Le dossier intégral figure dans L’Arche n°626-627 (juillet-août 2010), disponibles en kiosques dan la région parisienne. On peut aussi consulter ce dossier gratuitement, en ligne, sur www.arche-mag.fr.
Le 15 avril 2010, le site Internet de l’IHH annonce sous un gros titre que son président, Bülent Yildirim, a rendu visite à Necmettin Erbakan, présenté comme ancien premier ministre « et leader du mouvement Milli Görüs ». Le 30 mai dans la journée, Yildirim est en mer à bord du Mavi Marmara ; il reçoit un appel téléphonique d’Erbakan. Une photo, aussitôt retransmise par les correspondants de presse présents sur le bateau, montre un Yildirim déférent, parlant avec le maître.
Car aucun doute n’est possible : si le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan est le tuteur et le protecteur de l’IHH, l’inspirateur véritable, le maître à penser, est le vieil homme au bout du fil. Un article publié le 2 juin 2010 par le journal en ligne SoL (organe officieux du parti communiste turc) résume en quelques mots la nature de ces liens : « L’organisation humanitaire IHH a été créée par le Milli Görüs, un mouvement politique turc d’extrême droite, sur les ordres directs du dirigeant historique du mouvement, Necmettin Erbakan, au début des années 90. »
Qui est Necmettin Erbakan ? Il fait son entrée dans la politique turque en 1969, quand il se présente aux élections législatives dans la ville de Konya. À peine élu, il crée un parti, le Parti de l’ordre national. Le jour de la création de son parti, le 26 janvier 1970, il annonce que celui-ci sera interdit aux Juifs et aux francs-maçons.
Dissous pour islamisme, le parti d’Erbakan se reconstitue, est dissous à nouveau, et renaît sous le nom de Refah. Le programme du Refah, publié en 1991 sous la signature de Necmettin Erbakan, est intitulé «Un système économique juste». Extraits de l’introduction à ce programme: « Nous devons savoir que le monde n’est pas vide. Le sionisme, qui a son centre à Wall Street, à New York, est une puissance idéologique. Ils croient être le peuple élu de Dieu, les autres étant créés pour devenir leurs esclaves. Ils croient qu’ils vont dominer le monde ; plus ils exploitent les autres, plus ils ont de plaisir. Les sionistes ont l’impérialisme mondial sous leur contrôle. Ils exploitent toute l’humanité, avec le système capitaliste fondé sur l’intérêt. »
Necmettin sera premier ministre pendant une année, avant d’être écarté par l’armée (c’était un coup des «sionistes», expliquera-t-il par la suite). Son mouvement se scindera en deux, l’aile «modérée» arrivant au pouvoir sous le nom d’AKP tandis que l’aile «dure» reste dans l’opposition. Parmi les neuf victimes turques du Mavi Marmara, plusieurs sont des activistes de cette mouvance, et tous les autres ont un lien avéré avec le courant islamiste-nationaliste dont Erbakan est le maître à penser.
Si l’on veut avoir une idée du discours antisémite régnant dans ce courant, il suffit de se référer aux propos tenus par Erbakan le 1er juillet 2007, devant les caméras d’une chaîne de télévision turque : « D’où que vienne l’argent, où qu’il aille, un pour cent est payé aux Juifs. Ils ont pris le contrôle du monde. (…) Les sionistes tiennent les Chrétiens dans le creux de leur main, et ils les utilisent. Le développement industriel de la Chine et de l’Inde est réalisé avec du capital juif. Celui du Japon aussi. Ils les contrôlent aussi. Maintenant, seul l’Islam leur fait face.»
Telle est l’idéologie qui anime les organisateurs de la flottille.
Photo : D.R.