Tribune
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Publié le 19 Mars 2010

D’Ismaël et d’Israël, d’Ibrahim et d’Abraham en France

Dès la fin du dix-neuvième siècle, de nombreux Juifs considérèrent que l’on pouvait être heureux comme Dieu en France. Fuyant l’indignité ou le malheur, les persécutions et les pogroms qui sévissaient en Europe centrale et de l’est, ils s’ajoutèrent aux dizaines de milliers de Juifs qui vivaient sur le territoire national, depuis deux bons millénaires. Qu’ils fussent de longue date ou plus récemment installés en France, les Juifs donnèrent à notre pays le meilleur de ce qu’ils pouvaient donner. Mieux encore, il n’est pas saugrenu de penser qu’ils furent en quelque sorte les sentinelles ou les vigies de la République, tant les Juifs s’accrochaient aux valeurs républicaines qu’ils portaient en eux. Malgré les soubresauts antisémites de l’Affaire Dreyfus, des années 30 ou du régime honni de l’ex-maréchal Pétain, les Juifs de France firent honneur à leur pays. Et dans les années 50 ou 60, d’autres Juifs cette fois originaires d’Afrique du Nord vinrent enrichir notre pays.




Ces toutes dernières années, des dizaines et des dizaines de milliers de personnes provenant du Maghreb ou de pays arabo-musulmans vinrent s’installer en France. Dans les années 60, ne fallait-il pas régénérer notre pays, trouver des forces vives qui pourraient suppléer et/ou à qui l’on confierait des tâches dures et ingrates? Ainsi, les terrassiers, les ouvriers, les artisans et une légion d’autres travailleurs se mirent à construire nos immeubles, ramasser nos poubelles et construire nos routes. D’autres forces vives s’activèrent et participèrent pleinement au devenir de notre industrie, de nos villes. Encore fallait-il qu’en France, nous ne les parquions pas dans quelques ghettos ou HLM, encore fallait-il offrir à leurs enfants un autre devenir que celui de se voir discriminer, parce que l’on s’appellerait Ahmed ou Mohamed.



Ce n’est que justice que de demander que les discriminations et le racisme ne viennent plus ternir l’image de notre pays. La République, une et indivisible a le devoir impérieux de protéger et d’aimer TOUS ses enfants, sans qu’aucune distinction ne vienne troubler notre sommeil. Et, faut-il le répéter : il ne peut y avoir de citoyens de seconde zone dans le pays des Droits de l’Homme !



Malheureusement, depuis quelques années, les enfants d’Israël et d’Ismaël, filles et fils d’Abraham et d’Ibrahim se regardent quelquefois en chien de faïence. Des flots d’incompréhension, des mésententes, des méfiances s’expriment d’un côté comme de l’autre.



Les Juifs sont voués aux gémonies, ils sont assimilés aux Israéliens, eux-mêmes assimilés aux nazis et la solidarité ou l’amitié qu’ils voueraient à Israël, est considérée par une frange de la population arabo-musulmane, comme un crime inexpiable. Pis, dans les collèges et les lycées, des enfants Juifs sont vus par quelques jeunes voyous comme de petits « Sharon», et parce qu’ils porteraient un nom Juif, les élèves deviennent de véritables boucs émissaires. Des fidèles sont agressés, des Lieux de Culte sont profanés. Et le mal être Juif croît au fur et à mesure que les agressions croissent, que l’incompréhension grossit, que l’amalgame poursuit son œuvre et que la diabolisation d’Israël s’officialise.



De l’autre côté, les arabo-musulmans sont mal perçus, ils sont redoutés, quelquefois détestés. Et de grandes généralisations peuvent se répandre ici où là. La peur n’est pas bonne conseillère, elle pousse les gens dans des schèmes simplistes.



Alors, il est un moment ou des cris doivent s’élever, des synergies doivent être trouvées, des personnages doivent se dresser pour appeler à la raison les uns et les autres. Il est un moment ou des hommes doivent former une chaîne humaine faîte tout simplement de l’Humanité, du vivre ensemble, de nos musiques communes, de nos plats favoris et de nos sourires retrouvés.



Marc Knobel



Photo : D.R.