Tribune
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Publié le 15 Septembre 2004

De la force du dialogue Par Marc Knobel

En ces temps difficiles, il peut paraître superflu ou hasardeux, si ce n’est totalement vain de dialoguer avec des formations ou des associations qui ne nous inspireraient au préalable qu’une certaine méfiance. Que gagne-t-on en effet à rencontrer des gens que l’on combat politiquement ou qui ne vous inspire que le doute et la suspicion ? La question mérite d’être posée et il faut entendre les remarques et/ou critiques d’où qu’elles viennent, lorsqu’elles sont posées avec déférence et intelligence. Il faut alors apprécier et à sa juste valeur ce qui est dit, les réserves qui sont exprimées et échanger des points de vue divergents.



A un moment ou un autre pourtant, il faut décider de ce que l’on doit faire et envisager que le dialogue se tienne (ou ne se tienne pas). Si l’on décide de la tenue d’une rencontre, il faut poser un postulat simple : le dialogue ne suppose pas que l’on fasse abstraction de ce que l’on est, ni que l’on fasse amende honorable à quelque moment que ce soit. Quelle bêtise ce serait que de penser que l’homme qui dialogue se compromet ! Aucune compromission donc. Le vrai dialogue est apaisé, il est respectueux de ses contradicteurs et se déroule dans une parfaite sérénité. Chacun est là pour dire à l’autre ce qu’il comprend, ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il lit, ce qu’il pense, ce qu’il sait. L’échange est quelquefois rapide, vif, mais il est forcément empreint d’une vérité, d’une conviction, et de l’écoute nécessaire qui permet au dialogue de se dérouler dans les meilleures conditions.

L’autre peut hésiter, il peut vous contredire, il avancera ses propres arguments, il réfutera votre analyse. Mais il entendra néanmoins ce que vous lui direz et de toute évidence, vous lui assénerez vos propres vérités. En ce sens, le dialogue est un échange, subtil, vif quelquefois, il peut même être douloureux. Mais il n’existe aucune autre forme qui soit si complète, si parfaite.

Quelquefois les critiques qui sont adressées au CRIF prennent une autre tournure. Le reproche fuse aussitôt : pourquoi dialoguez-vous avec l’UOIF, dialoguerez vous avec Jean-Marie Le Pen ou Robert Faurrison ? Et par un étrange raccourci, le CRIF se voit ainsi accusé de se compromettre et/ou de légitimer les ennemis de la République. Le raccourci est cinglant, mais il est trop rapide, presque indécent et l’argument de toute manière ne tient pas la route. Il tient d’autant moins la route que le CRIF n’a pas besoin qu’on lui rappelle ce qu’est l’UOIF. Le CRIF sait et nul ne doit douter que nous sachions.

Que faut-il alors répondre ?

Lorsque l’époque est troublée, lorsque se profilent les menaces et que le malaise se répand à une si grande vitesse, existe-t-il un autre moyen que d’interpeller, que de questionner, que de proclamer ; bref, que de dialoguer ?

Le dialogue est infiniment républicain et il se déroule dans un espace commun qui est exclusivement et foncièrement républicain. Cet espace commun est celui de la République française, une République une et indivisible, laïque aussi. Une République qui ne veut pas distinguer ses enfants, une République qui impose à chacun de penser aux droits qui sont les siens et aux devoirs qui sont le lot de tout un chacun : le devoir de respecter les valeurs républicaines et les lois de la République, le devoir de se poser en citoyen responsable, le devoir d’être fraternel à l’égard de son prochain et le devoir d’aimer ce pays, le pays des droits de l’homme et de la liberté.

La France n’est pas l’espace des particularismes exacerbés, des communautarismes attisés, de l’exclusive et des discriminations, mais le pays où devrait se forger les consciences et l’intérêt commun.

Le CRIF proclamait en son soixantième anniversaire qu’il fallait aimer la République : « Vive la République ! » tel était le mot d’ordre que scandait le CRIF comme en écho à tous les exécrables qui veulent diviser, jeter l’anathème et détruire les fondements de la République. Aujourd’hui et quelque soit la difficulté qu’il puisse y avoir à rencontrer des interlocuteurs pour le moins changeants et subtils, le CRIF proclame plus que jamais son attachement au dialogue.

A toutes celles et tous ceux qui douteraient et/ou qui penseraient que d’autres solutions existent, le CRIF répond tout simplement que le dialogue est la seule et unique solution et que lorsque l’on dialogue, on ne dialogue pas qu’avec ses seuls amis.