Tous ses ouvrages ne sont pas au même niveau, mais comment ne pas aimer cet auteur prolifique, qui a touché à toutes les formes d’écriture : articles, romans, biographies, pièces de théâtres, essais, nouvelles… Sans oublier ses correspondances avec Sigmund Freud, Romain Rolland, Arthur Schnitzler et tant d’autres grands noms qui ont marqué leur époque.
Chaque mot est choisi, chaque phrase est ciselée chez Zweig, qui fut l’écrivain européen le plus lu, et qui n’est pas démodé. Combien de fois ai-je vu des jeunes gens en train de le lire dans le métro ?
Ses livres les plus connus ? Des romans tels que « Amok » ; « La confusion des sentiments » ; « Vingt quatre heures de la vie d’une femme » ; « Le joueur d’échecs », des essais et des biographies, tels que « Marie-Antoinette », « Sigmund Freud » et son chef d’oeuvre « le monde d’hier, souvenir d’un Européen » ?
Né à Vienne en 1881, au cœur de l’empire austro-hongrois, mort dans des conditions tragiques en 1942 à Pétropolis, au Brésil, Stephan Zweig était plus qu’un écrivain doué et adulé. C’était un citoyen du monde, qui a passé beaucoup de temps à le parcourir et le décrire. Il a connu « la belle époque », synonyme de plaisir et de progrès, pour achever sa vie dans le désespoir organisé par Hitler.
Stephan Zweig est né dans une famille juive d’un père, fabricant de tissus et d’une mère, fille d’un banquier d’origine italienne. Il étudie la philosophie et l’histoire de la littérature, et très vite s’imprègne d’universalisme et plus tard de pacifisme.
Ses premiers essais sont publiés dans « Die neue freie Presse », dont le responsable littéraire est Théodor Herzl. Mais le père du sionisme n’arrivera pas à entraîner le jeune homme à ses côtés.
Ouvert au monde, humaniste, curieux de tout, Stephan Zweig est même, s’il s’en défend profondément marqué par son judaïsme. D’autant plus que ses espoirs d’un monde merveilleux vont être rattrapés par la brutalité d’un ordre nouveau qui va se mettre en place. L’enfant de Vienne sera obligé, avec l’arrivée du nazisme de s’exiler en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et enfin au Brésil.
Dès 1929, Stephan Zweig faisait remarquer : « Depuis la proclamation des Dix Commandements, le peuple juif a adopté un rôle de guide de l’humanité. Une position aussi exposée, comporte naturellement des grands dangers, mais ces dangers fon partie intégrante de notre tâche… ».
Prenant conscience des dangers du nazisme, Stephan Zweig rédige en 1933, un manifeste. Il écrit : « Nous rejetons la tentative organisée de déshonorer notre peuple, entreprise aujourd’hui par des idéologues racistes, et nous sommes prêts à mourrir plutôt que d’accepter une telle folie comme étant la vérité ». Il ajoute : »Nous sommes prêts à tout sacrifier pour hâter la création d’une nouvelle patrie pour les personnes déplacées, nous accueillerons avec reconnaissance toute proposition et accepterons avec empressement toute suggestion. Pour tout ce qui demande de l’énergie, du sacrifice, du dévouement et de la sagesse, le monde trouvera les juifs joyeusement préparés, mais il y a une chose que nous ne ferons jamais : accepter la validité d’un mensonge raciste ou appeler la force : justice ».
Ce manifeste ne connaîtra aucun écho, Stephan Zweig doit trouver de la force pour produire des œuvres littéraires malgré les menaces qui se rapprochent. En 1934, il écrit à Londres : « Plus je deviens pessimiste, prévoyant la guerre comme inévitable par la folie contagieuse du nationaliste, plus je me réjouis du simple bonheur de vivre, de respirer, de travailler. On devient modeste. Quant on regarde ce monde, on frémit sur l’inutilité de la raison ».
Désespéré, Stephan Zweig quitte définitivement l’Europe. En 1942, réfugié au Brésil, il décide de mettre fin à ses jours, laissant un dernier message : « Après soixante ans, il faut des forces particulières pour recommencer entièrement une fois de plus. Et les miennes sont épuisées par ces longues années d’errance sans patrie. J’estime donc préférable de mettre fin à temps et debout à ma vie dans laquelle le travail de l’esprit a toujours été le bonheur le plus pur, et la liberté personnelle le bien suprême sur cette terre.
Je salue tous mes amis ! Puissent-ils voir encore l’aurore après la longue nuit ! Moi qui suis trop impatient, je m’en vais avant eux ».
Toujours d’actualité, Stephan Zweig
Haïm Musicant
(D’après un article publié dans Actualité juive du 21 juillet)
Photo : D.R.