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Tout avait pourtant bien commencé, après une brève présentation, un auditeur évoque l’influence de la position de la France dans le conflit israélo-palestinien à laquelle Dominique Sopo fait cette admirable réponse : L’antisémitisme traditionnel n’a pas disparu, mais il existe de nouvelles formes d’antisémitisme plus difficiles à penser par certains qui n’admettent pas que on puisse qualifier d’antisémites des personnes elles-mêmes victimes du racisme par des phénomènes de ghettos. Selon lui, « la meilleure réponse est simple, c’est d’exporter un modèle républicain ». Puis il ajoute : cette importation du conflit est d’ailleurs d’une stupidité extraordinaire. A qui viendrait-il à l’idée de frapper des Russes en France sous prétexte que Vladimir Poutine met à genou la Tchétchénie ? A qui viendrait-il à l’idée de frapper des arabes en France sous prétexte qu’au Darfour des milices arabes tuent des noirs ? (…) Il ne faut pas d’accepter, voire d’excuser pour certains qu’il y ait une montée de l’antisémitisme, qui ne serait plus de l’ordre de l’explication, mais finalement qui serait du registre de la normalité, l’explication devenant plutôt une excuse qu’autre chose. A une autre question, il répond que si le conflit est un moteur de l’antisémitisme, l’antisémitisme n’a jamais eu besoin d’Israël pour exister.
De son côté, Joseph Zrihen affirme qu’on ne peut pas accepter l’alibi de l’importation du conflit israélo-palestinien.
Comment après ces déclarations fortes expliquer l’approbation et même l’enthousiasme de tous quand, après d’autres questions, arrive un auditeur qui se présente comme « Mohamed » et veut « rappeler à ses frères humains (…) que le droit à l’altérité est valable pour tous » et qui invite ceux qui sont comme lui contre la politique de Sharon « à recourir aux moyens démocratiques » - déclaration liminaire admirable – mais qui poursuit en rappelant la présence de nombreux juifs dans les mouvements de libération algériens, le fait que le plus vieux détenu politique au Maroc était juif et que tous les Juifs ne sont pas des inconditionnels de Sharon. Dit autrement, il ne faut pas être antisémite car il y a de « bons » juifs qui pensent bien.
Pourquoi n’y a-t-il eu personne à ce moment pour dire simplement à cet auditeur : non ce n’est pas parce qu’il y a des Juifs qui pensent bien qu’il ne faut pas être antisémite, mais simplement parce que l’antisémitisme ne correspond pas à nos valeurs, parce que c’est mal ?
Défend-on le droit au logement d’un africain (ou de ses enfants français) parce que certains d’entre eux se sont opposés à la politique de nettoyage ethnique, d’arabisation et d’islamisation forcée soutenue par les gouvernements successifs du Soudan depuis son indépendance, ou le défend-on parce que ce droit est un droit imprescriptible de tout être humain ? Qui a jamais évoqué la question de la participation de noirs ou d’arabes à des luttes de libération pour justifier la nécessité morale de ne pas être raciste ? Et il en est de même pour tout autre ressortissant ou descendant de ressortissant d’un pays étranger. En dehors d’un Juif, quel autre représentant d’un peuple ou d’un pays quelconque est contraint d’affirmer en préliminaire à l’application de ses droit imprescriptible d’être humain qu’il pense correctement ou en tout cas qu’il y a de bons juifs qui pensent correctement ?
On est ici devant une toute autre problématique que celle évoquée par Dominique Sopo au début de l’émission : ce n’est pas seulement parce qu’un Juif ou un ressortissant d’un pays quelconque n’est pas responsable de ce qui se passe à des milliers de kilomètres qu’il ne faut pas le frapper ou l’injurier, mais tout simplement parce que selon nos valeurs, il est moralement inacceptable de s’attaquer à quelqu’un uniquement pour ce qu’il est. Il ne devrait pas y avoir besoin d’autre justification.
Et le meilleur restant pour la fin, que penser de ce choix éditorial de ceux qui sélectionnent les questions : passer en dernier un auditeur qui affirme que le CRIF aurait publié dans la presse il y a quelques mois un encart publicitaire d’un quart de page pour soutenir Sharon. Bien que Jo Zrihen ait suggéré à cet auditeur de mettre des lunettes, on peut craindre que cette « information » soit la seule qui subsiste dans l’esprit des auditeurs de la radio et qu’elle devienne une « vérité » faisant le tour des forums de discussion.
Anne Lifshitz-Krams