J’avais pensé consacrer ce papier de rentrée à la crise sociale en Israël. Mais voilà que les missiles ont frappé à nouveau les villes israéliennes! Et les questions sociales paraissent dérisoires lorsque les terroristes sèment la mort dans la population. Et n’y a-t-il pas des points communs entre les soldats qui défendent avec fierté Israël et ces jeunes qui manifestaient shderot (avenue) Rothschild pour exprimer leurs préoccupations sociales. Ils se plaignent de la difficulté à trouver un logement, du coût de la vie, de la cherté des études et des dépenses de santé.
Après tout les jeunes qui entrent dans la vie active sont d’anciens soldats qui avaient consacré trois ans de leur vie à la défense de leur patrie. Oui ces anciens soldats méritent que l’état veille à ce que, une fois revenus à la vie civile, ils puissent trouver un toit et vivre décemment. La nation israélienne leur doit bien cela.
Ces jeunes parlent de justice sociale. Ils pensent y avoir droit alors que le miracle économique israélien est unanimement admiré. Oui Israël c’est l’exemple même du succès des thèses économiques libérales avec une forte croissance, un faible chômage, des exportations florissantes, des réserves extérieures élevées, une monnaie plus forte que le dollar, et une technologie mondialement admirée.
Oui mais l’échelle des revenus s’allonge, les inégalités s’approfondissent, et les Israéliens qui sont fiers de leur pays pensent qu’on peut faire mieux. Ils disent : « nous aimons Israël, mais nous voulons un état plus juste, qui donne un toit à tous, et une chance à chacun ».
Ce qui est surprenant c’est que ce mouvement émane des classes moyennes. C’est une revendication pacifique, bon enfant, sans violence. Rien à voir avec mai 68 et ses pavés. Rien à voir avec le printemps arabe, un printemps sanglant qui visait à libérer les peuples de dictateurs. Ces « indignés israéliens» sous des tentes sur le Bd Rothschild surprennent : ils fument le narguilé, mangent des sushis, poussent des poussettes et des porte bébés, ce sont des bourgeois, des adolescents, des étudiants. A ce mouvement s’ajoute une grève sévère des médecins hospitaliers qui menacent de démissionner collectivement.
Satisfaire toutes ces exigences passerait évidemment par des changements dans les priorités gouvernementales. Plus de crèches, d’écoles maternelles, plus de logements sociaux, et la gratuité de l’éducation. Mais comment faire quand le canon gronde, quand il est urgent de construire une barrière étanche entre l’Egypte et Israël, quand il faut trouver une parade aux missiles qui frappent Ashdod, Ashkelon et Beersheba, quand les alliés d’hier risquent de devenir des ennemis. Comment faire aussi quand une partie de la population israélienne, les Haredim, ne contribuent ni au service militaire ni aux impôts.
Les deux principaux partis politiques, Likoud et Kadima, sont pris par surprise. Ils ne voyaient pas venir ces revendications. Ce mouvement traduit la déception à l’égard de toute la classe dirigeante, chefs d’entreprises et syndicats compris. Chacun se rappelle combien de personnalités politiques ont été l’objet de poursuites judiciaires, voire de condamnations à des peines de prison : depuis un ancien président de l’état, un ancien Premier Ministre, et un ancien ministre des finances. Cela me rappelle le propos de l’ancien refusenik Nathan Charansky : « j’ai été en prison avant d’être ministre. Ici c’est l’inverse ». Mais les reproches abordent désormais aussi des questions politiques : on entend des reproches sur l’argent dépensé pour les implantations et pour les partis religieux. C’est peut-être le début de grands changements dans la vie politique israélienne.
Natanyahu a nommé une commission présidée par un monsieur Trachtenberg. Espérons que cette commission ne sera pas une chambre d’enterrement des revendications.
Nous sommes fiers du courage impressionnant de nos frères israéliens. Nous sommes fiers de leur réussite économique. Les Israéliens sont capables de devenir aussi un modèle de réussite sociale. Au risque de rendre jaloux tous les ennemis d’Israël !
(Chronique du 5 septembre 2011 sur Judaïques FM)
Photo : D.R.