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Il semblerait aujourd’hui que l’on ne puisse plus manifester son hostilité à la guerre qui est menée par la coalition américano-anglaise contre Irak, sans que les manifestations dérapent gravement. Des manifestants s’échauffent ou s’électrisent lorsqu’il est question de la Palestine et des violences – qu’elles fussent verbales et/ou physiques - sont perpétrées ; des slogans calamiteux et/ou haineux sont scandés ; les drapeaux du Hamas ou de l’Irak sont brandis.
A Strasbourg aussi, les esprits peuvent s’échauffer très rapidement.
Nous reproduisons ci-après un premier article qui a été écrit par Franck Viart des Dernières Nouvelles d’Alsace (vendredi 28 Mars 2003), puis des extraits d’un second article, publié dans la même édition.
Marc Knobel
Lycéens et collégiens contre la guerre en Irak
La manifestation qui a dérapé
La manifestation des lycéens et des collégiens contre la guerre en Irak a été marquée hier dans le centre de Strasbourg par une série de violences, physiques et politiques. Elle s'est heurtée à la police qui leur a barré la route du consulat américain.
« On n'est pas venu pour faire la guerre. On est là pour lutter contre. On va faire de la guitare, c'est moins violent et plus revendicatif ». Un peu après midi, place Kléber, François, 17 ans, un lycéen de Molsheim, s'est assis par terre et a commencé à gratter sa guitare et à chanter entouré d'un petit groupe de copains. Il y avait du désarroi dans la voix de François, qui n'avait pas pris le train de Molsheim à Strasbourg pour voir pleuvoir des cailloux et charger les CRS.
Bouche à oreille
C'est pourtant ce qui s'est passé, entre autres choses. Suscitée par des affiches et alimentée par le bouche à oreille, surveillée de près par des militants politiques pro-musulmans foncièrement hostiles aux Etats-Unis et à Israël, débordée par quelques dizaines de jeunes issus de quartiers périphériques, la manifestation s'est terminée dans la confusion après s'être brisée sur une rangée de CRS (…) à proximité du consulat des Etats-Unis (…) le service d'ordre n'ayant visiblement aucune autorité sur les jeunes les plus radicaux et les plus violents.
« Vous trouvez ça normal ? »
C'est avenue Victor-Schoelcher (…) que la manifestation a pris un tour violent, des cailloux étant lancés contre un véhicule de la police qui précédait les manifestants. C'est quai Koch que la manifestation a commencé à se disloquer, en raison de la violence - les CRS ont répondu aux envois de projectiles par un tir de gaz lacrymogène - et des divergences entre les manifestants pacifiques et les éléments violents. Plusieurs jets de cailloux ont été observés, ainsi que le jet d'une barre de fer et la dégradation de plusieurs véhicules garés quai Koch et avenue de la Liberté. Ils ont provoqué la colère et l'émoi des riverains. « Ce n'est pas ça qui va faire reculer Bush ! » s'est exclamée une habitante du quartier. Un peu plus tard, un peu plus loin, place de la République au retour de la manifestation vers la place Kléber, un autre habitant comptait les coups, interpellant un passant : « Ils viennent de lancer une pierre. Vous trouvez ça normal ? Moi, je ne trouve pas ça normal » (…)
« Ils critiquent McDo, mais... »
« On s'échappe des idées. Ça devient du n'importe quoi. Ce n’est pas comme ça qu'on atteint un objectif. Ça fout les nerfs ». Avenue de la Marseillaise, dans une atmosphère encore tendue, plusieurs lycéens sortis de la manifestation en raison des actes de violences disaient leur déception, tandis que « Bush et Sharon » continuaient d'être vilipendés, les slogans étant favorables à l'“Irak et à la Palestine”. A la terrasse ensoleillée du TNS, des amateurs de café regardaient avec détachement le théâtre des opérations, tout en s'interrogeant : « Se battre pour la paix en jetant des pierres, je trouve ça un peu bizarre ». Place Kléber, 12h15. Les vendeuses d'un magasin de chaussures commencent à ranger leurs rayons devant un nouveau face à face entre CRS et manifestants devant le restaurant McDonald's de la place Kléber. « Ils critiquent McDo mais ils portent des Nike », lance froidement une vendeuse. Un « Dieu est grand » retentit à proximité, avant un sit-in et une minute de silence pour « l'Irak et la Palestine ».
« Chef, on fait quoi alors ? »
Dans la foulée, vers 12h30, tandis que François gratte sa guitare, les plus radicaux des manifestants, qui sont désormais moins d'une centaine, se dirigent vers le restaurant McDonald's des Halles et entrent dans le centre commercial. Après plusieurs minutes de confusion, son entrée est finalement bouclée dans le calme par le service de sécurité, tandis que les CRS sont rassemblés rue de Sébastopol. « Chef, on fait quoi alors ? » demande alors Ioannis, un dirigeant du McDo à un membre du service de sécurité. “ Je suis pas Américain... ” se défend Ioannis en plaisantant. A l'intérieur du restaurant fermé, des clients avalent encore des hamburgers. A l'extérieur, de jeunes manifestants reprochent à de jeunes clients de manger des produits sortis des cuisines du McDo. Et quand une jeune musulmane se rend compte “ en plus ” qu'elle manifeste sur le square de l'ancienne synagogue, devant le centre commercial des Halles, elle le dit à son entourage qui commence à huer le nom du lieu, incendié et rasé en 1940 par les nazis, au début d'une autre guerre.
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Nous publions ci-après un extrait d’un second article publié sur le sujet par les Dernières Nouvelles d'Alsace, du vendredi 28 Mars 2003
Désordre et débordements
« La police est là pour vous encadrer pas pour vous exciter » explique un membre de la sécurité publique. Il voudrait un minimum d'organisation, mais il se fait huer. Pris de bougeotte, le cortège reprend sa route vers la place Broglie. La manifestation a débuté il y a juste une demi-heure. « On veut aller au consulat des Etats-Unis » crie un manifestant. Son message est suivi. Mais d'ores et déjà la manifestation s'étiole. Par grappes, des lycéens renoncent à suivre la désorganisation ; d'autres s'opposent aux nouveaux slogans, par instants antisémites. 10 h 45, les lycéens atteignent la place de la République, alors que beaucoup rebroussent chemin. « Un groupe est venu pour foutre le bordel, c'est dommage, déprime un jeune qui retourne au lycée. On m'avait dit qu'il y avait un parcours prévu et une organisation avec la police, en fait il n'y en a pas. » Le paroxysme est atteint sur le quai Koch et le pont d'Auvergne. Face à un nouveau barrage, des jeunes montent sur des voitures, les slogans se font plus virulent...et les CRS envoient les grenades lacrymogènes. Dès lors les jets de projectiles se font constant, une dizaine de voitures a même les vitres brisées, et quelques centaines de jeunes refluent vers la place de la République. Il est 11 h, entre jets de cailloux, de rétroviseurs et de tomates, les slogans deviennent « Allah Akbar » et « Bush, Sharon, Hitler, où est la différence ». « Ça n'a plus rien à voir avec une manifestation pacifiste » déplore un fonctionnaire de la sécurité publique.