Le programme de Durban III devrait être intense, avec des « réunions plénières d’ouverture et de clôture», des « tables rondes consécutives » et des « groupes thématiques », l’ensemble aboutissant à une « déclaration politique » - le tout dans la célébration de la « Conférence mondiale sur le racisme » qui s'est tenue à Durban I, en Afrique du Sud, en 2001. Selon les organisateurs, faire coïncider Durban III avec l’ouverture annuelle de l’Assemblée Générale devrait garantir une large participation des présidents et premiers ministres, ce qui n’avait pas été prévu par les organisateurs de Durban I et de Durban II (3 – 4).
Mais, pourquoi donc faut-il commémorer la conférence dite de Durban I ?
La Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance de l’ONU s’était ouverte à Durban, en Afrique du Sud, du 31 août au 4 septembre 2001. Cette conférence devait être un moment de réflexion : l’occasion d’un retour sur l’Histoire, les traumatismes du passé (colonialisme et esclavagisme), et la persistance du racisme. Mais, une armée d’ONG plus ou moins connues, appuyée par les États arabes et les représentants des Palestiniens, ont détourné la Conférence de l’ONU contre le racisme réunie à Durban. Avant même l’ouverture de la Conférence, des pressions énormes ont été mises en place afin d’exclure les organisations israéliennes et juives. Durant la Conférence, dans la ville de Durban, des banderoles ont été hissées lors de la « Marche contre le Racisme », près du Club juif de la ville et de la synagogue de Durban, avec les inscriptions : « Si Hitler avait vécu, il n’y aurait pas eu d’Etat d’Israël ». Par ailleurs, des jeunes et des étudiants juifs ont été agressés. Enfin des recueils de caricatures antisémites ont été distribués, sous le logo de la Conférence mondiale contre le Racisme.
Lors des débats, Israël a été accusée de « génocide » visant les Palestiniens et d’« ethnocide », de « nettoyage ethnique ». De fait et par ces thèmes, c’est le droit à l’existence de l’Etat d’Israël qui a été récusé. Le Forum des organisations non-gouvernementales (ONG), qui s’est tenu en marge de la Conférence a relancé la polémique sur le Proche-Orient, en adoptant, le 2 septembre 2001 à Durban, une résolution qui qualifie Israël « d'Etat raciste » coupable d'actes de « génocide » contre le peuple palestinien (5). Le document, adopté par 6.000 ONG dans 44 groupes d'intérêt ["caucus"], a appelé « à l'arrêt immédiat des crimes racistes systématiques perpétrés par Israël, dont des crimes de guerres, actes de génocide et de nettoyage ethnique (…) et de terrorisme d'Etat contre le peuple palestinien. »
Cependant, plusieurs organisations de défense des droits de l'homme -dont la Fédération internationale des droits de l'homme, Amnesty International, Human Right Watch- ont refusé de prendre part au vote de la résolution.
Finalement, la discussion très vive sur le conflit au Moyen Orient a provoqué le départ des Etats-Unis et d'Israël le 3 septembre 2001. Mary Robinson, haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a condamné les « mots inappropriés » de la déclaration des ONG. « Dans les conférences mondiales » a-t-elle affirmé « j’ai l’habitude de recommander aux délégués de lire les déclarations des ONG. Cette fois, je ne le peux pas. Le terme de « génocide » est inacceptable (6) ».
Outre la controverse suscitée par le conflit israélo-palestinien et plus tard par le Blasphème (7), un certain nombre de pays africains, avec à leur tête le Nigeria et le Zimbabwe, accompagnée d'ONG afro-américaines, ont exigé des excuses individuelles de la part de chaque État s'étant engagé dans l'esclavage, ainsi que la reconnaissance de celui-ci en tant que crime contre l'humanité, accompagné de réparations. Les États européens se sont opposés à cette requête, se rangeant à l'avis du Royaume-Uni.
Dans le même temps, aucun caucus, aucune commission, aucun atelier, aucune affiche, ni slogan n’ont mentionné le drame insupportable des femmes afghanes, les massacres de femmes algériennes, le déni des droits culturels des femmes kabyles, l’esclavage des femmes soudanaises noires du sud, animistes ou chrétiennes…
Les réactions
Ceux qui ont assisté personnellement au festival de la haine de Durban I, ceux qui ont entendu les déclarations antisémites qui y ont été prononcées, les incantations furieuses ont été transformés à jamais. Dans ces circonstances, comment se fait-il, comment se peut-il que l’ONU veuille commémorer la mascarade pseudo antiraciste de Durban I en septembre 2011 ?
De fait, les réactions n’ont pas tardé.
Dans un communiqué, l’Ambassadeur américain à l’ONU, Susan E. Rice, a déclaré que les Etats-Unis ont voté contre cette résolution (de l’AG de l’ONU), « parce que le processus de Durban affiche des étalages laids d’intolérance et d’antisémitisme, et nous ne voulons pas voir cela… » (8)
Le ministre canadien de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme Jason Kenney a affirmé que le Canada boycottera la session Durban III. Jason Kenney a expliqué dans un communiqué que ce genre de réunion –comme Durban II en 2009, également boycotté par le Canada et par une dizaine de pays, dont Israël et les États-Unis– a été utilisé par certains pays, tel l’Iran, pour propager l’antisémitisme et attaquer Israël. « Cette forme de désignation insistante d’un bouc émissaire à condamner a été l’un des traits les plus controversés du processus de Durban à son origine », a dit M. Kenney. « C’est pourquoi le Canada a été fier d’être le premier pays à se retirer de Durban II et c’est pourquoi il ne participera pas à Durban III et c’est pourquoi nous continuons de conduire le combat global contre l’antisémitisme qui fait partie de nos efforts pour lutter contre la xénophobie », a-t-il ajouté.
Enfin, « dans les conditions actuelles », Israël a l'intention de boycotter le prochain sommet de Durban III, a annoncé le ministère des Affaires étrangères. Jérusalem a rappelé que la première conférence qui s’était tenue à Durban en Afrique du Sud en 2001 avait été le théâtre de débordements anti-israéliens et anti-juifs : « des cicatrices qui ne sont pas prêtes de se refermer ». Le ministère a précisé toutefois qu'Israël soutenait « la lutte internationale contre un racisme dont le peuple juif a tant souffert ».
Conclusion provisoire :
Durban I ce fut :
Le refus de condamner des Etats qui pratiquent la discrimination, voire la répression, au sein de leur propre société.
L’institutionnalisation de l’antisémitisme en mettant ouvertement et systématiquement en accusation l’Etat d’Israël par des thèmes racistes n’ayant aucun rapport avec le libre examen critique de la politique d’un Etat membre de l’ONU.
L’établissement du délit de blasphème en contradiction avec la liberté absolue de conscience, la liberté d’expression et la laïcité.
Le rejet de l’universalité des droits de l’homme au profit d’un communautarisme exacerbé.
Enfin, à Durban, des ONG ont tenté de promouvoir des thèses sexistes, hostiles aux droits des femmes et contestant leur droit à l’émancipation.
Dans ces conditions, doit-on commémorer en septembre 2011 cette conférence ?
Notes :
1) 104 pays ont voté en faveur de la tenue de cette session extraordinaire de l’Assemblée générale dite de Durban III.
22 pays ont voté contre cette résolution : l'Australie, la Bulgarie, le Canada, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, l’Allemagne, Israël, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, les Iles Marshall, Micronésie, les Pays-Bas, les Palaos, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Suède, la Macédoine, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
33 pays se sont abstenus dont l'Autriche, la Belgique, la France, la Grèce, la Hongrie et l'Espagne.
2) Rappelons que le mois de septembre 2011 sera le dixième anniversaire d’un autre événement historique : l’attentat du Word Trade Center.
3) The Weekly standart, 25 décembre 2010.
4) Le 22 novembre 2006, la troisième Commission de l’Assemble générale à New York adopte une résolution qui demande l’organisation d’une conférence en 2009 pour examiner « la mise en œuvre de la déclaration et du programme d’action de Durban I ». Elle prie le Conseil des Droits de l’Homme d’entamer les préparatifs de cette manifestation. En août 2007, l'Ambassadrice libyenne Najat Al-Hajjaji est élue pour présider le Comité préparatoire de la Conférence de suivi de Durban. A la vice-présidence du Comité, on trouve la République islamique d’Iran et comme rapporteur Cuba.
Lors de la conférence et dans son allocution, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a une nouvelle fois qualifié Israël de "gouvernement raciste", les 23 ambassadeurs européens présents se sont alors levés et ont quitté la salle sous les huées, en signe de protestation.
Cependant, tous les pays de l'UE qui avaient choisi de participer à la Conférence de l'ONU sur le racisme à Genève, sauf la République tchèque, ont décidé d'y rester malgré les propos du président iranien, soit au total 22 des 27 pays du bloc. Ces pays ont été rassurés par le fait que la question de la diffamation des religions n’apparaitrait plus dans la déclaration finale de 2009 et que l’Etat d’Israël ne serait pas non plus mentionné, même si la déclaration finale de 2009 réaffirme en son article 1 la primauté de la déclaration et du programme d’action de Durban de 2001, soit les articles 63, 64 et indirectement l’article 65 mentionnant et stigmatisant le seul Israël.
5) Rappelons que l’amalgame « sionisme = racisme », voire « sionisme = nazisme », a été l’un des plus importants héritages de la propagande soviétique dont les principaux thèmes ont été repris d’abord par le monde arabo-musulman. Cette orchestration a rendu possible l’adoption, le 10 novembre 1975, par les Nations-Unies, de la Résolution 3379 condamnant le « sionisme » défini comme « une forme de racisme et de discrimination raciale » Cette résolution a été une grande victoire idéologique du camp soviétique et de l’OLP de l’époque.
Cette résolution n’a été abrogée, dans ses conclusions du moins, qu’en décembre 1991. Mais, l’Assemblée générale ne s’est pas livrée un examen de conscience. Simplement, les rapports de force en son sein avaient changé, l’atmosphère aussi.
6) Jacques Chirac, président de la République, lors de la présentation des vœux du Corps diplomatique, le vendredi 4 janvier 2002 avait déclaré au sujet de Durban I: « Il y a un peu plus d'un an, nous avions rêvé de réconciliation et de progrès. C'était au sommet du millénaire. Puis le ralentissement de l'économie, les turbulences autour du G8 de Gênes, les excès de la conférence de Durban avaient ébranlé nos certitudes. Soudain, la folie criminelle du 11 septembre nous a frappés au cœur… »
7) Le 28 mars 2008 lors de la 7e session du Comité préparatoire de la Conférence de Durban II, dans la foulée de la condamnation du film (de Wilders) Fitna pour diffamation envers le Coran, le Conseil des droits de l’homme a adopté une modification du mandat du rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression. Cet amendement précise que le rapporteur doit désormais relever les cas où un individu aurait abusé de son droit à la liberté d’expression. Le Conseil des droits de l’homme a franchi un pas pour reconnaître officiellement le blasphème comme un délit voire une violation des droits de l’homme. Cet amendement a été approuvé par 32 voix contre 15 notamment grâce aux pays musulmans -membres de l’organisation de la conférence islamique- qui siègent au Conseil des droits de l’homme. Les pays occidentaux ont répliqué que la liberté d’expression ne doit pas être menacée par la diffamation des religions, qui est déjà prise en compte dans les législations civile et internationale. La question de la discrimination sur base religieuse est par ailleurs couverte par le mandat actuel du Conseil sur la liberté de religion.
8) JTA, 27 décembre 2010
Photo : D.R.