Tribune
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Publié le 11 Mars 2010

Chère Madame Hélène Mandroux,

Position d’Hélène Mandroux (consultable sur Facebook) : « Je considère que le respect du droit international est supérieur à tout autre considération commerciale. En l’espèce, l’installation d’Agrexco à Sète doit être différée et subordonnée au respect par l’état d’Israël des conventions internationales le concernant. »




Je suis aussi issu d’une famille (juive) qui a beaucoup souffert de 40 à 45 et j’ai découvert le sionisme en faisant en classe de Première un exposé qui m’avait été demandé par mon professeur d’histoire (communiste) de l’époque: l’Affaire Dreyfus.



Là, j’appris que s’il y eut une France honorable respectable, courageuse, il y eut aussi une France détestable et méprisable qui pensait qu’Alfred Dreyfus était un traître parce que Juif, alors qu’il portait en lui l’amour de la France. Un certain Théodore Herzl arriva -comme vous le savez- à la conclusion que les juifs devraient se ré accaparer leur propre histoire et créer un Etat Juif.



Je suis donc devenu sioniste.



Mais, un sioniste réaliste. Israël n’est pas le pays où coulent le lait et le miel. La vie y est difficile, des erreurs ont été commises et le poids de la guerre mine ce pays. Vous le savez, vous qui avez eu le courage de vous rendre à Tibériade (ville jumelée à Montpellier) lorsque cette ville était bombardée par le Hezbollah.



Pour éviter toute ambiguïté, Madame Mandroux, et avant de poursuivre plus avant cette analyse, il paraît nécessaire de rappeler que tout un chacun est parfaitement libre - quelque puisse être par ailleurs son appartenance culturelle et religieuse - de défendre la cause qui lui parait être juste. On peut très bien être solidaire de la cause palestinienne ou des Israéliens, sans pour autant devoir être jugé pour l’engagement qui est le sien, ou montré du doigt. De nombreux militants associatifs sont par ailleurs attachés à renouer les fils du dialogue entre les deux parties et pensent que la résolution du conflit est possible et envisageable. Nous rappellerons simplement que de nombreuses associations juives (dont quelques unes sont membres du CRIF) prônent le dialogue entre les deux parties. Nous rappellerons aussi que le CRIF est favorable à l’existence d’un Etat Palestinien ainsi qu’à la coexistence pacifique entre deux Etats, Israélien et Palestinien.



Seulement, bon nombre de représentants et militants de la gauche en France et d’ailleurs, pensent qu’il faut condamner Israël systématiquement. Ils érigent alors la culpabilité d’Israël comme un dogme.



Israël est coupable, point final.



Pis, certains d’entre eux pensent qu’il faut cogner encore plus fort pour faire plier le gouvernement israélien. Ils sont alors très actifs, très déterminés et cognent donc. Parallèlement et étrangement, certains d’entre eux oublient ce que sont les pays d’à côté et ils taisent ou feignent d’ignorer les dictatures syriennes ou iraniennes, la situation au Liban, au Soudan ou en Algérie, ils s’accommodent même de l’hégémonie du Hamas à Gaza. Les massacres de Tamouls les émeuvent à peine et l’occupation du Tibet par la Chine est bassement ignorée, balayée.



Je dis bien certains d’entre eux, je vous rassure Madame Mandroux. Je sais aussi que bon nombre de militants de gauche se battent également, courageusement et justement pour d’autres causes.



Pour aller plus loin encore, d’autres militants relayent un concept qui a été programmé à Ramallah et qui est théorisé par l’Autorité palestinienne : il faut boycotter les produits israéliens et tout ce qui vient d’Israël, notamment des territoires. Ils ajoutent un autre concept : l’apartheid.



Des associations pro palestiniennes utilisent alors une terminologie sciemment adaptée pour diaboliser complètement Israël, le mettre au ban des nations et faire de cet Etat une nouvelle Afrique du Sud.



Pourquoi les pro palestiniens s’inspirent-ils de l’exemple sud-africain ?



De toute évidence, elles raffolent de ce genre de vocables et de comparaison(s), tant elles aiment utiliser mots et concepts qui catégorisent le conflit ou l’Etat d’Israël. Nous retenons principalement les phrases suivantes, parmi d’autres, couramment utilisées dans ces milieux :



« Israël mène une politique d’apartheid. »
« Les territoires palestiniens sont des bantoustans. »
« Les méthodes nazies de Tsahal. »
« Les crimes de Tsahal. »
« Le massacre de Jénine. »
« L’Holocauste du Peuple juif ne justifie pas le génocide du peuple palestinien »…



Comme une sorte de miroir inversé et de reflet de l’histoire, l’israélien est assimilé au raciste sud-africain et quelque fois au nazi.



Tout le monde se souvient – par exemple – de quelques encarts publicitaires qui avaient été publiés en 1982 pendant la guerre du Liban, déjà, notamment dans le quotidien Le Monde. Les signataires dénonçaient l’intervention israélienne au Liban et parlaient de « génocide du peuple Palestinien », comme si ce génocide avait été réellement programmé. Or, il faut entendre par ce terme, (Le Petit Larousse): « le Crime contre l’humanité tendant à la destruction de tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux. » Le Larousse rappelle que le terme de génocide a été créé en 1944 pour qualifier l’entreprise d’extermination des Juifs et des Tsiganes perpétrée au cours de la Seconde Guerre mondiale par les nazis. Il a été rétrospectivement employé pour désigner les massacres commis en Turquie contre les Arméniens en 1915, ainsi que pour caractériser l’extermination de populations autochtones, notamment amérindiennes, par les conquérants européens. Le crime de génocide, imprescriptible, défini en droit international par la Convention de Genève de 1948, s’applique à des massacres plus récents, dont ceux perpétrés au Cambodge par les Khmers rouges (années 1970) et ceux commis dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda en 1990.



Dans ces conditions, la manœuvre qui est utilisée par les militants de la cause palestinienne transparaît dans sa plus grande limpidité. Elle consiste à répandre l’accusation, tout en la formulant, et - in fine - à l’officialiser. Elle est si répandue qu’elle devient de facto l’argument utilisé par quelques ONG lors de conférences internationales et dans les tribunes officielles et diplomatiques, pour ouvrir le dossier, accuser Israël d’un crime imprescriptible et, faire en sorte qu’il soit répudié par toutes les nations.



Après la codification et la légalisation de l'Apartheid en Afrique du Sud (1948), le boycott des fruits sud-africains en vente à l'étranger a été suivi avec passion et persistance dans beaucoup de pays et pendant longtemps. Il ne s'agissait pas, cependant, de perturber de façon grave l'économie sud-africaine, basée en large mesure sur l'or et les diamants (en 1979, les exportations d'or constituaient 61% du total des exportations, les oranges et autres fruits quelques pour-cent seulement); ni d'avoir comme but précis (pour reprendre la phrase de Robert Ecuey) « la disparition de l'Etat de l'Afrique du Sud ». Il s'agissait de stimuler la création du climat mondial de réprobation, mépris et colère, qui a contribué à isoler le gouvernement sud-africain. C’est ce qui a permis d'arriver ensuite à la concrétisation des sanctions, décidées par l'OPEP (embargo des livraisons de pétrole, début des années septante), par le gouvernement japonais (embargo des investissements, 1979), par les Nations Unies (embargo généralisé, 1981), par le Congrès étasunien (embargo des investissements, de l'importation d'or et de l'exportation d'armes, 1986), etc. Jusqu'à la fin de l'Apartheid en 1992.



C’est cette campagne qui inspire Omar Barghouti, l’analyste politique palestinien (qui vit à Ramallah), théoricien du boycott (palestinien) et membre fondateur de la campagne pour le boycott le désinvestissement et les sanctions contre Israël (BDS). Son argumentation s’appuie sur le modèle du boycott contre l’apartheid en Afrique du Sud. Selon lui, la lutte pour l’abolition de l’Apartheid peut effectivement servir de référence à la lutte actuelle pour la Palestine.



Que dit Barghouti ? : « Les crimes commis à Gaza ont donné une impulsion aux campagnes de la société internationale pour obtenir qu’Israël soit traité comme l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Sans s’en rendre compte, Israël a déclenché le commencement de la fin pour son régime d’occupation coloniale et sa version particulière d’apartheid » (L’Humanité, 28 mars 2008). En 2009, Omar Barghouti précise sa pensée : « Des gens qui disent maintenant que nous ne devrions pas boycotter les universités israéliennes, qu’est-ce qu’ils ont fait dans les années 80 ? Est-ce qu’ils n’ont pas eux-mêmes boycotté les institutions universitaires sud-africaines ? En fait le boycott sud-africain était un boycott total contre toute chose et toute personne d’Afrique du Sud, pas seulement les institutions. Le boycott palestinien est contre les institutions. Les mêmes personnes qui dans les années 80 ont rejoint un boycott total contre tout ce qui était sud-africain et l’Apartheid sud-africain sont les mêmes personnes qui disent hypocritement maintenant que nous ne devrions pas boycotter Israël. C’est de l’hypocrisie, c’est deux poids deux mesures et c’est traiter Israël comme une exception. »



A noter que ce théoricien du boycott ne s’exprime pas sans l’autorisation de l’Autorité palestinienne, qui couvre et encourage totalement son action.



Voilà donc pour l’utilisation de ce concept d’Apartheid.



Chère Madame Mandroux,



Vous écrivez sur votre blog que l’implantation de la société israélienne Agrexco au port de Sète doit « être différée et subordonnée au respect par l’état d’Israël des conventions internationales le concernant ».



Vous pensez peut-être bien faire. Je n’ose pas imaginer que, parce que des élections régionales ont lieu, vous seriez tentée par la démagogie électoraliste, afin de plaire aux Verts, qui veulent votre perte (de toute manière) et aux gauchistes qui détestent cette gauche que vous incarnez.



De toute manière, je vous le dis. Vous vous faites avoir. L’intention des boycotteurs n’est pas (simplement) si je puis dire de boycottez quelques produits, mais de tout boycotter.



Connaissez-vous l’appel du Caire ?



Non ? Alors lisez-le :



Nous, délégués internationaux réunis au Caire pour la Marche 2009 pour Liberté de Gaza, dans une réponse collective à une initiative de la délégation sud-africaine, statuons que :



Conscients des nombreuses similitudes entre l’apartheid Israël et l’ancien régime d’apartheid en Afrique du Sud, nous proposons :
*1)* Une tournée internationale de conférences au cours des 6 premiers mois de l’année 2010 par les syndicalistes palestiniens et sud-africains et militants de la société civile, pour qu’ils soient rejoints par des syndicalistes et des militants engagés dans ce programme au sein du pays visité, afin d’expliquer directement la campagne BDS directement aux syndicalistes et au grand public au niveau international ;
*2)* La participation à la semaine contre l’Apartheid israélien en Mars 2010 ;
*3)* Une approche unitaire systématique pour le boycott des produits israéliens, associant les consommateurs, les travailleurs et leurs syndicats dans le commerce de détail, l’entrepôt et les transports ;
*4)* Développer le boycott académique, culturel et sportif ;
Est-cela que vous voulez ?



Avec l’expression de mes sentiments distingués,



Marc Knobel
Photo : D.R.