Tribune
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Publié le 1 Juillet 2005

La chaîne de télévision antisémite du Hezbollah, Al Manar, n’est plus retransmise en Amérique latine

A Madrid, le ministre espagnol de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce, José Montilla, a annoncé au Congrès (espagnol) que son gouvernement a décrété l’arrêt définitif des retransmissions de la chaîne libanaise du Hezbollah, Al Manar, sur l’Amérique latine à travers le satellite espagnol Hispasat.



C’est à la suite d’une demande déposée le 20 avril 2005 par la Fédération des communautés juives espagnoles, que l’exécutif a pris connaissance du fait que les pays d’Amérique latine recevaient Al Manar via la compagnie Globecast (qui a cessé d’émettre le 20 juin 2005 à la suite d’une décision de la commission des télécommunications) et Hispasat. Le ministre a affirmé que le gouvernement (socialiste) de José Luis Rodriguez Zapatero s’est mobilisé immédiatement pour que cette diffusion cesse.

Depuis le 23 juin Al Manar n’est donc plus diffusée en Espagne et dans l’ensemble du continent sud-américain.

Rappel des faits :

A l’occasion du Ramadan 2003, (qui s’est terminé le 25 novembre 2003), la chaîne du Hezbollah, a diffusé le feuilleton « Diaspora ». Présenté aux téléspectateurs arabes comme une fresque allant de 1812 à 1948, (date de la création de l’Etat d’Israël), « Diaspora » (« Al Chatat ») raconte à sa manière l’histoire du sionisme, tout en véhiculant la thèse d’un vaste complot « des juifs pour diriger le monde ».

Dans ce feuilleton, les Juifs tentent de contrôler le monde depuis des siècles, par le biais d'un gouvernement juif mondial secret. Ce gouvernement secret serait, depuis le XIXeme siècle, dirigé par la famille Rothschild. Sous leur direction, ils auraient notamment provoqué l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, le déclenchement des deux guerres mondiales ; le largage de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki; ils auraient en outre aidé Hitler à exterminer les Juifs d'Europe ; ils auraient collaboré avec les Nazis au massacre de 800 000 Juifs hongrois en échange de la libération de 2000 riches Juifs allemands; d'autres faits leur sont attribués: le meurtre rituel d'un enfant chrétien en Roumanie et l'utilisation de son sang à la confection de matzot ; la torture et le meurtre d'un Juif marié à une chrétienne ; l'assassinat du tzar Alexandre III de Russie, etc.

Dans cette affaire, le CRIF n’a pas cessé d’influer pour alerter l’opinion publique et les pouvoirs publics (français et internationaux) lorsque cette diffusion a eu lieu. En décembre 2003, le Président du CRIF a adressé des cassettes de la série « Diaspora » au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, au Premier ministre, au garde des Sceaux et au ministre de la Culture.

Le 12 juillet 2004, le CSA a saisi le Conseil d’Etat d’une demande en référé tendant à ce qu’il soit ordonné à la société Eutelsat - qui diffusait Al Manar - de mettre fin sous astreinte à la diffusion du service de la télévision du Hezbollah. Le Conseil d’Etat, dans sa décision du 20 août 2004, a pris acte du fait que certaines des émissions d’Al Manar incitaient à la haine ou à la violence pour des raisons de religion et de nationalité. Mais, il a demandé à Al Manar, jusqu’au 1er octobre 2004, de se mettre en règle avec le CSA. Le 21 septembre 2004, Al Manar a remis au CSA un dossier complet de demande de conventionnement. Le 19 novembre, le CSA a conventionné la chaîne libanaise. Mais cette convention a obligé cependant Al Manar à respecter des obligations déontologiques très détaillées. Il lui est ainsi interdit de présenter de « manière favorable des actions violentes à l’encontre des populations civiles, quelle que soit leur nationalité, ainsi que leurs auteurs ou les organisations qui revendiquent ou encouragent de telles actions ».

Par la suite, le CRIF a informé qu’Al Manar ne respectait pas son conventionnement et diffusait d’autres émissions antisémites. Par exemple, le 23 novembre, la chaîne a diffusé une revue de presse : Un intervenant, présenté comme « un expert pour les affaires relatives à l’entité sioniste » parle : « On a assisté, durant les dernières années, à des tentatives sionistes pour transmettre des maladies dangereuses à travers les exportations des pays arabes, comme le sida. Cet ennemi n’aura aucun scrupule à commettre des actes qui pourraient porter atteinte à la santé des citoyens arabes et musulmans. » Finalement, le 7 décembre, le CSA a engagé «une procédure de sanction » contre la chaîne du Hezbollah, après de nouveaux manquements constatés sur son antenne et onze jours après l’avoir autorisée, le CSA a réclamé au Conseil d’Etat (pour la deuxième fois en six mois) l’interdiction de la télé du Hezbollah pour diffusion de propos antisémites.

Le 13 décembre, le Conseil d’Etat a sommé la société Eutelsat de faire cesser la diffusion d’Al Manar dans les 48 heures. Le Président du Conseil d’Etat a constaté qu’en « dépit des avertissements prodigués par le CSA », Al Manar « a continué (…) à éditer certaines émissions (antisémites) » Le lendemain, Eutelsat a annoncé que la diffusion de la chaîne a cessé. Quelques jours plus tard, les Etats-Unis annonçaient à leur tour qu’Al Manar ne sera plus diffusé sur le territoire américain.

Marc Knobel

Source : Le Monde, 1er juillet 2005, CincoDias.com et periodistadigital.com du 30 juin 2005.