte. Ils sont assortis (colonne de droite) de notre commentaire, lorsque ce commentaire s’impose.

Le
texte de l’Appel


Commentaire
du CRIF sur l’Appel
« Socialistes
profondément attachés aux idéaux de démocratie,
de justice, de liberté, de laïcité, d'universalité
des droits humains et des droits des peuples, nous décidons de nous
exprimer publiquement.
Nous saluons l'Initiative
de Genève qui rappelle le droit imprescriptible des Israéliens
de vivre dans un état délimité par les frontières
de 1967, et réaffirme celui des Palestiniens, imprescriptible, de
pouvoir vivre dans un état viable en Palestine.
Le CRIF se félicite
de toutes les occasions de dialogue entre citoyens israéliens et
palestiniens. Il salue avec intérêt les initiatives d’origines
diverses entreprises par les uns et les autres pour explorer les chemins
qui peuvent conduire à la paix et la coexistence entre les Peuples.

Le CRIF rappelle que seuls les gouvernements démocratiquement
élus et politiquement responsables devant leurs populations pourront
finaliser ces espoirs de paix.

Nous soutenons toutes
les bonnes volontés qui, à partir de cette initiative de paix,
et d'autres, permettront d'aboutir à une solution juste et négociée
du droit au retour des réfugiés palestiniens de 1948 et de
1967 et à une citoyenneté pleine et entière des Arabes
palestiniens de nationalité israélienne (20 % des Israéliens).
Une allusion lapidaire,
ambiguë et abusive est utilisée pour revendiquer « une
citoyenneté pleine et entière » des Arabes palestiniens
de nationalité israélienne, sans que cette notion ne soit
explicitée. Faut-il rappeler que les Arabes israéliens (ils
ne sont pas palestiniens) sont représentés à la Knesset
où ils s’expriment avec vigueur. Leur niveau de vie est largement
supérieur à celui de tous les pays arabes.



Aussi, les signataires devraient-ils plutôt se soucier des discriminations
dont sont victimes les minorités qui vivent dans la sphère
arabo-musulmane (Kurdes, Turcs, Juifs, Coptes, Kabyles…)



Par ailleurs, les signataires reprennent l’une des revendications
majeures des palestiniens. Puisque les signataires réclament une:
« solution juste et négociée du droit au retour des
réfugiés palestiniens de 1948 à 1967 ». Le
mot « droit » ainsi formulé est en soi inacceptable
parce que, si cette formulation venait à être satisfaite,
l’Etat d’Israël disparaîtrait, la population juive
devenant minoritaire en son propre Etat.

Il convient par ailleurs de rappeler qu’en aucun
cas, il ne peut s’agir d’un « droit », mais d’une
« demande » formulée par la partie palestinienne. Cette
demande doit être étudiée et des solutions financières
peuvent être trouvées pour aider les réfugiés
palestiniens.

De la même manière serait-il particulièrement
juste que les réfugiés Juifs qui sont originaires du monde
arabe ne soient pas lésés et reçoivent également
des compensations financières.

Il convient de rappeler que les réfugiés
Juifs qui ont dû quitter les pays arabes sont estimés à
900.000 personnes soit un peu plus que les réfugiés arabes
qui ont quitté le territoire israélien en 1948.

Nous saluons le courage
de ces Israéliens qui ont eu la détermination de poursuivre
le dialogue avec leurs homologues palestiniens, tout aussi courageux. Ils
rappellent avec conviction que l'avenir de l'Etat d'Israël et de la
région passe par une solution politique négociée et
non par une politique d'occupation brutale qui, en violation du droit, plonge
tous les jours davantage la population palestinienne dans la misère,
la détresse et le désespoir.
Il est aisé
de saluer le courage de quelques israéliens, initiateurs du Plan
de Genève. Seulement, il convient de ne pas oublier que toute l’opinion
publique israélienne souhaite également parvenir à
la paix. Une large frange de la classe politique israélienne veut
aboutir à une solution juste, politique et négociée,
du conflit.



Pour ce court paragraphe, il convient d’ajouter qu’il est symptomatique
de présenter le conflit israélo-palestinien sous cet unique
aspect. La vision du conflit ainsi dépeinte est particulièrement
manichéenne : tous les torts sont israéliens, l’Autorité
palestinienne est exempte de la moindre critique ou de la moindre responsabilité
dans la spirale de la violence qui entache la région.

Quid de la « brutalité « du terrorisme
aveugle ?

Faut-il rappeler que le Président de l’Autorité
palestinienne a rejeté l’offre de paix qui avait été
proposée par l’ancien Premier ministre d’Israël,
Monsieur Ehud Barak ? Et qu’il est en fait le patron du groupe terroriste
des « Martyrs d’Al Aqsa » ?

Si cette offre avait été acceptée,
l’Etat palestinien existerait et le Peuple palestinien participerait
au devenir de son Etat.

Soucieux que cette
initiative de paix porte ses fruits, nous pensons qu'il est indispensable
de réduire les facteurs de tensions entre les peuples palestinien
et israélien. Or, la dégradation quotidienne des conditions
de vie de la population palestinienne, ne peut que les aggraver.
Il n’est pas
fait ici état de la dégradation de la vie quotidienne en Israël.
La population israélienne est plongée depuis trois ans dans
une situation insupportable. Le pays est la cible incessante du terrorisme.
Des pans entiers de l’économie israéliennes se sont
écroulés et une proportion importante d’Israéliens
vit en dessous du seuil de pauvreté.
Nous estimons, de plus,
que la poursuite de la construction du mur de « sécurité
», dont une récente résolution de l'Assemblée
générale de l'Onu a ordonné le démantèlement,
met en péril les initiatives de paix en cours. Le gouvernement d'Ariel
Sharon, cependant, a décidé de braver cette décision
onusienne.
L’appréciation
qui est formulée ici fait fi d’une autre réalité
géopolitique. La barrière de sécurité est faite
exclusivement pour empêcher l’infiltration de terroristes palestiniens
en Israël.

Le gouvernement israélien a expliqué que
cette barrière ne constituait pas de facto une frontière
et qu’elle pourrait être démantelée le cas échéant.

C'est pourquoi nous
appelons les responsables politiques français et l'Union Européenne
à user de tous les moyens en leur pouvoir pour inciter le gouvernement
israélien à respecter les droits de l'Homme, le droit international
et les Conventions de Genève, à l'instar des démocraties
dont l'Etat israélien se réclame.
C’est là
un des travers du texte. Les signataires souhaitent que les responsables
politiques français et l’Union européenne fassent pression
sur Israël, mais pas sur les Palestiniens.

Nous remarquons qu’aucune critique n’est adressée
à l’Autorité Palestinienne ; que son Président
est absout du moindre reproche ; et qu’aucune formulation ne vise
à faire pression sur l’Autorité Palestinienne, sous
quelque forme que ce soit et à quelque moment que ce soit.

L’Etat israélien est une démocratie.
Par contre où sont les démocraties dans les 21 pays arabes
?

Nous avons été
un million, en France, à manifester contre l'intervention unilatérale
américaine en Irak, menée sans mandat de l'Onu. Comment pourrions-nous
ne pas dénoncer l'obstination du gouvernement israélien à
défier la Communauté Internationale ?
Là encore, on
ne peut que s’étonner de l’utilisation abusive de commentaires
fâcheux qui visent à culpabiliser la seule partie israélienne,
faisant fi d’une réalité éminemment plus complexe
et d’un contexte historique totalement occulté par les rédacteurs
de ce texte.
Nous rappelons que
nous condamnons avec la plus extrême vigueur l'antisémitisme,
sous quelque forme, et dans quelque circonstance que ce soit, en France
et dans le monde.

Nous dénonçons les forces opposées à la paix,
qu'elles soient au gouvernement, comme en Israël, ou dans l'opposition
à l'Autorité palestinienne, comme en Palestine. Nous condamnons
aussi avec la plus grande fermeté les attentats-suicide contre d'innocents
civils israéliens.

Nous sommes solidaires de tous ceux qui, Israéliens et Palestiniens,
militent avec détermination pour une paix juste basée sur
le droit international.

Nous encourageons tous les socialistes qui se reconnaissent dans cet appel
à le signer et à se mobiliser pour demander le respect, non
négociable, du droit international par les autorités israéliennes,
en vue d'une paix juste et durable au Proche-Orient. »



L’Appel des Socialistes pour une Paix Juste et Durable au Proche-Orient a été signé par plusieurs centaines de responsables, adhérents, militants, sympathisants du Parti socialiste. Nous reproduisons la liste des Premiers signataires à soutenir l’Appel (http://pagesperso.laposte.net/paixjuste/) dont : Pierre Joxe, ancien Ministre de la Défense ;
Paul Quilès, ancien Ministre de la Défense ; Délégué national aux questions de Défense, membre du Bureau national (BN) ; Michel Rocard, ancien Premier Ministre, Député européen ; Martine Aubry, Maire de Lille, ancienne Ministre de l'Emploi et de la Solidarité, membre du BN ; Hubert Védrine, ancien Ministre des Affaires Etrangères ; Michel Delebarre, ancien Ministre de la fonction publique et des réformes administratives, Président de la Communauté urbaine de Dunkerque, Député-Maire de Dunkerque ; Christian Paul, ancien Ministre délégué à l'Outremer, Député de la Nièvre, membre du BN, Président de la Fondation Les Temps Nouveaux ; Henri Nallet, ancien Garde des Sceaux, ex-Secrétaire International du PS ; Jean Auroux, ancien Ministre du Travail ; François Patriat, ancien Ministre de l'agriculture ; Yvette Roudy, ancienne Ministre des Droits de la Femme ; Jean-Luc Mélenchon, ancien Ministre délégué à l'enseignement professionnel, membre du BN…