Quatre ans déjà. Quatre ans de séquestration. Quatre ans de privation de toute liberté. Quatre ans d'éloignement de ses parents et de ses proches. Quatre ans de souffrances et d'humiliations. Quatre ans d'absence de contact avec l'extérieur. Quatre ans de pleurs de sa famille et d'angoisse de ses proches. Quatre ans de manque d'espoir. Quatre ans de cauchemar. Voilà donc 1460 jours que Gilad Shalit, ce jeune garçon de nationalité franco-israélienne, a été lâchement kidnappé ce 25 juin 2006 alors qu'il portait l'uniforme de son pays, Israël.
Cette infâme prise d'otage a suscité une très vive émotion en Israël bien sûr, mais aussi en France, dont il porte aussi la nationalité.
Au cours de ces quatre longues et interminables années, la communauté juive de France n'a cessé de penser à Gilad, de prier pour sa sécurité, de lutter pour sa libération, de consoler et de soutenir ses parents. Initiatives, appels, manifestations ne se sont jamais interrompus, et ne s'interrompront pas.
Mais ce combat ne peut pas, ne doit pas, être celui de la seule communauté juive de France. Les enjeux sont trop importants pour que la communauté nationale dans son ensemble ne se sente pas concernée. Les pouvoirs publics, du plus haut niveau de l'État jusqu'aux collectivités locales, ont participé à cette mobilisation générale. Des pressions diplomatiques, aux contacts politiques, en passant par les portraits de Gilad déroulés sur certaines façades de nos mairies, encore trop peu nombreuses à ce jour. Et puis cette mobilisation a commencé à s'essouffler, à s'éloigner, à perdre de sa force. Au point que quatre ans après l'ignoble enlèvement, le nom de Gilad Shalit n'est plus qu'occasionnellement prononcé par des journalistes, politiques et pouvoirs publics pourtant tellement plus émus et prolixes dès lors qu'il s'agit du sort de militants ouvertement antisionistes embarqués dans une soi-disant flottille pacifique. Banalisation, normalisation, oubli. Une fois passées les premières déclarations de principes et les traditionnelles promesses de «faire tout ce qui est possible…», Gilad n'intéresse plus. Ou si peu. Pensez donc. La photo d'un jeune garçon que l'on ne voit dans les médias que revêtu de son uniforme de l'armée israélienne, à croire qu'aucune autre photo de Gilad n'ait jamais été prise, peut-elle devenir le symbole d'un combat pour la liberté, alors même que chaque jour ces médias présentent depuis tant d'années, avec force et acharnement, ceux qui portent cet uniforme comme une ignoble armée d'occupation? Quelle confusion! Après tout, ce ne seraient finalement que les risques du métier. Un militaire israélien enlevé par ses ennemis. Quoi de choquant?
Rappelons tout d'abord que ce jeune appelé a été pris en otage et séquestré sans qu'aucune charge n'ait jamais été retenue contre lui. Ni acte répréhensible, ni atteinte à autrui, ni dommage causé. Gilad, comme des milliers de jeunes de son âge, ne faisait que son service militaire, ni plus, ni moins, lorsque des terroristes ont décidé de lui ôter ce que tout homme a de plus cher: sa liberté.
Rappelons ensuite que les ennemis en question ne sont rien d'autre qu'une organisation terroriste, jugée comme telle par les États-Unis et l'Europe, et qui ne respectent, ne représentent, ni ne défendent la moindre cause qui ne justifierait d'ailleurs pas une séquestration de quatre ans dans les conditions de barbarie que l'on peut facilement imaginer.
Rappelons enfin que la mobilisation de la France, à tous les niveaux, avait en son temps été forte et générale lorsqu'il s'agissait de se battre pour la libération d'un autre otage, franco-colombien cette fois. Il s'agissait bien sûr de Mme Ingrid Bétancourt.
Mais alors, faut-il en conclure qu'une femme franco-colombienne, se battant pour la Colombie, et non pour la France, et prise en otage pour cette raison là, justifie un combat de la France plus acharné pour sa libération qu'un jeune garçon franco-israélien qui s'est battu pour Israël, et pris en otage pour cette raison là ?
Cela ne saurait évidemment être le cas. S'il faut se réjouir à juste titre des efforts faits pour Ingrid et qui finalement ont été couronnés de succès, il est tout aussi légitime d'attendre de la France une mobilisation identique pour Gilad afin de pouvoir verser les mêmes larmes de joie à l'annonce de sa libération. Pour l'heure, ce ne sont que des larmes de peine dans cette attente insoutenable.
Ce combat n'a pas de prénom. Il n'a que des noms. Ceux des valeurs de la République, du respect des droits de l'homme et de défense de la justice, de la sécurité et de la liberté. Ce combat est universel.
Hier pour Ingrid, aujourd'hui pour Gilad. Comment pourrait-il en être autrement?
(Article publié dans le Figaro du 23 juin 2010)
Photo (Joël Mergui) : D.R.