Daniel Patrick Boyd semblait avoir tout pour être un Américain ordinaire. Sur une photo prise il y a des années on voit un jeune homme blond roux, rasé de près, aux yeux clairs et à l'apparence avenante. Né dans une famille appartenant à l'Eglise épiscopalienne, avec un père capitaine dans le corps des Marines, il avait fait partie de l'équipe de football américain de son Lycée. Et, au sortir du Lycée il épousa, d'une manière presque traditionnelle, sa petite fiancée.
Pourtant, Daniel Boyd était loin d'être un jeune homme ordinaire. Ses parents s'étaient séparés quand il avait avait 5 ans et divorcé alors qu'il en avait sept. Selon sa mère ils vécurent alors dans la misère. Jusqu'à ce qu'elle rencontre et épouse William Saddler, un avocat de l'État de Washington et un musulman américain. Ce qui explique que Daniel Boyd se convertit à l'islam à l'âge de 17 ans. Sabrina, sa fiancée se convertit également, quelques heures avant leur mariage dans une mosquée. Même si ce parcours était alors devenu inhabituel, rien jusque là ne pouvait expliquer qu'on le retrouve une vingtaine d'années plus tard arrêté chez lui en Caroline du Nord par 100 agents fédéraux dont quatre équipes du SWAT - équivalent du GIGN -. Son alias était alors « Saifullah » ou Epée de Dieu, et ses deux fils, Zakaria et Dylan- Moahmed, ainsi que quatre autres hommes étaient arrêtés avec lui...Il a depuis plaidé coupable.
Une rare photo le montre, peu changé si ce n'est qu'il arbore une longue barbe clairsemée. Quant aux rares photos de son épouse, elles montrent une femme en burka dont on ne voit que les yeux. Très surpris, leurs voisins les décrivirent lors de leur arrestation dans une petite ville de Caroline du Nord, comme une famille musulmane dévote mais très avenante. Daniel Boyd partageait volontiers son savoir en matière de jardinage ou de pêche...Le son de cloche recueilli auprès de fidèles fréquentant la mosquée était quelque peu différent. Selon ces témoignages Daniel Boyd et l'un de ses fils étaient favorables à une pratique plus stricte que ce qui y était préconisé et avaient donc décidé de prier chez eux. Cinq fois par jour, mais toujours dans la plus grande amabilité vis-à-vis des voisins. D'ailleurs cet entrepreneur avait mis un auto-collant proclamant « je soutiens nos troupes » sur le pare-choc de son véhicule...
Il avait entraîné ses fils dans la voie du jihad et du martyre.
Surpris aussi ces voisins ont dû l'être d'apprendre que dans l'acte d'accusation du FBI il était reproché à Daniel Boyd, deux de ses fils et trois de leurs amis - une grande famille selon son épouse - d'avoir « de novembre 2006 à juillet 2009 au moins, comploté avec les autres accusés pour fournir un soutien matériel et des ressources à des terroristes, y compris des fonds, les avoir entraînés, transportés et aidés sur le plan personnel. Les accusés ont également projeté pendant cette période d'assassiner, kidnapper, mutiler et blesser des personnes à l'étranger. Le but du complot étant de promouvoir un jihad violent, y compris soutenir des activités terroristes à l'étranger et y participer et commettre des meurtres, kidnappings à l'étranger ou d'y mutiler des personnes...ils étaient prêts à mourir en martyrs....ils auraient aussi offert d'entraîner au maniement des armes et de financer et organiser des déplacements à l'étranger pour que d'autres puissent y conduire un jihad.»
On y lit aussi que « les accusés ont collecté des fonds en en cachant le but aux donateurs et ils ont obtenu des armes d'assaut pour développer les compétences dans leur maniement. Certains des accusés auraient radicalisé les autres leur présentant le jihad violent comme une obligation religieuse personnelle. »
Un jihad dans lequel il avait entraîné ses deux fils âges de 20 ans et 22 ans.
Activités en Jordanie, en Israël et à Gaza
On découvre que par « à l'étranger » le FBI veut dire la Jordanie, Israël et Gaza. David Boyd et l'un de ses fils s'étaient rendus à Gaza en mars 2006, il était ensuite allé en Israël en juillet 2007 avec des membres du groupe. Un autre accusé était allé en Jordanie en octobre 2006. L'un des accusés est originaire du Kosovo et résidait légalement aux Etats-Unis. Leurs efforts auront été vains, semble-t-il, mais ils n'avaient pas renoncé à leurs projets...
Un séjour caritatif au Pakistan
L'expérience vécue par le couple Boyd peu après leur mariage a sans doute été déterminante. Après la naissance de leurs deux premiers enfants, par l'intermédiaire d'une association caritative musulmane Daniel et Sabrina Boyd allèrent s'installer à Peshawar pour y aider les réfugiés afghans qui fuyaient au Pakistan. Un troisième fils naquit, Charles Boyd, son frère, et sa deuxième femme les rejoignirent. Ils vécurent alors dans des conditions apparemment difficiles et Daniel Boyd et son frère furent arrêtés pour un braquage de banque à main armée et déférés devant un tribunal islamique en octobre 1991. La sentence aurait pu être l'amputation d'une main et d'un pied... A l'époque les Boyds qui affirmaient n'avoir voulu que récupérer leur argent que la banque aurait volé, disaient accepter la charia mais avaient décrit ce tribunal comme étant « infidèle. » Des élus démocrates avaient volé à leur secours, qualifiant cette sentence de « barbare, » le représentant américain sur place était également intervenu en faveur de ces ressortissants. Le Washington Post en avait donné un compte-rendu détaillé à l'époque.
Toujours est-il qu'ils ne furent pas amputés et qu'ils furent libérés de prison. Daniel Boyd s'installa ensuite en Caroline du Nord. Aujourd'hui son épouse affirme que Daniel Boyd s'était alors battu contre les Soviétiques avec l'aval du gouvernement américain.
Une épouse respectueuse d'une charia implacable et une ONG partie prenante du terrorisme anti-occidental et anti-israélien
Un des aspects troubles dans cette affaire est l'attitude de l'épouse de Daniel Boyd. Cette fille de médecin militaire, aujourd'hui jeune femme très discrète, presque invisible car portant la burka, nie, contre toute évidence que son mari, qui a pourtant plaidé coupable le 9 février dernier, ait eu quoi que ce soit à voir avec des activités terroristes. Et cette inconditionnelle de la charia ne semble pas s'émouvoir qu'il ait fait de leurs deux fils aînés des candidats au « martyre » au nom d'une obligation religieuse...On se demande d'ailleurs quel rôle elle a pu jouer dans l'éducation de leurs enfants...
Elle s'exprime peu, prétend que sa famille est une famille comme les autres et a fait de l'ONG The Muslim American Society son porte-parole. Cette ONG discrète se décrit comme caritative, religieuse, sociale, culturelle, éducative. Certains des musulmans américains qui se rattachent à The Muslim American Society ne connaissent pas nécessairement les fondateurs de cette organisation qui sont pourtant, ni plus ni moins, «les Frères Musulmans », comme l'a affirmé publiquement les leaders de The Muslim American Society. Or les frères musulmans ont influencé beaucoup de leaders terroristes dans le monde, comme Osama Ben Laden et Ayman al Zawahiri et ont engendré des groupes comme le Hamas et le Jihad islamique. IPT, le Projet d'Investigation sur le Terrorisme, fondé et dirigé par Steven Emerson - qui fut avec Daniel Pipes le premier à suivre la progression de l'islamisme aux États-Unis, donne de multiples exemples de la promotion du terrorisme anti-américain, anti-occidental et anti-israélien des organisations inspirées par les Frères Musulmans...
Un terrorisme maison, phénomène inquiétant
Lors de l'audience au cours de laquelle Daniel Boyd a reconnu sa culpabilité, le Procureur George E.B. Higging a déclaré : « ce cas montre que notre monde change. Les terroristes ne viennent plus seulement de pays étrangers mais aussi des citoyens qui vivent à l'intérieur de nos frontières. » Un phénomène inquiétant que les États-Unis sont bien décidés à combattre en y consacrant tous les moyens possibles. Le ministre de la Justice adjoint pour la Sécurité des États-Unis disait à ce propos : « je félicite les nombreux agents, analystes et procureurs qui ont contribué à obtenir ce résultat fructueux. »
Le Ministre de la Sécurité Intérieure, Janet Napolitano, évoquait ce phénomène du developpement d'un « terrorisme maison » le 2 février dernier devant la Chambre des Représentants. Elle déclarait : « au cours des deux dernières années nous avons constaté une augmentation du nombre de groupes terroristes inspirés par l'idéologie d'al-Quaida - y compris, mais pas seulement, al-Quaida dans la péninsule arabique au Yémen, al-Shabaab en Somalie et Tehrik-e Taliban du Pakistan - qui mettent de plus en plus l'accent sur le recrutement d'individus qui sont soit Occidentaux, soit ont des liens avec l'Occident, mais qui n'ont pas de liens marqués avec des groupes terroristes et sont donc plus difficiles à identifier. »
Elle donne en exemple Umar Farouk Abdulmutallab, accusé d'avoir tenté de faire exploser des explosifs dans un avion se rendant à Detroit, ou Faisal Shahzad d'avoir tenté de faire exploser une bombe à Times Square en mai dernier. Elle ajoutait : « ces groupes essaient aussi d'encourager des individus en Occident de conduire leurs propres attaques à une échelle moindre, ce qui exige moins de coordination ou de planification à l'avance et serait donc moins facilement repéré. » Une évolution préoccupante qui exige « une organisation différente de la sécurité, » avec un accent plus important sur l'importance des forces de sécurité « sur le plan de l'État, le plan local et tribal. »
Réalisé grâce divers médias américains dont le New York Times, le Washington Post, Assciated Press, CNN, les sites du FBI, du ministère de la Sécurité intérieure, de The Investigative Project ou NBCL7.com et Anti Defamation League.
Photo : D.R.