Tribune
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Publié le 28 Juillet 2006

Apparences et Réalités

Comme dans tout conflit, ce ne sont pas seulement les armes qui parlent. La guerre des mots et des images à travers les médias, la guerre psychologique pour booster le moral de ses troupes, démoraliser l’adversaire et se gagner les faveurs des opinions publiques, en sont comme toujours l’accompagnement classique.


Alors que dans la lutte qui oppose Israël au Hezbollah (mais aussi au Hamas qu’on semble avoir un peu vite oublié) chaque puissance qui se sent concernée fait entendre sa voix et demande un cessez-le feu immédiat, on constate avec surprise que les marchés financiers ne s’affolent guère, certaines Bourses affichant même une hausse des cours : la réalité ne colle pas toujours à l’apparence. Les hommes d’affaires s’attachent à la première alors que les politiques se satisfont souvent de la seconde.
Ainsi, l’armée israélienne qui passe pour être une des mieux informée au monde, semble avoir été bien mal renseignée sur les préparatifs du Hezbollah, dont l’abondance des tirs de missiles visant les agglomérations israéliennes semble indiquer la mise en oeuvre d’un plan élaboré de longue date. Son déclenchement coïncide d’ailleurs curieusement avec le sommet du G8 de Saint-Petersbourg, par lequel devait être traitée la situation nucléaire de l’Iran, son principal fournisseur d’armes et de « conseillers ».
De même, bien que considérée comme une des meilleures armées existantes, Tsahal semble avoir bien du mal à éliminer le Hezbollah qui garde sa force de frappe presque intacte après quinze jours de combat, si l’on s’en tient au nombre élevé de roquettes qui continuent à tomber sur le nord d’Israël.
Après avoir cru un temps à la possibilité d’une victoire rapide, Israël sait maintenant qu’il ne pourra pas éradiquer militairement le Hezbollah, mais veut par contre arriver en position de force à la table de négociation grâce à une pression militaire accrue. Entre temps les israéliens sont manifestement décidés à sous-évaluer pertes et destructions subies pour ne pas décourager touristes et autres qui ont évacué le nord du pays pour un sud plus accueillant.
Le Hezbollah clame quant à lui qu’il n’a pratiquement pas perdu de combattants, alors que nombre d’entre eux font sans doute partie du décompte des morts « civils ». Du coup, les israéliens commencent maintenant à laisser voir les dépouilles de leurs ennemis.
Le Hezbollah pariait sur une usure rapide de l’armée israélienne, sur la faiblesse d’un Ehud Olmert sans passé militaire et sur la vulnérabilité du moral de la population israélienne. Il en a été pour ses frais.
A ce jour, l’opinion publique internationale ne perçoit encore de cette guerre que le bombardement des populations civiles libanaises et la démolition apparemment inutile de leurs infrastructures. Elle a du mal à réaliser qu’il ne s’agit plus d’une guerre conventionnelle. Israël ne fait pas face à une armée régulière de soldats en uniforme, mais à une organisation de guérilla, bras armé de l’Iran, qui combat avec une extrême mobilité sur un terrain qui lui est familier, et utilise des techniques de camouflage héritées du Vietnam avec un lacis de tunnels et de bunkers creusés parfois jusqu’à 40 mètres de profondeur. Parfaitement cynique, ce « Parti de Dieu » autoproclamé a surtout fait le choix d’utiliser sans limite les populations civiles pour en faire des boucliers humains.
On a ainsi entendu pour la première fois le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les affaires humanitaires, Jan Egeland, accuser le Hezbollah de « se fondre lâchement » parmi les civils libanais et d'avoir causé la mort de centaines d’entre eux depuis le début du conflit entre la milice chiite et Israël : «Certains croient que j'ai parlé uniquement d'un usage excessif de la force par Israël à Beyrouth, mais mon message est que le Hezbollah doit stopper ces actes lâches qui mettent en danger la vie des femmes et des enfants. J'ai entendu qu'il y avait un communiqué du Hezbollah exprimant sa fierté d'avoir perdu peu de combattants. Je ne pense pas que l'on puisse être fier de voir mourir plus d'enfants et de femmes que de combattants», a-t-il ajouté.
En fait, depuis le début de cette guerre qui oppose Israël au Hezbollah, on peut constater un rare consensus international sur la nécessité de faire appliquer la résolution 1559 de l’ONU. Car désarmer le Hezbollah, c’est affaiblir ses parrains l’Iran et la Syrie.
Il existe cependant un véritable hiatus entre le point de vue des chancelleries ou des responsables politiques et celui de la population, tant en occident que dans les pays arabes. Alors, pour ménager leur opinion publique, nombreux sont ceux qui expriment bien haut leur condamnation d’Israël tout en souhaitant le voir gagner, et vite.
Le silence de la Russie est devenu assourdissant, bien qu’elle ait en main de nombreuses cartes de ce jeu régional. Les Etats-Unis s’expriment par contre avec beaucoup de fermeté, même s’ils sont les seuls à le faire : cette guerre fait écho à leur propre combat contre « l’Axe du Mal », et en cela leur opinion publique semble être sur la même longueur d’onde que ses dirigeants.
Et il n’y a qu’un seul arbitre capable de siffler la fin de partie. A vous de deviner lequel.
Sabine Roitman

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