Mais voilà, c’était compter sans la vigilance de Serge Klarsfeld.
Le président de l'association des fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF), avait déclaré jeudi 20 janvier 2011 qu'il se tournerait vers Nicolas Sarkozy afin qu'il prenne position si la célébration nationale de Louis-Ferdinand Céline était maintenue. « Ce serait un acte de courage de la part du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand d'enlever Céline de ce recueil, comme nous le réclamons », avait-il souligné. Finalement, le lendemain, le ministre de la Culture prit position et décida de ne pas faire figurer Céline dans les célébrations nationales.
Cette célébration avait de quoi choquer.
Comment se pouvait-il que celui qui avait écrit : « Nous nous débarrasserons des Juifs, ou bien nous crèverons des juifs, par guerres, hybridations burlesques, négrifications mortelles. Le problème racial domine, efface et oblitère tous les autres » (L'École des cadavres, 1938) put mériter un tel honneur ?
Comment se pouvait-il que, celui qui, selon Hannah Arendt (2) « allait droit au but et réclamait le massacre de tous les Juifs » (3), put être célébré en si grandes pompes par la cohorte de ceux et celles qui feignaient d’oublier ou d’excuser que la plume de Céline put être assassine ?
Pourtant, les textes et les études ne manquent pas, qui rappellent le racisme crasse de Céline.
Antoine Peillon, dans son texte, cite par exemple Annick Duraffour, qui avait dernièrement publié une étude exceptionnelle sur l’antisémitisme de Céline (4).
Alors, Antoine Peillon nous offre un cri anti-haine qui espère éclairer un peu ces ténèbres et cette horreur qui ne passent toujours pas.
Et Peillon révèle, une fois de plus, l’incroyable profondeur du nazisme de Louis-Ferdinand Destouches : celui qui chantait constamment Hitler, celui qui voulait le triomphe de l’Allemagne nazie, celui qui dénonçait les autres et celui qui aidait les petits « camarades » de la collaboration (5).
Bref, Céline, l’hystérique et l’infâme.
A lire, plus que jamais.
Notes :
1) Nicolas Sarkozy, par exemple, place au plus haut le Voyage au bout de la nuit de Céline. On peut aimer Céline sans être antisémite, comme on peut aimer Proust sans être homosexuel !" glissait Nicolas Sarkozy à propos de Céline, son "écrivain préféré", à quelques journalistes qui l'accompagnaient en Inde, en 2008. Une sentence ferme visant à justifier son goût pour un auteur qui, il le sait, sent le soufre.
2) Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme, I, l’Antisémitisme, Stocken Books, 1951.
3) « Vinaigre ! Luxez le juif au poteau ! Y a plus une seconde à perdre» «Bouffer du juif, ça suffit pas, je le dis bien, ça tourne en rond, en rigolade, une façon de battre du tambour si on ne saisit pas leurs ficelles, qu'on les étrangle pas avec. Voilà le travail, voilà l'homme. Tout le reste c'est du rabâchis, ça vous écœure tous les journaux dits farouchement antisémites» «Volatiliser sa juiverie serait l'affaire d'une semaine pour une nation bien décidée.» Les Beaux Draps, 1941.
4) Annick Duraffour : « Céline, un antijuif fanatique », dans L’Antisémitisme de plume, 1940-1944, études et documents, sous la dir. de Pierre-André Taguieff, Berg International, 1999, pp. 147 à 203. Tout y est recensé, mis en perspective, analysé, démontré... Et cela donne, quelque soit la connaissance préalable que l’on a du sujet, la nausée !
5) Exemple : George Alexis Montandon fut aidé par Céline. Cet universitaire d'origine suisse, né à Cortaillod (Suisse) le 19 avril 1879 (et qui serait mort exécuté par la Résistance en 1944 à Clamart), devint un personnage incontournable au sein du Commissariat Général aux Questions Juives (CGQJ), sous l’Occupation. En fait, Céline reconnut chez le Suisse sa propre haine. Il envoya alors un mot de recommandation pour que son ami trouve un emploi dans l’administration des «questions juives»: «Parfait honnête homme, un peu suisse (comme J.J.), docteur en médecine (et autrefois un peu communiste), et par-dessus tout un grand savant.» Montandon obtint son emploi. Voir à ce sujet : Marc Knobel, « George Montandon et l'ethno-racisme », dans Pierre-André Taguieff, L'Antisémitisme de plume, 1940-1944, Paris, Berg International, 1999, pp. 277-293
Marc Knobel
Photo : D.R.