La conclusion essentielle du rapport avait été qu’Israël s’était rendu coupable de “crimes de guerre et probablement de crimes contre l’humanité” en visant délibérément des cibles civiles. Le juge Goldstone écrit dans sa tribune que ces conclusions sont fausses, qu’il ne les aurait pas tenues “s’il avait su alors ce qu’il sait aujourd’hui”. Il reconnait que le travail effectué par les investigateurs israéliens a été sérieux et note que le Hamas, en envoyant ses roquettes sur les villes israéliennes avait commis des crimes de guerre et qu’il n’a effectué aucune enquête pour établir les responsabilités.
Chacun conviendra, devant cet exemple unique de rétractation par son auteur , que le devoir de la presse eût été de traiter l’information avec le même intérêt, sinon le même enthousiasme , que celui avec lequel elle avait géré – à charge contre Israël- les conclusions du rapport initial. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Quelles que soient les réactions des autres membres de la commission qui continuent de privilégier leur idéologie anti-israélienne aux dépens du respect pour la vérité, le rapport Goldstone mériterait désormais de passer aux “poubelles de l’histoire” suivant la formule du Premier ministre israélien. Stéphane Hessel qui a écrit qu’”il faut absolument lire le rapport Richard Goldstone” serait bien venu à demander dans la prochaine édition de son pamphlet que l’on lise aussi la rétractation de celui-ci et à en tirer des conclusions. Je doute malheureusement qu’il le fasse.
En réalité, il semble bien que le rapport Goldstone ne sera pas retiré; le juge lui-même, paradoxalement, ne le souhaite pas. La mécanique administrative de l’ONU ne le permettrait pas, et elle est soumise à des considérations politiques. C’est là un motif de réflexion et, puisque ce mot est à la mode, d’indignation.
Le retentissement du rapport Goldstone provient de son label onusien. Plus précisément de l’organe qui l’a diligenté, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Un beau titre pour une organisation qui a aggravé les tares de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, démantelée après avoir permis les débordements antisémites de la Conférence de Durban, il y a bientôt dix ans.
Qui jugera les juges de ce Conseil ? Il a négligé les massacres et les exactions sur cette planète, du Darfour au Congo, en passant par le Zimbabwe, la Birmanie et la Corée du Nord, pour se fixer de façon obsessionnelle sur Israël. Une organisation qui refuse expressément aujourd’hui de s’occuper des répressions dans le monde arabe, où les premiers rôles sont dévolus au Pakistan, à Cuba, à l’Iran, à la Syrie et…à la Libye (jusqu’à sa très récente éviction, la Libye avait accumulé toutes les présidences de prestige dans le domaine des droits de l’homme!), n’est qu’une piteuse caricature. Le rapporteur pour la Palestine, Richard Falk, a été choisi parce qu’il s’agit d’un juif américain pathologiquement antisioniste, convaincu que le 11 septembre était une machination.
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU est une machine de guerre où les Etats coupables sont aux commandes et passent des accords de réciprocité. A ce jeu-là, Israël ne peut qu’être perdant avec une Assemblée Générale où les pays de la Conférence islamique mondiale associés au vieux bloc “neutraliste” possèdent une majorité absolue.
Partialité du rapport Goldstone, scandaleux comportement du Conseil des droits de l’homme, majorité anti-israélienne systématique, tout cela est bien connu aussi bien au niveau des diplomaties que des medias. Certains le regrettent en comité restreint, ils protestent peu en public. Il faut rendre hommage aux organisations comme UN Watch qui n’ont pas peur de dire que le roi est nu.
Mais le conseil est en phase avec un discours politiquement correct qui impose de ne pas heurter les palestiniens, de ne rien exiger d’eux et de faire pression sur Israël comme s’il était le seul à avoir entre les mains les clés de la paix. Pour cela, les informations gênantes sont esquivées. La rétractation de Goldstone est un non-événement, comme l’a été l’horrible assassinat d’Itamar où un bébé de trois mois a été poignardé avec quatre membres de sa famille (cinq “colons” suivant l’insupportable terminologie usuelle).
Beaucoup savent que loin d’être un camp de concentration (comme le disait entre autres M. Le Pen), Gaza a vu sa situation économique s’améliorer considérablement et que les décisions israéliennes y sont pour quelque chose. Mais il est de bon ton de l’ignorer.
Beaucoup savaient que Kadhafi était un psychopathe criminel et Ben Ali un dictateur kleptocrate, mais qui le disait publiquement? Beaucoup savent que le Hamas est un mouvement totalitaire et terroriste, qui n’a pas rompu avec sa charte enjoignant de tuer les Juifs. Mais il vaut mieux l’édulcorer.
Le rapport Goldstone a nui à la vérité et aux perspectives de paix. Pourquoi ne pas l’écrire? Qu’ils soient favorables au Likoud ou qu’ils aient signé Jcall, les Juifs de France dans leur majorité sont excédés d’une présentation unilatérale des événements qui désigne en Israël le seul coupable, occulte la complexité des faits et exonère la partie palestinienne de ses propres responsabilités.
(Article publié dans Marianne, samedi 30 avril 2011)
Photo : D.R.