Le scrutin ayant eu lieu à bulletin secret, l'identité des sept pays qui n'ont pas donné leur voix à Jean Ziegler n'est pas connue. Plusieurs ONG et parlementaires avaient auparavant fait pression sur la Suisse pour qu'elle retire la candidature de Jean Ziegler au comité consultatif du Conseil des droits de l'homme. Le groupe occidental présentait sept candidats pour trois postes. Le Français Emmanuel Decaux, avec 24 voix, et l'Allemand Wolfgang Stefan Heinz, avec 24 voix également, ont été aussi élus. Les candidats grec (19 voix), suédois (15 voix), américain (12 voix) et espagnol (six voix) ont échoué. Tous les candidats du groupe africain (cinq), du groupe latino-américain (trois) et du groupe asiatique (cinq) ont été élus par acclamation, faute de concurrents. Du côté des pays d'Europe orientale, le Russe Vladimir Kartashkin a obtenu le plus de voix (42), devant le candidat de l'Azerbaïdjan Latif Hüseynov (30) et le Polonais Roman Wieruszewski (14 voix).
La Suisse a soutenu son élection :
La Suisse avait soutenu son élection et elle s’était fendue d’une brochure pour l’appuyer. La brochure aux couleurs helvétiques éditée par la Confédération suisse appelait les 47 États du Conseil à choisir Jean Ziegler comme membre de son Conseil consultatif.
La Suisse, sujet de multiples controverses dans les livres et les mandats politiques de Ziegler, présentait son « enfant terrible » comme un « excellent connaisseur » des droits économiques, sociaux et culturels, habité par « une grande indépendance d’esprit ». Il serait « une personnalité à même de promouvoir activement l’importance des droits de l’homme tant auprès de la société civile qu’au sein de la communauté internationale », quelqu’un de compétent « par son engagement et sa personnalité ».
La « brochure Ziegler » de 8 pages en format A5, arborait un rouge confédéral. Elle était distribuée aux délégations du Conseil, preuve du soutien exceptionnel du Département Fédéral des Affaires Étrangères (DFAE), rappelle la Tribune des Droits Humains.
« La Suisse attache une grande importance aux droits humains et se félicite de l'élection du candidat suisse qui pourra apporter son expertise au Comité », a réagi dès son élection le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) dans un communiqué.
Protestation européenne :
Le chef de la délégation du parlement européen pour les relations avec l'ONU Alexander Graf Lambsdorff a également envoyé une lettre de protestation à l'ambassadeur de Suisse à Bruxelles, en regrettant le soutien de Berne à Jean Ziegler. Il accuse l'ex-professeur genevois d'avoir soutenu des dictateurs comme Mengistu en Ethiopie, Robert Mugabe au Zimbabwe, Fidel Castro à Cuba et Moammar Kadhafi en Libye. « Jean Ziegler ne remplit d'aucune manière les critères d'indépendance et d'objectivité en matière de droits de l'homme », affirme Alexander Graf Lambsdorff. Dans un communiqué, une vingtaine d'ONG ont accusé en outre Jean Ziegler d'avoir été co-fondateur en 1989 du Prix Kadhafi pour les droits de l'homme. Elles ont critiqué aussi sa récente visite, en novembre, comme rapporteur pour le droit à l'alimentation à Cuba, où "il a refusé de rencontrer des dissidents ».
Protestation américaine :
La vice-présidente de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants Ileana Ros-Lehtinen avait écrit à la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey pour lui demander de retirer son soutien à Jean Ziegler.
Dans un communiqué publié à Washington jeudi matin, elle affirme que «l'élection de Jean Ziegler montre l'étendue de la déchéance morale du Conseil» des droits de l'homme.
«Il est au-delà du domaine de la raison que le Conseil croie que M. Ziegler qui a justifié les attaques du Hezbollah, comparé les Israéliens aux nazis, défendu Fidel Castro et Robert Mugabe, puisse donner des avis sur les droits de l'homme», affirme le communiqué. « La rhétorique anti-israélienne de Jean Ziegler ajoute une nouvelle voix au choeur des représentants de l'ONU qui dénoncent Israël plutôt que de condamner l'extrémisme islamiste », ajoute la représentante républicaine de l'Etat de Floride.
Quelques controverses sur Jean Ziegler :
L’amitié de Jean Ziegler avec le Che :
En 1964, Jean Ziegler fait une rencontre qui renforce son engagement. Le jeune avocat-stagiaire sert de chauffeur au ministre cubain de l'industrie, Che Guevara, en conférence pendant dix jours à Genève. Le dernier soir, il l'emmène au Grand-Saconnex où le Che lui dit, en pointant la ville, que c'est là le cerveau du monstre contre lequel il doit se battre. Jean Ziegler dit n'avoir compris que plus tard qu'il était plus efficace en Suisse en se battant au niveau politique, dans le monde universitaire et avec ses écrits (RSR, 29 octobre 2007).
Jean Ziegler et la Suisse :
La plume acérée de Jean Ziegler ne lui attire pas que des admirateurs. Dans les années soixante-dix, après la parution de son livre « La Suisse au-dessus de tout soupçon », il a bien failli perdre son poste de professeur à l'Université de Genève. C'est le soutien indéfectible de son ami, le conseiller d'Etat André Chavanne, qui a permis à Jean Ziegler de résister aux attaques de la droite helvétique. Celle-ci l'accusait d'avoir violé la loyauté due à l'Etat, raconte RSR (29 octobre 2007).
D'autres écrits lui ont valu plusieurs procès pour diffamation, des procès qu'il a perdus et qui l'ont pratiquement ruiné (plus de six millions de francs). Voici ce qu'il en disait en février 2007, dans l'hebdomadaire « Lausanne Cités » : «Ils oublient de dire que je les ai tous perdus et qu'il s'agissait surtout de procédures en dommages et intérêts ! La Suisse est une république de marchands. Incapables de combattre sur le plan des idées, ils n'ont d'autre ressource que d'attaquer ma personne, de détruire ma crédibilité.»
Jean Ziegler et le prix Kadhafi :
Selon l’encyclopédie Internet Wikipédia, une controverse est née au début des années 1980 lorsque Jean Ziegler a suggéré que le gouvernement fédéral (suisse) invite Mouammar Kadhafi en Suisse. Ziegler a confirmé que Kadhafi l'a invité plusieurs fois en Libye « parce que mes livres sont traduits en arabe et qu'il les lit ».
Il a reconnu avoir été consulté, tout comme d'autres intellectuels européens, quand la Libye a voulu créer un prix pour les Droits de l'Homme en 1989. Aujourd'hui Ziegler dit qu'à l'époque, « il appuyait le prix car cela représentait une étape vers une ouverture. » Time Magazine l'a décrit (en 1989) comme membre du jury du prix Kadhafi. Jean Ziegler a démenti par la suite avoir créé ce prix, l'avoir financé, avoir reçu le prix ou avoir fait parti du jury.
Jean Ziegler provoque la colère du gouvernement brésilien :
Jean Ziegler a provoqué la colère du gouvernement brésilien en qualifiant de génocide la mort de milliers de personnes attribuées à la malnutrition au Brésil. Il ne s'est jamais gêné pour attaquer Peter Brabeck, patron de Nestlé, ou les OGM développés par le géant agro-alimentaire Monsanto.
Le voyage de Jean Ziegler à Cuba suscite la controverse :
Du 28 octobre au 6 novembre 2007, Jean Ziegler part à Cuba pour une mission en qualité de rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation. Le sociologue suscite une nouvelle fois la controverse. Se pose notamment la question de l'objectivité de Jean Ziegler, car tout le monde sait les liens privilégiés qu'il a noués au fil des ans avec Cuba. Abordera-t-il la question des Droits de l’Homme ? « Ce sera l'occasion de voir les solutions qu'a trouvées Cuba pour échapper au système d'étouffement imposé par le blocus américain. A Cuba, le droit à l'alimentation est inscrit dans la Constitution. C'est l'un des grands succès de la Révolution. Quand à mon objectivité, je dis que les ONG n'auront qu'à lire mon rapport », répond le sociologue au quotidien Suisse Le Temps.
Jean Ziegler diabolise le Nord :
Il admet quelquefois ses méprises. Il s'accuse par exemple d'avoir commis «un véritable méfait» parce que, en diabolisant le Nord et en lui attribuant la responsabilité historique des souffrances du monde, il a contribué à déresponsabiliser les élites du Sud. «La misère de la Somalie ou du Zaïre ne doit pas grand-chose au capitalisme financier; elle s'est auto produite», écrit-il. «C'est le président Collor qui a fait du Brésil ce qu'il est devenu, ce n'est pas le Crédit Suisse.»
Jean Ziegler « défendrait » le régime de Laurent Gbagbo :
Selon
http://newsweaver.co.uk/legriot/e_article000118020.cfm, dans Le Monde du 27 décembre 2002, « le sociologue suisse reprendrait la rhétorique mensongère du régime du Président ivoirien Laurent Gbagbo « démocratiquement élu » qui serait attaqué par de sanguinaires « terroristes » et que la communauté internationale se doit de combattre militairement. »
Jean Ziegler agit sur des critères « non objectifs » et il se sert de sa position aux Nations Unies comme d’une tribune politique lorsqu’il dénonce « les violations par Israël du droit à l’alimentation et des droits humains dans les territoires » :
M. Jean Ziegler, rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, s’est trouvé sur le banc des accusés pour avoir documenté - sous une estampille officielle - les violations par Israël du droit à l’alimentation et des droits humains dans les territoires occupés.
Dans une lettre du 14 juillet 2004, adressée à l’ambassadeur M. Smith - président de la 60eme session de la Commission au droit de l’homme - avec copie aux plus hautes instances de l’ONU , « United Nations Watch » a accusé en substance M. Jean Ziegler d’avoir agi sur des critères « non objectifs » qui n’auraient pas de rapport avec les termes de son mandat et de s’être servi de sa position aux Nations Unies comme d’une tribune politique pour lancer des déclarations publiques contre Israël. United Nations Watch a demandé au Secrétaire général de l’ONU , Kofi Annan, et au Haut Commissaire aux droits de l’homme, Louise Arbour « de mettre fin au mandat de M. Ziegler. »
Les actions de M. Jean Ziegler, affirme United Nations Watch dans son réquisitoire, « constituent (a) un abus flagrant du mandat qui lui a été confié par la Commission des droits de l’homme des Nations Unies ; (b) une violation criante des principes d’impartialité, de non - sélectivité et d’objectivité qui régissent le travail des rapporteurs spéciaux ; et (c) une violation ouverte des principes d’égalité de la Charte des Nations Unies(...)Finalement, les mode et pratique de discrimination de Jean Ziegler contre l’Etat Juif contreviennent directement au plan d’action contre l’antisémitisme du 21 juin 2004 du Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan qui rejette la démonisation du sionisme et qui stipule que les Juifs, partout, doivent sentir que les Nations Unies est aussi leur maison, et encourage une action particulière dans ce sens de la part des Rapporteurs spéciaux. »
Marc Knobel
Notes :
1) Selon Wikipedia, Jean Ziegler fut professeur de sociologie à l'Université de Genève jusqu'en 2002 et à l'université de la Sorbonne à Paris. Il a aussi publié de nombreux livres. Il fut conseiller municipal (socialiste) de la ville de Genève de 1963 à 1967[]. Il fut membre du parlement fédéral suisse (canton de Genève) du 4 décembre 1967 au 27 novembre 1983 et du 30 novembre 1987 au 5 décembre 1999 (parti socialiste). Il est le premier dirigeant de la communauté d'Emmaüs genevoise. Il rencontra l'abbé Pierre à Paris en 1952.
2) Les 18 experts du Comité consultatif se réuniront donc pour la première fois en août à Genève. Conçu comme un « groupe de réflexion », ce Comité consultatif sera chargé de livrer des expertises sur des questions « thématiques » concernant « la promotion et la protection des droits de l’homme ». Mais ces membres, soit à titre individuel soit dans des équipes, pourront aussi prendre des initiatives et soumettre au Conseil des « suggestions » et des « propositions », ce qui constituera une vraie tribune à la mesure de Jean Ziegler. Ces 18 experts siégeront publiquement à Genève deux semaines par année. Jean Ziegler doit quitter sa charge de rapporteur de l'ONU sur le droit à l'alimentation, qu'il occupe depuis 2000. Les mandats sont en effet désormais limités à six ans.
Sources :
Info Sud.
RSR.ch du 29 octobre 2007.
Le Temps.
Association Suisse-ONU
Romandie news
Tribune de Genève