Tribune
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Publié le 18 Mai 2004

Ils n’ont pas vu la même manifestation

Réussite ou échec ? Alors que Sylvain ATTAL, sur Proche-Orient.info tente d’analyser « les raisons d’un échec », Libération titre « La France sort de l’apathie » et le Monde parle d’un « défilé très républicain contre le retour de l'antisémitisme ». Dans Libération, Sandrine CABUT et Danielle LICHT prétendent que « A 15 heures toutefois, la place de la République est plutôt vide et silencieuse » (tous ceux qui y étaient apprécieront !) tandis que le Figaro note que « plusieurs milliers de personnes ont défilé ».




Pour les organisateurs, les choses étaient claires : il y avait une seule manifestation contre l’antisémitisme appelée par SOS Racisme, l’UEJF, le CRIF, la Licra, la Fidel auxquels s’étaient joints quelques autres organisations. L’appel à manifester « contre tous les racisme » lancé par le MRAP, la LCR, la LDH, les Verts et quelques autres était une contre-manifestation. D’ailleurs, ils s’étaient donné rendez-vous à la Bourse du travail, sur le trajet de la manifestation principale. Alors que presque toutes les chaînes de télévision et presque tous les journaux ont signalé qu’il y avait deux cortèges et expliqué les dissensions entre les organisateurs et les autres mouvements, Claire CHAZAL s’est obstinée sur TF1 samedi et dimanche à parler d’une « manifestation contre le racisme et l’antisémitisme à l’appel de SOS racisme, du MRAP et de la LDH ». Elle a même, en illustration, proposé samedi un reportage sur les néo-nazis en Russie dont le thème principal était le racisme anti-noir dans ce pays.


Les Parisiens ont donné aux tentatives de détourner le sens de la manifestation la seule réponse possible, la démonstration par le ridicule : 20 à 30.000 personnes sous la bannière de SOS racisme, quelques centaines (à peine 150 selon quelques observateurs) dans le deuxième cortège. Le Monde préfère expliquer que « reconnaissant l'impossibilité pour elles d'être totalement absentes de la grande réaction de rue aux récentes profanations de tombes juives, le MRAP et la LDH ainsi que la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et les Verts, ont fait le choix d'une présence symbolique en fin de cortège et d'une dispersion avant son terme ». Interprétation démentie par le communiqué des Verts (http://www.lesverts.fr/article.php3?id_article=1410) qui ne laisse aucun doute sur l’humeur batailleuse de cette organisation : « Mais cette manifestation peut être l’objet de dérives : danger de présence d’extrémistes s’en prenant au MRAP, voire aux Verts... danger d’un dévoiement de la manifestation vers un soutien à l’état d’Israël et vers la stigmatisation des jeunes d’origine maghrébine. Il est donc important qu’un maximum de Verts soit présent pour avec les militants de la LDH, du MRAP, du Groupe des 10, du PC, de la LCR... élargir la tonalité de la manifestation », comme elle est démentie par le communiqué commun de ces associations : « Contre l’antisémitisme, contre tous les racismes et contre toutes les discriminations, nous ferons du 16 mai 2004 la répétition d’une prochaine initiative encore plus forte et encore plus unitaire ».


Le commentaire de Jean-Christophe CAMBADELIS, député socialiste, dans le Figaro du 17 mai 2004, devant ce qu’il nomme « la cote d'alerte de la confusion à gauche » - qui a été atteinte, dit-il avec l’enrôlement de Maurice RAJFUS dans une liste Europalestine aux côtés de Dieudonné – est à cet égard cinglant : « La gauche oscille entre le soutien à la deuxième Intifada comme préalable à toute réelle lutte antisémite et le renvoi de chacun dos à dos. Ce désengagement au nom des blessures du monde devient le paravent de l'indifférence. Qui accepterait de subordonner la réprobation d'actes anti-Maghrébins à la condamnation du Hamas ou du Hezbollah ? Cela n'a pas de sens. Nous sommes antiracistes sans condition. La gauche doit distinguer une position de principe, le refus de l'antisémitisme, et le débat politique au Proche-Orient. Sur ce dernier point, elle se doit de soutenir le chemin de la paix. Mais elle devrait le faire en sachant que l'on ne peut réclamer la paix en prononçant des mots de guerre contre l'une ou l'autre partie ».


Où était Noël MAMERE quand il a été pris à parti ? Entre les deux cortèges selon les uns, sur la place de la République selon d’autres. Finalement, peu importe, cette agression était aussi injustifiable que le communiqué de son mouvement.

Anne Lishfitz-Krams