Tribune
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Publié le 27 Septembre 2010

L’islam de France selon Hassen Chalghoumi, par Marc Knobel

« Toute rhétorique de haine prononcée dans la mosquée est un sacrilège. L’imam, qui a le privilège de trôner au-dessus du Minbar n’a pas le droit de prôner la haine ou la violence. Son message doit être de paix et d’espérance. Son comportement doit être de sérénité et de pacification (p.16). » Ces quelques lignes sont extraites d’un ouvrage qui vient de paraître : Pour un Islam de France, d’Hassen Chalghoumi (avec la collaboration de Farid Hannache) aux Editions du cherche midi, 418 pages, 18 e.




L’imam Chalghoumi sait de quoi il parle. Il répète constamment qu’en Islam on ne doit pas se réjouir que des attentats aient lieu et fauchent des civils, que des femmes soient lapidées ou que des fous de Dieu assassinent et trahissent cette religion. Mais, d’où viennent ces constatations ?



Durant de nombreuses années, Hassen Chalghoumi s’est rendu dans plusieurs pays : de Tunisie en Syrie et du Pakistan en Inde. Ses nombreux ennemis et détracteurs ont d’ailleurs prétendu qu’il aurait été en relation avec des islamistes. La réalité est autre.



C’est à Damas qu’il dit avoir vu de ses « yeux horrifiés » des hommes venus du Maghreb servir « la politique iranienne et prêts à devenir des martyrs au nom d’un Islam perverti ». Il dit avoir vu aussi « des femmes venues du Maghreb pour servir le corps des chiites et devenir des prostituées au nom du mariage perverti (p.28) ».



En Syrie, ajoute-t-il aussitôt, « c’est la politique qui instrumentalisait la religion, quitte à la tyranniser, quitte à la martyriser (p.32). » Et, en Iran, « c’est la religion qui instrumentalisait la politique, quitte à la diviniser, quitte à la fasciser. »



Du Pakistan, il dit que « les écoles du Djihad, d’abord construites comme des casernes pour former des combattants afin de libérer l’Afghanistan ou le Cahemire, ont fini par libérer des démons qui ne cessent d’errer dans les pays musulmans avec deux principes : altérer l’Islam et vénérer la guerre (p. 34) ». Il a vu aussi comment l’Algérie était à feu et à sang, dévorée par la folie meurtrière et, il dit avoir été hanté par le sort des moines du monastère de Thibirine. Bref, il sait et il raconte comment et pourquoi « des cinglés massacraient au nom d’Allah d’autres fidèles d’Allah », (p. 38).



Mais, depuis le 24 décembre 1996, Chalghoumi vit en France.



Il ouvre alors son cœur et parle de sa famille. Sa femme est française et, raconte-t-il, « en l’aimant, j’ai appris à aimer la France. Mes cinq enfants sont français ; en me dévouant pour eux, je me dévoue pour la France. Mes cinq enfants, âgés de 6 à 12 ans, sont dans une école catholique. Le niveau de scolarité, les chances de réussite et la sécurité sont les critères qui comptent pour nos enfants (p.42) ».



Il s’installe donc à Bobigny d’abord, puis il devient l’imam de Drancy. Très vite, il brise la tristesse et la méfiance, le chagrin et l’isolement (de sa communauté). Hassen Chalghoumi décide de « faire sortir de la mosquée tout ce qui nuit à l’Islam et aux Français. » « Les musulmans français ou installés en France méritent plus d’attention et de considération. La gestion de L’Islam français ne doit pas être déléguée ou larguée aux ambassades ou aux officines, elle ne doit pas naviguer, comme je ne cesse de le dire, entre le Quai d’Orsay et la Place Beauvau » (p. 326).



Vaste programme, tant il est vrai que l’Islam de France est écartelé par et entre des puissances étrangères qui veulent leur part du « gâteau » et étendre ainsi leur influence. L’Islam de France est aussi l’otage de l’islamisme. Chalghoumi s’en prend très violemment à l’UOIF dont il dit que cette organisation est une excroissance des Frères musulmans extirpés de plusieurs pays arabes où ils n’ont plus de vitrine officielle, ni en Egypte, ni en Tunisie, ni au Maroc. Mais, « voilà qu’en France, cette organisation prétend qu’elle est adoubée par l’Etat lui-même (p.346) ». En vérité, ajoute-t-il aussitôt, Sous prétexte qu’elle quadrille le terrain et qu’elle gère « le plus grand pourcentage de mètres carrés de mosquées », l’UOIF « trône au sommet de la pyramide de la représentation des musulmans française, devenue une véritable nébuleuse (p. 347). » Or, l’UOIF considère l’Europe comme une terre de mission et la France comme une base arrière, comme c’était le cas avec l’ayatollah Khomeiny que l’UOIF admire malgré la guerre doctrinaire qui oppose les chiites aux sunnites (p. 346) ».



Chalghoumi montre comment l’UOIF s’agite pour quadriller le terrain. La démonstration est sans partage. Selon lui, l’UOIF est « une entreprise envahissante qui agite son carnet de chèques pour acheter des terrains, puis construire des lieux de culte, puis conduire l’islam de France (p.348). » Chalghoumi est sans concession, il dit tout. Il frappe et il cogne fort. Il dit aussi que le pouvoir peut instrumentaliser l’Islam de France. Le jugement de Chalghoumi est, à cet égard, sévère. Mais, il peut être sur ce point entendu.



Il y a dans ce livre, tant et tant de choses, de regards, de dialogues (notamment avec les Juifs de France), de paroles, d’avertissements, de combats, de luttes incessantes, que je dois dire que je suis très touché par le combat d’Hassan Chalghoumi.



Bref, ce livre est à partager, à découvrir et à lire.



Photo : D.R.