Tribune
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Publié le 3 Septembre 2010

Femmes : Pourquoi tant de haines ?, par Marc Knobel

Ce devait être un documentaire choc sur les violences faites aux femmes en banlieue parisienne car la soirée thématique Femmes: Pourquoi tant de haine?, diffusée sur Arte le 31 août 2010, s'annonçait inédite. Pour la première fois, filles et garçons, issus de la cité Balzac à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), ont témoigné devant la caméra de leurs relations conflictuelles. Tabassage, torture, insultes…Mais, celui-ci a été déprogrammé 45 minutes avant sa diffusion, en deuxième partie de soirée par la chaîne de télévision franco-allemande Arte, quelques minutes avant sa diffusion.



La chaîne explique que "certains protagonistes" du film se sentaient "en danger". Interrogé jeudi par le site Internet Rue89, le producteur justifie cette "censure", effectuée "la mort dans l'âme".
Les bandes-annonces et extraits diffusés que nous avons visualisés le 2 septembre 2010 sur le site de partage de vidéos Dailymotion sont extrêmement choquants. Une journaliste demande à un jeune homme pourquoi il y a cet éloge constant de la virilité dans les banlieues. L’interviewé répond : « Parce qu’un mec est un mec, je fais ce que je veux si je le veux. Cracher là, si je le veux… On peut aller loin dans l’idée qu’un mec de quartier, c’est un mec qui tape, qui vole… Un mec dans sa cité, ne peut pas être romantique. C’est bouffon cela … C’est la loi de la jungle, chacun fait son territoire. » Et puis, dans le documentaire il y a aussi R., 25 ans, qui "fracasse" sa sœur de 28 ans si elle rentre en retard du travail et Chahrazad, brulée vive à 66% qui décrit ses souffrances.



Doc en stock, qui a produit le documentaire, a expliqué, jeudi à Rue89, les circonstances de la déprogrammation. La personne chargée de défricher le terrain avant et pendant le reportage, qui serait une femme, aurait relayé les plaintes de plusieurs protagonistes, "menacés". Alertée mardi après-midi, la boîte de production, dirigée par le journaliste Daniel Leconte, avait du mal à comprendre, les témoins interrogés ayant accepté, par écrit, d'apparaître dans le film. Prévenue dans la soirée, Arte a finalement déprogrammé le documentaire, malgré le scepticisme de Doc en Stock. La police a par ailleurs été prévenue.



Daniel Leconte, solidaire de la direction d'Arte, évoque tout de même une décision prise « la mort dans l'âme »: « On donne un signal terrifiant à ces filles qui ont accepté de se confier à nous. (…) On leur signifie qu'il y a des zones de non-droit où l'on ne peut plus informer. Que ces types peuvent gagner et faire interdire un film. La question de la censure est beaucoup plus grave que tout le reste, finalement », déclare-t-il à Rue89. La chaîne n'a toutefois publié aucun communiqué et insiste seulement sur le caractère temporaire de cette déprogrammation.



Bref, dans certaines zones, de nombreuses filles sont injuriées et agressées. A noter également que, dans ces mêmes zones, l’antisémitisme est devenu un simple code culturel, quant à l’homophobie, elle se manifeste de manière sourde ou insidieuse. C’est pourquoi, il ne faut pas être probablement seulement dans une logique réactive. Il faut agir en amont pour déconstruire les préjugés et les stéréotypes qui nourrissent l’hostilité et la violence. Il faut intervenir dans les écoles, les lycées et les milieux professionnels, travailler avec les pouvoirs publics et les associations de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits, afin de réfléchir aux meilleurs moyens de lutter contre la violence.



Photo (image extraite du documentaire) : D.R.