Quelques jours avant son voyage en Iran (1), Dieudonné a rencontré une sorte d’émissaire culturel de la République islamique d’Iran. L’agence de presse Fars (19 novembre 2009), réputée proche des Gardiens de la Révolution, donne le détail de cette rencontre. Cet article a été transmis pour traduction à un Iranien, grâce à l’intermédiaire de Michel Taubmann, que nous remercions (2):
Traduction de l’article :
Le cinéaste (sic) français Dieudonné rencontre le directeur du Centre de développement du cinéma documentaire et expérimental en Iran... Lors de cette rencontre, Dieudonné a critiqué les réalisateurs et producteurs de l'industrie du cinéma en France qui ne s'intéressent qu'à certains sujets, tout en précisant que le scénario sur lequel il travaille depuis 10 ans et consacré à l'esclavage a été rejeté par toutes les entreprises cinématographiques françaises qu'il a pu contacter, toutes contrôlées par les juifs et les investisseurs influencés par la politique cinématographique de Hollywood, à tel point qu'il a dû se tourner à la fin vers Cuba afin d'y poursuivre la recherche d'un producteur.
Par la suite, Dieudonné ajoute que bien qu'il joue au théâtre depuis 25 ans, qu'il ait tourné dans plusieurs films, et qu'il soit français depuis quatre générations, il reste néanmoins aux yeux des Français un « étranger ». L'interlocuteur iranien, Chafi' Agha-Mohammadian s'est quant à lui dit prêt « à toute sorte de coopération. »
Dieudonné le perturbé
Rappelez-vous : il y a une quinzaine d’années, Dieudonné qui était un humoriste très doué, combattait le Front national, à Dreux. Il était classé à gauche. Mais, son positionnement et son image publique ont évolué dans les années 2000. C’est à ce moment là qu’il commence à parler des Juifs et de la Shoah. Ses phrases deviennent de plus en plus incisives, de plus en plus hargneuses, de plus en plus violentes, comme si Dieudonné voulait toujours aller plus loin, comme si Dieudonné voulait taper plus fort, ajoutant à l’outrance, l’injure et l’ignominie.
Selon l’encyclopédie Wikipédia, les propos controversés de Dieudonné remonteraient à l’année 2000: « Dieudonné souhaite se lancer dans l'écriture et la réalisation d'un film sur le Code noir et demande une « aide à l'écriture » au CNC qui lui sera finalement refusée. Dieudonné reviendra à plusieurs reprises sur ce refus, accusant « les sionistes du CNC » de pratiquer un « deux poids, deux mesures », comparant le mauvais sort fait selon lui à la traite des Noirs par rapport à la Shoah. Ce refus du CNC est selon Dieudonné le déclencheur de ses prises de position ultérieures. »
Quelques années plus tard, nous mesurons à quel point Dieudonné continue d’imputer aux Juifs ce pseudo-refus de réaliser son « Code noir ». Voilà une vision particulièrement caricaturale, parfaitement stéréotypée et fantasmée du Juif et du cinéma, ou du contrôle prétendument Juif de l’industrie cinématographique. Voilà en même temps, un tour de passe grandguignolesque qui expliquerait le propre échec de Dieudonné. Dieudonné sait-il jamais demandé ce que valait son projet, à la place d’agiter l’épouvantail juif et de dresser les communautés les unes contre les autres ? Dieudonné se contente d’une réponse qui satisfait à la nouvelle vision qu’il a du monde. Cette réponse sied également et probablement à ses nouveaux amis, qu’il se plaît tant quelque part à courtiser, Soral, Le Pen ou Faurisson : Tout est de la faute des juifs et le juif -parce qu’il existe (encore ?)- peut à lui seul expliquer tous les malheurs du monde. Cette vision désespérante et chaotique en dit long sur sa psyché. L’homme est tellement perturbé qu’il va chercher en Iran, un réconfort et une oreille attentive. Et le voilà qui tend les bras à Ahmadinejad.
Dans une nouvelle séquence, Dieudonné réclame aux internautes de l’argent, parce qu’il s’estime victime d’une « stratégie judiciaire » qui, en tentant de le faire condamner par la justice et en lui réclamant des dommages, l’étranglerait. Pendant qu’il se gausse, son partenaire le dénommé « Jacky » est affublé d’une énorme étoile jaune. Ledit Jacky est censé représenter le juif, il gesticule, et se trémousse, pour en demander plus. Dieudonné entonne alors une chanson provocatrice sur la Shoah. Dieudonné qui se complait en éternelle victime n’est pas à une provocation près. Voilà, un registre qu’il affectionne. Et finalement, dans ce rôle, Dieudonné excellera toujours.
Alors, je le dis : au royaume des aveugles et des niais, le Dieudonné est roi.
Marc Knobel
Photo : D.R.
Note :
1) Dieudonné était l’un des membres du jury du festival du court métrage de Téhéran, qui a eu lieu des 11 au 16 novembre 2009. Le festival a été organisé par la Société du Jeune Cinéma Iranien (JECI), un membre de la Conférence internationale du court métrage (IFSC).
2) http://www.farsnews.com/newstext.php?nn=8808240302