. Le téléfilm « L'école de la haine » du réalisateur allemand Hanno Bruhl, est tout aussi intéressant. Robin à 16 ans, cheveux roux et regard de chien battu. Entre un père parti refaire sa vie et une mère absente et agressive, la vie de Robin se délite. Il n'y a guère qu'avec Marie, sa petite sœur, que le dialogue et la tendresse subsistent. Mais cela ne suffit pas. Robin a soif de reconnaissance et surtout d'affection ; besoin de s'affirmer et de se mesurer. Des stimulations qu'il ne trouve ni à la maison ni dans l'univers protégé du lycée. Séduit par un camarade de classe qui ne cache pas sa xénophobie, il cède doucement. Pour finalement s'échouer chez Bernd, qui anime un réseau néonazi dans une cité bétonnée. L'accueil est chaleureux. Là, on est entre hommes : fraternité, solidarité, ordre et obéissance. Commence alors une descente aux enfers, rapide et violente...
Pour des milliers de jeunes gens de toute l’Europe, la violence ultra est devenue la règle. La bagarre est une sorte de rituel, le salut nazi peut devenir une tentation. Comment doit-on alors qualifier les nervis qui envahissent les pelouses ? Cognent-ils les supporters de l’équipe adverse ? Injurient –ils ou font-ils le salut nazi, et in fine ternissent-ils le football ? Que doit-on comprendre de leurs agissements ? Nous savons qu’ils développent une rage qui s’exprime avec une féroce brutalité. Ils s’identifient aussi aux nazis qu'ils découvrent le plus souvent en regardant de vulgaires séries télévisées et en feuilletant de grossiers fanzines et quelques petites bandes dessinées glauques. Le nazisme tel qu’il se le représente, apparaît à leurs yeux comme une « quête » purificatrice, d'une violence salvatrice. Devenus nazis, mais de pacotille, habillés de T-shirts et décorés par des têtes de mort, à leur tour, ces paumés veulent jouer aux petits soldats. Les groupuscules et les militants néo-nazis savent parfaitement utiliser ce filon. Les tribunes sont donc envahies par des supporters fous, éructant de haine.
Le phénomène n’est pourtant pas nouveau. En effectuant quelques recherches sur ce sujet sur les violences qui sont perpétrées dans les stades de foot (1), je suis remonté une vingtaine d’années en arrière. Le constat est accablant. Cela fait depuis les années 80 que des violences sont commises, avant, pendant ou après des matches , que des supporters scandent des slogans racistes, entonnent des chants nazis. Cela fait depuis une vingtaine d’années que de grands drapeaux à croix celtiques, à tête de mort ou avec l’emblème de la SS sont brandis dans certaines tribunes. Cela fait depuis une vingtaine d’années que de jeunes excités font le salut nazi. Cela fait depuis une vingtaine d’années que les supporters provoquent des heurts avec les équipes adverses. Cela fait depuis une vingtaine d’années, que de jeunes gens sont agressés, injuriés, frappés par ces jeunes voyous. Le résultat est sans appel. Inertie des pouvoirs publics, silence et rodomontades. Vingt ans de trop dans une Europe éclatée où les mouvements nationalistes relèvent la tête dangereusement et où toutes les scories infernales fascistes, extrémistes et radicales se retrouvent pour cracher sur nos valeurs.
Il serait temps de rattraper ce temps perdu et de prendre la mesure du phénomène avant que la chasse aux juifs et aux noirs aux abords des stades ne devienne une mode…
Notes :
En Allemagne, le 5 septembre 1983, des supporters de l'équipe de football Borussenfront de la ville de Dortmund -militants du mouvement néonazi Nationaldemokratische Partei (NPD)- ont lancé des slogans et entonné des chants nazis. A Berlin-Ouest, dans un stade à moitié vide, quelques centaines de néo-nazis assistent à un match de football qui oppose la République fédérale à la Turquie. Des hooligans, supporters du clubs commencent par entonner la première strophe de I'hymne national allemand, puis ils scandent « Ausländer raus ! » (« Les étrangers dehors ») en faisant le salut hitlérien à chaque fois que les footballeurs allemands attaquent l’équipe adverse et marquent des buts. A Hambourg, Hanovre, Düsseldorf, des supporters sont entrés dans les stades en uniforme, faisant le salut hitlérien. L'un des clubs qui soutenaient l'équipe de Berlin-Ouest s'appelait « Zyklon B », nom du gaz employé dans les camps de concentration. D'autres incidents sont venus troubler les stades. Le 20 avril, par exemple, un match de football devait avoir lieu. Cette date avait été retenue par la Fédération allemande de football. Au dernier moment cependant, la Fédération renonça officiellement au match amical qui devait opposer l'Allemagne à l'Angleterre. Il est vrai que la Fédération de football avait tout bonnement oublié que la date retenue avait été pendant une dizaine d'années, fête nationale de l'Allemagne nazie. On pouvait craindre également que les militants anglais d’extrême droite du National Front (NF) ne profitent de I'occasion pour manifester leur solidarité avec leurs camarades allemands. Autre exemple. Au mois de juin 1994, enfin, après un match amical Autriche Allemagne, un supporter allemand et 10 policiers ont été blessés, quarante personnes ont été arrêtées dont 33 allemands, 4 autrichiens et 2 tchèques, pour coups et blessures et avoir crié des slogans néonazis.
En Argentine, au cours de matchs de football dans un stade de Buenos-Aires, de grands drapeaux portant la croix gammée ont été agités, des graffiti antisémites et des croix gammées ont été peints sur les murs de rues proches du stade et de jeunes hooligans ont font le salut nazi. En 1986, des jeunes néo-nazis ont provoqué des heurts avec les sympathisants d'une équipe adverse de football qu'ils nomment « le club juif » parce qu'un Juif faisait partie de la direction de cette équipe.
En Belgique, pendant un match de football à Liège entre l'équipe locale et une équipe de Düsseldorf des dizaines de jeunes supporters allemands se mettent à hurler des slogans nazis. Dans un autre match, les supporters d'une équipe de football autrichienne, les « Rapid Wien » ont lancé des slogans nazis au cours d'un match. Ces supporters accueillent généralement leur équipe par un salut nazi et par un « Sieg Heil. » En Belgique encore, dans les stades, des jeunes arborent croix gammées et celtiques, insignes plus d'ailleurs par désir de provoquer que par conviction. Un club de supporters le King Side du Beerschot a des liens avec l'extrême droite. Le club est composé d'environ 200 membres parmi lesquels un noyau dur d'une soixantaine de personnes. Les « Chefs » du King Side sont régulièrement en contact avec l'extrême droite flamande mais aussi avec quelques groupes néo-nazis allemands, et en particulier avec I'une des bandes qui ont participé à la mise à sac des foyers de demandeurs d'asile de Rostock (dans le nord de l’Allemagne). Aucun indice concret ne démontre cependant que jusqu'ici le King side obéisse à une stratégie d'ensemble, à des ordres précis venus d'ailleurs. Tout indique au contraire que les attaques contre d'autres groupes de supporters ou contre la communauté turque du quartier de Kiel à Anvers, sont plutôt spontanées, même si ces attaques s'inscrivent dans un contexte politique. Tout cela, néanmoins, peut changer d'un jour à I'autre.
La France n'est pas épargnée non plus. Le 4 octobre 1992, vers 22 heures, Majid (dix-neuf ans), Mohamed (dix-sept ans) et Fethi (vingt et un ans) sont à bord d'une voiture, près de la porte de Saint-Cloud. A un feu rouge, ils sont entourés par une trentaine de jeunes gens aux cheveux ras. Un fumigène est jeté à I'intérieur de la voiture. Les trois occupants sortent du véhicule qui prend feu, ils sont aussitôt roués de coups par les hooligans. Un match de football venait d'avoir lieu. Lors d'un match Paris Saint Germain (PSG) - Montpellier, par exemple, des tracts signés du Parti (néonazi) nationaliste français et européen (PNFE) de Claude Cornilleau ont été distribués à certains supporters du Paris Saint Germain rassemblés dans la tribune Boulogne du Parc des Princes.
En Espagne et en Italie, les hooligans ne se considèrent même plus comme des supporters. Le football ne semble même pas les intéresser. Les ultras du Real de Madrid (Ultrassur) se défissent
Comme les héritiers de Franco. Ennemis viscéraux des mouvements indépendantistes espagnols, ils adhérent à Fuerza Nueva, un groupe néofasciste crée en 1976 pour perpétuer la mémoire du Caudillo.