Je crois me souvenir que la moitié au moins d’entre nous ne croyait pas qu’Hitler voudrait faire la guerre pour le « couloir de Dantzig ». J’écoutais goulument car s’il devait y avoir la guerre je ne rentrerai pas à l’école vendredi…le 1er septembre.
Et, je ne suis pas rentré à l’école le vendredi 1er septembre. Les bombardements allemands de ma région pétrolifère avaient commencé à 5 heures du matin… Dans notre bonne ville de Dromobycz, les gens restaient optimistes. Cette dernière aventure militaire Hitler ne pourrait pas la gagner, car l’armée polonaise était forte et nos alliés anglais et français allaient intervenir immédiatement. Tous allumèrent leurs radios et toute la journée du 1er et du 2 septembre, tous restèrent à l’écoute, pensant que l’attaque de l’Allemagne par les démocraties occidentales était imminente.
Je me souviens que le dimanche 3 septembre, le matin où il ne se passait toujours rien sur le « front occidental », une vague de tristesse nous submergea tous. Nous ne sûmes rien de la déclaration de guerre britannique de 11 heures du matin, ni de celle française, de 15 heures. Ce ne fut que vers 16 heures ou peut-être à 17 heures que les déclarations de guerre française et britannique furent diffusées par la radio polonaise. Je me trouvais à ce moment là dans la rue alors que s’éleva une immense clameur, des cris de joie en polonais, en yiddish, en ukrainien, des gens s’embrassaient, dansaient courraient dans tous les sens… « Nous sommes sauvés, la guerre est finie… ! » Je dois dire que du haut de mes neuf ans, j’étais étonné et incrédule. Qu’une guerre finisse avant d’avoir vraiment commencé ? Cependant les grandes personnes avaient l’air d’y croire…
Une semaine plus tard, le dimanche 15 septembre on ne croyait plus qu’à la nécessité d’en finir et le dimanche 17, sur la route de l’exode, nous rencontrâmes l’armée rouge qui venait d’entrer en Pologne, conformément aux clauses secrètes des accords Molotov – Ribbentrop, du 23 août. Décidemment, « les grandes personnes » n’avaient rien compris et la guerre qui devait se terminer le… 3, dura 6 ans.
Maintenant, 70 ans après, où j’ai déjà dépassé l’âge de ceux qui, le 3 septembre 1939, savaient tout, expliquaient tout et prévoyaient le tout, je sais que l’histoire et les événements qui la constituent relèvent plus des délires que de la raison.
Le 3 septembre 2009.
(°) Manek Weintraub est membre du bureau exécutif du CRIF
Photo : D.R.