Tribune
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Publié le 8 Avril 2010

Cher ami…

En visite officielle à Paris, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan martèle ses convictions et il a le verbe haut lorsqu’il est question d’Israël. Il affirme notamment qu’Israël « est la principale menace pour la paix régionale », déclarant par ailleurs que, si « un pays fait un usage disproportionné de la force en Palestine ou à Gaza, utilise des bombes au phosphore, nous n’allons pas lui dire bravo » (Libération, 8 avril 2010, p.9). La veille, dans le Figaro.fr (7 avril 2010), Erdogan rappelait que « lorsque des erreurs sont commises dans la région, il n'est pas juste de fermer les yeux. Un proverbe turc dit : «Un ami véritable dit peut-être ce qui est douloureux, mais il dit la vérité.» Nous disons donc la vérité. En ce moment, Israël ne soutient malheureusement pas la paix au Proche-Orient. »




Il a raison. Un ami dit peut être ce qui est douloureux, mais il dit la vérité. Alors, comme je suis un ami de la Turquie, je peux dire des choses douloureuses :



Premièrement : la Turquie n’a toujours pas reconnu le génocide arménien. Elle se refuse également à formuler des excuses au peuple arménien. La Turquie propose juste la création d’une commission fantoche pour parler de ce génocide, ce faisant la Turquie reste dans une posture honteuse : le négationnisme.



Deuxièmement : la Turquie est le seul pays au monde à reconnaître la fantasmagorique République turque de Chypre du Nord, État autoproclamé le 15 novembre 1983, après l’intervention militaire et l'occupation par la Turquie du nord de l’île de Chypre en 1974. La Turquie, au mépris des règles internationales et du droit, continue d’y maintenir une force militaire d’occupation de près de 30000 hommes.



Troisièmement : il existe toujours un problème kurde en Turquie. La liquidation de M. Abdullah Öcalan (dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)) ne le résoudra pas, pas plus que les opérations d’envergure menées par l’armée turque quelquefois même au Kurdistan irakien.



Quatrièmement : le sort des minorités (arméniens, Juifs, kurdes) en Turquie est extrêmement préoccupant. Le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie gagnent du terrain.



La Turquie devrait se préoccuper de toutes ces questions, à la place de pérorer.



Bref. Voyez-vous, Monsieur Erdogan, je dis moi aussi la vérité et je n’en reste pas moins votre ami.



Marc Knobel



Photo : D.R.