Je ne retiendrai que quelques commentaires entendus ici et là. Sur RTL, par exemple, jeudi soir lors de l’émission « On refait le monde » qui réunit les grands éditorialistes, un journaliste a émis l’opinion qu’on avait peut-être découvert tardivement le vrai Sharon après l’avoir jugé trop sévèrement dans le passé. Un autre journaliste à surenchérit : « Sharon a du panache que j’aimerai pouvoir trouver chez beaucoup d’homme politiques français de 70 ans et plus ». Les intéressés apprécieront. Faut-il également citer les portraits du Premier ministre israélien publiés dans Le Monde ou Le Journal du Dimanche qui retracent la vie d’Ariel Sharon, son enfance dans la ferme familiale, son adolescence, qui racontent sa passion pour la terre d’Israël… Alors que Sharon se bat contre la mort, jamais il n’a été présenté de manière aussi vivante et aussi humaine.
En écoutant tous ces commentaires on a peine à croire qu’il s’agit du même homme qu il y a encore quelques mois était décrit comme un militaire brutal et cynique, comme le déclencheur de l’Intifada, comme un fauteur de guerre ; on a peine à se souvenir qu’il concentra sur lui autant de haine et d’excès, dans les rues de Paris comme dans les colonnes de nos journaux, qu’il fut caricaturé en boucher casher et en juif déicide dans de grands quotidiens parisiens, que la justice Belge songea même à le poursuivre pour crime de guerre. Comme ce temps parait loin.
Comment expliquer un tel revirement? Il y a tout d’abord, c’est probable, une grande part de sincérité. L’opinion varie ainsi au gré des modes et des courants. L’inconstance est une spécialité bien française.
Autre hypothèse pour expliquer ce brusque accès de sympathie : la presse française a toujours adoré les dirigeants israéliens, surtout lorsqu’ils étaient morts. On oublie que Yitzhak Rabin avant d’être considéré comme un quasi messie, avait été lui aussi diabolisé de son vivant. Aujourd’hui c’est au tour de Sharon d’être le temps d’un week-end quasiment béatifié. Mais je vous fait le pari que son successeur, quel qu’il soit, n’aura pas droit qu’a des bouquets fleurs de la part des médias français.
Clément Weill-Raynal,
RCJ, lundi 9 janvier 2006