Tribune
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Publié le 2 Avril 2010

Gaccio : peut-on tout dire ?

Bruno Gaccio se lâche-t-il ? Comment cela… vous ne savez donc pas qui est Bruno Gaccio ? Allons, allons, que diable ? Faut-il que je vous le rappelle (merci Wikipédia…)? Soit, alors allons-y : à partir de 1992, année où il est entré à Canal+ (la petite télé, qui monte, qui monte), Gaccio est co-auteur des Guignols de l'info (les petites marionnettes qui se moquent…), avant d'en devenir un peu plus tard le leader. À la mi-janvier 2007, Bruno Gaccio annonce qu'il quittera les marionnettes de Canal+ en juin, après les présidentielles, au terme de 15 années d’écriture. Il garde ses responsabilités au département fiction de la chaîne et devient directeur de La Fabrique. En 2008, il crée Grand Hôtel Productions avec Gilles Galud. Seulement, patatras… En 2010, Gaccio sort un livre avec Dieudonné (le guignol qui ne fait pas rire du tout) Peut-on tout dire ?, sur la liberté d'expression (Editions Mordicus).


La gaffe ! Grave… Quelle connerie (pardon, je suis grossier, ce matin), mais, alors, grosse, grosse... Quelle idée ! Sauf que le Gaccio en question s’en explique, dans le bouquin. Je cite :
« Dieudonné est un gros taquin et il a déconné plein pot. Moi, ce qui me gêne le plus, ce n’est pas qu’il ait choisi Le Pen comme parrain pour sa fille, ni même qu’il ait fait venir ce vieux con de Faurisson sur la scène du Zénith, c’est ce sentiment qu’aujourd’hui, il est contaminé –c’est une vraie maladie- par ses nouveaux amis, des gens que je définis, sans bien les connaître, comme profondément antisémites. Je n’ai pas envie de les fréquenter, ni de voir Dieudonné en dehors de ses spectacles. J’ai plutôt envie de lui dire : « Fais tes spectacles et tais-toi ! Tu fais chier avec ton complot du 11 septembre et tes antisionistes obsessionnels : on peut vivre sans ! » Je sais bien que sous la couette de l’antisionisme, dort souvent un antisémite. Mais du coup, on ne peut plus parler de la politique israélienne dans les territoires occupés, qui est quand même une politique de répression indigne. Le radicalisme dans lequel est tombé Dieudo, dans ce cas précis, est contre-productif pour la liberté d’expression. Il permet aux pires des extrémistes sionistes de citer Dieudo comme exemple à tout bout de champ et de détourner un débat nécessaire en brandissant l’antisémitisme en toute occasion. Dieudo, qui fait venir Faurisson à la fin de son spectacle pour faire un coup, bouffe un espace médiatique 100 fois supérieur à ce que l’on peut recueillir un livre intelligent d’Elie Barnavi. Et ça, c’est à l’UEJF, au CRIF et à tous ceux qui ont diabolisé Dieudonné qu’on le doit. Bravo les mecs ! Le débat avance… »
Alors, là, l’ami Gaccio, permets moi de commenter. Diaboliser ? Allons donc ! On n’est pas bête à ce point là, voyons. On sait très bien que Dieudo n’attend que cela ! Mais c’est quand même pas nous, qui avons créé le Dieudo, pote de Le Pen et archi pote de Faurisson ! C’est lui et lui tout seul, qui s’est mis dans ce bourbier. Alors, laisse nous faire notre boulot : Faurisson, Le Pen, on n’aime pas et Dieudo, avec. Et toi, qui parle si goulûment de liberté d’expression, tolère donc que nous n’aimions pas les fréquentations du « pitre » qui ne fait pas rire. J’ajoute que tu n’as pas besoin de nous, pour trouver cela… comment dire ? Dégueulasse ! Tu l’as ramènes aussi, non ? Autre chose, tu vas trop loin, on ne détourne rien, on parle de tout, ne t’inquiète pas. Nous sommes libres aussi, de parler, de commenter, de réfléchir et de dire. Ce n’est donc pas parce que nous parlons de Dieudonné (pour en dire du mal, forcément…) que nous empêchons quiconque de parler des « colonies », comme tu dis. D’ailleurs, personne ne s’en prive, puisque tout le monde, tous les jours parle - en long et en large - de ce sujet (sans parler du reste, matraquage oblige !) Bref, ne nous diabolise pas.
Continuons ton récit :
« Bref, je ne partage pas l’obsession anti-israélienne de Dieudo. Je ne suis pas d’accord avec lui, mais le priver d’expression sur la scène publique, autre que celle qu’il s’est créée lui-même sur Internet et dans son théâtre de la Main d’Or, c’est inopportun et inopérant. Quant à le ramener aujourd’hui dans le débat, ça me semble un peu tard. Il est trop loin. Je suis bien con d’avoir accepté votre bouquin finalement… »
Alors, si tu le dis (sourire)… Continuons ton récit.
« Les personnes qui liront ce livre seront bien moins nombreuses que celles qui en entendront parler et qui tireront la conclusion dont je parlais au début : « Gaccio est antisémite. » Cette opinion ne vaut rien, mais sera majoritaire. Je ne sais pas si c’est possible, mais j’ai envie de porter plainte contre ceux qui m’assimilent à un nazi, à un mec qui a poussé des Juifs dans des fours. Il faudrait pouvoir sanctionner l’accusation abusive d’antisémitisme. Pour moi, l’antisémitisme n’est pas qu’un état : c’est aussi une injure. »



J’arrête là pour les citations. Je reviendrai sûrement sur ce bouquin, parce qu’il m’interpelle et m’intéresse. Finalement, Gaccio j’aime bien que tu te lâches. On ne va pas t’accuser d’antisémitisme, ce serait tellement débile. Tu as le droit de participer à ce dialogue (avec Dieudonné), mais je comprends que cela t’inquiète aussi. Tu pourrais être mal compris. Dieudonné n’est pas un ange, il est tombé bien bas et il fréquente des gens qui sont franchement infréquentables. Tu penses peut-être qu’il provoque, parce qu’il n’aurait plus que ce moyen là pour exister. Mais, je te le répète encore une fois, personne n’a obligé Dieudonné à changer à ce point. Celui-là même qui combattait le FN à Dreux est devenu le meilleur copain de ceux et celles qu’il combattait. C’est son choix et ce choix est pitoyable.



Je retiens seulement pour l’instant ce que tu dis : « l’antisémitisme est une injure ». J’ajoute : une tâche, une tare, une saloperie. Une vraie de vraie, oui. Et, nous verrons si tu cognes fort contre ceux que tu nommes toi-même, les « tarés » (de l’antisémitisme…) Allez, j’ai un livre à terminer. A bientôt.



Marc Knobel
Photo : D.R.