Un rêve ? Non, nous n’avons pas rêvé : nous avons bel et bien passé quatre jours et trois nuits en Israël, dans cette Terre Sainte où Jésus est venu « demeurer parmi nous ». Il s’agissait de découvrir, à l’occasion de ce bref pèlerinage, non seulement les lieux où Dieu s’est révélé aux hommes, mais aussi quelques uns des hommes et des femmes qui y vivent aujourd’hui, aux prises avec un interminable conflit. Nous étions environ six cents, venus des quatre coins de l’hexagone et même au-delà, sous la houlette de Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris. Un défi relevé, un pari tenu pour les organisateurs – et pour nous aussi.
Juste quelques impressions.
Lundi 12 février
Il n’y a pas une minute à perdre ; dès notre arrivée, nous allons directement de l’aéroport à Jaffa. Contraste entre les quartiers pauvres aux maisons lépreuses dont les fils électriques pendent en désordre le long des murs et les pittoresques ruelles bien restaurées du quartier des artistes. Nous évoquons l’universalité du message chrétien, avec les apôtres Pierre et Paul avec, à l’horizon, la Méditerranée, et célébrons l’Eucharistie à l’église St Antoine de Padoue.
Puis c’est la traversée de Tel Aviv et l’arrivée à l’université où les diverses personnalités juives nous réservent un accueil chaleureux. On souligne que la venue de Mgr Vingt-Trois en ces lieux marque une nouvelle étape dans les relations entre juifs et catholiques. Quelques questions restent sans réponse, après les interventions sur le thème « Ethique et sécurité au 21ème siècle »… On sent la profondeur de la crise que connaît le pays. Toute la tradition biblique et juive interdit de désespérer, nous affirme cependant le Grand Rabbin Amar.
Mardi 13 février
Lever très matinal car on nous promet une journée dense. Nous partons vers le nord.
Les habitations mises au jour par les archéologues à Bethsaïde, non loin de la mer de Galilée (ou lac de Tibériade), forment un cadre évocateur où l’on imagine bien l’appel des premiers disciples.
La plantation de quelques pousses d’eucalyptus - début d’une forêt de six cents arbres, nous dit-on – nous permet de célébrer, au-delà de l’écologie, la beauté de la création. Autre geste symbolique : nous inscrivons notre nom sur des galets qui dessineront bientôt une « allée des Catholiques de France », en souvenir de notre passage.
Il pleut. Les Européens que nous sommes sont prêts à faire la grimace, car la vue est bouchée, le lac perdu dans la brume. Mais ils s’en gardent bien : l’eau est si précieuse, la pluie une telle bénédiction dans ce pays…
L’église de Tabgha et ses superbes mosaïques byzantines, Magdala, la primauté de Pierre, le mont des Béatitudes : nous goûtons la douceur de la Galilée en feuilletant (rapidement) ces pages d’évangile. C’est Nazareth, ensuite, qui nous attend. Là aussi, accueil chaleureux des représentants des églises locales, peu après réunis pour la messe à la basilique.
La nuit est tombée lorsque nous nous rendons à l’invitation du maire de Nazareth qui nous reçoit avec générosité et nous parle avec passion de sa ville.
Mais il ne faut pas s’attarder : la route est longue, ensuite, jusqu’à Jérusalem.
Mercredi 14 février
C’est par la visite de Yad Vashem, ou mémorial de la Shoa, que nous commençons notre journée. Un nouveau bâtiment, à l’architecture oppressante (un tunnel étroit, débouchant cependant sur le ciel) a été récemment inauguré. Au fur et à mesure que nous progressons dans les salles, le silence se fait plus lourd, l’accablement plus grand, les interrogations plus nombreuses, existentielles. Nous sommes totalement muets lorsque nous parcourons le mémorial des enfants. Notre prière emprunte les mots du psaume 83, lors de la cérémonie officielle.
Les sœurs bénédictines nous offrent un panorama sublime sur la vieille ville, depuis leur monastère du mont des Oliviers. C’est là que nous entendons divers témoignages de représentants d’œuvres caritatives, chrétiennes et juives.
Le « kotel » ou mur occidental du Temple nous retient un bon moment. Comment ne pas être impressionné, ému par ce lieu qui est au cœur de la prière juive depuis des temps immémoriaux et témoigne de la pérennité de l’Alliance dans laquelle Jésus a fait entrer les nations et que le peuple juif perpétue par son adhésion indéfectible au Dieu unique.
Notre passage au Saint Sépulcre est mouvementé, vu notre nombre. Nous parvenons néanmoins à nous recueillir quelques instants sur le tombeau vide du Ressuscité.
La messe à l’église Sainte Anne, en présence de représentants des églises orientales locales, veut traduire notre action de grâce.
Jeudi 15 février
Nous partons pour Bethléem. Nous savons qu’une épreuve nous y attend. De fait, le mur est là (quel que soit le nom qu’on lui donne), qui emprisonne les habitants de Bethléem dans leur propre ville. C’est une hideuse balafre qui symbolise bien, me semble-t-il, l’impasse dans laquelle se trouvent les deux peuples qui revendiquent la même terre, les souffrances qu’ils ne cessent de s’infliger les uns aux autres. Certes, ce mur a été érigé par les Israéliens, mais n’est-ce pas pour remédier à une situation dont l’honnêteté oblige à dire qu’ils n’en sont pas les seuls responsables ?
Ce mur rend poignante notre rencontre avec les autorités civiles et religieuses de la ville et plus intense notre prière à l’église latine de la Nativité, en cette ville de Bethléem dont chacun se plait à rappeler qu’elle est le lieu de naissance du « Prince de la paix »…
Notre après-midi est consacrée à une promenade dans Jérusalem, puis c’est la réception d’adieu à l’hôtel Renaissance dans une ambiance fraternelle et résolument optimiste.
Que conclure sinon que, au retour de ce pèlerinage, nous nous devons d’apporter à nos interlocuteurs le soutien qu’ils nous ont si instamment demandé. Qu’ils soient israéliens ou palestiniens, ils souhaitent que nous revenions, que d’autres leur rendent visite à leur tour, non seulement pour les aider matériellement, mais aussi pour les écouter, voire entretenir ou nouer avec eux des liens d’amitié. Notre rôle de chrétiens n’est-il pas en effet de faire tomber les murs et de bâtir des ponts, ainsi que l’a fortement rappelé Mgr Vingt-Trois ? N’est-il pas aussi et d’abord de nous abstenir de juger les protagonistes de ce drame, les familles si éprouvées dont l’aspiration à la paix n’est que trop évidente ?
Cécile Le Paire