Tribune
|
Publié le 15 Mars 2011

Israël et le Vatican, par Hélène Keller-Lind

Ce texte est publié dans la rubrique Tribunes Libres réservée aux commentaires issus de la presse. Les auteurs expriment ici leurs propres positions, qui peuvent être différentes de celles du CRIF.




Les relations entre le Vatican et Israël ont avancé à grands pas sur le plan politique depuis 1994, date de l'établissement de relations entre les deux États. Une étape essentielle avait été franchie auparavant sur le plan religieux avec l'avancée capitale de Vatican II. Est-ce à dire que tout va désormais pour le mieux ? Sans doute pas tout dès lors qu'un courant au sein de l'Eglise reste hostile à ces avancées.
D'indéniables progrès qui sont un modèle du genre



L’État d'Israël et sa sécurité étaient mentionnés dans le même temps que la sécurité des chrétiens de par le monde dans le communiqué publié à l'issue d'une récente rencontre au plus haut niveau entre catholiques, dont un représentant du Vatican, et juifs, représentant sept associations juives de premier plan et à laquelle participaient un Directeur du ministère des Affaires étrangères israélien et l'Ambassadeur d'Israël auprès du Vatican. Cette rencontre, qui s'est tenue à Paris fin février, marquait les quarante ans d'un dialogue qui a été si fructueux que les participants y voient « un paradigme pour d'autres dialogues. »
Depuis, on apprenait que, dans un ouvrage à paraître, le Pape Benoît XVI démontre, en s'appuyant sur des textes du Nouveau Testament, l'absurdité de l'accusation véhiculée à travers les siècles et qui avait fait du peuple juif un peuple dit « déicide ». Une accusation qui avait contribué grandement à un antisémitisme chrétien et avait été dénoncée par Vatican II. Ce qui avait été évoqué lors de cette rencontre du Comité de Liaison International Catholique-Juifs – ILC - de Paris. Ce qui rend cette prose de position importante est que c'est là la première fois qu'un Pape se prononce d'une manière aussi explicite sur le sujet.



Un courant hostile



Pourtant, en dépit de « ces grands succès, un courant au sein de l'Eglise reste opposé à ce rapprochement sur le plan religieux et politique, » regrette Mordechay Lewy, Ambassadeur d'Israël auprès du Vatican. Ainsi peut-on déplorer que le Patriarche Latin de Jérusalem, Fouad Twal, qui participait à la rencontre de l'ILC, ait choisi de faire état de considérations entièrement politiques et ait pris ouvertement parti. En effet, lors de conversations à bâtons rompus, le Patriarche se plaisait à reprendre à son compte un argumentaire calqué sur celui de l'Autorité palestinienne à son plus dur, clouant le seul Israël au pilori.



D'ailleurs ce type d'argumentaire avait été développé lors de la conférence de presse donné à l'issue du Synode des Evêques Orientaux réuni au Vatican en octobre 2010. Ce qui atteste bien de la présence, au sein de l'Eglise, d'un courant sur lequel Vatican II et Nostra Aetate d'octobre 1965 - qui établissait les bases du dialogue inter-religieux - n'ont guère eu d'effet...Israël, on s'en souvient, y avait alors été mis au banc des accusés dans un communiqué final et l'archevêque de Newton, Monseigneur Cyrille Salim Bustros, avait été alors particulièrement virulent. Et lors d'une conférence de presse à l'issue du Synode on avait entendu des phrases telles que celles-ci : « On ne peut pas se baser sur le thème de la Terre promise pour justifier le retour des juifs en Israël et l'expatriation des Palestiniens » ou encore « il n'est pas permis de recourir à des positions bibliques et théologiques pour en faire un instrument pour justifier les injustices. » Et, de fait, le concept même de « Terre Promise au peuple juif » était récusé au motif que la venue du Christ l'aurait rendu invalide... L'argument de l’Église est que ces prises de position qui n'ont pas été entérinées par le Pape n'ont pas de légitimité et ne la représentent pas. Mais elles ont eu un retentissement médiatique d'autant plus grand qu'il n'y a pas eu de démenti émanant du Vatican et elles reflètent bel et bien un certain courant de pensée en son sein.



Visites papales et ministérielles, Jérusalem et les propriétés du Vatican



S'il y a eu deux visites papales en Israël et dans les territoires palestiniens, en 2000 et 2009, comme le rappelle l'Ambassadeur Lewy, « il s'agissait de visites à caractère surtout pastoral mais des actes d'une portée aussi symbolique revêtent également une signification politique. » Et, ajoute-t-il, « le Pape a planté un arbre dans le jardin du Président israélien à Jérusalem, » lors d'une rencontre entre ces « deux Chefs d’État. » Toutefois, le Vatican, et il n'est pas le seul en cela, veut pour Jérusalem un statut international. Mais, là encore, il y a eu un certain progrès. Ainsi après que l'Ambassadeur en ai fait la remarque, le quotidien l'Osservatore Romano – publié par le service d'information du Vatican -, ne parle plus désormais du « gouvernement de Tel Aviv, » comme cela se faisait auparavant.



Autres progrès qui restent à faire : si ces deux États se sont reconnus mutuellement en 1994 et ont échangé des ambassadeurs, « le ministre des Affaires étrangères du Vatican ne s'est jamais rendu en Israël en visite officielle à ce jour. » Une invitation vient de lui être faite officiellement par son homologue israélien, Avigdor Lieberman, qui vient d'être reçu au Vatican par le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Au cours d'une rencontre qui « s'est bien passée et dans un respect mutuel, » le ministre israélien a évoqué la « situation au Moyen-Orient, la virulence de l'Iran et le danger nucléaire iranien ou le sort des chrétiens, » rapporte l'Ambassadeur Lewy qui était présent. Il ajoute qu'Avigdor Lieberman « a offert son aide au Vatican pour secourir les chrétiens qui sont attaqués dans la région. »



Une autre question en suspens a été évoquée lors de cette rencontre : celle des propriétés appartenant au Vatican en Israël. La loi veut, comme cela se fait ailleurs, que jusque 40 % d'une propriété puisse être expropriée pour la construction ou l'aménagement de routes, par exemple. Une compensation financière est offerte en échange mais, et cela concerne six propriétés, le Vatican souhaite que d'autres terres lui soient données plutôt qu'un dédommagement financier. Des négociations délicates et prolongées sont en cours. Les deux parties ont exprimé l'espoir que cela puisse être réglé rapidement.



Photo : D.R.