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Comme chaque année, la République a commémoré, hier, la rafle du Vel' d'hiv. Les 16 et 17 juillet 1942, la police française avait raflé à Paris 12 884 Juifs. Plus de 8 000 d'entre eux avaient été parqués au vélodrome d'Hiver durant six jours avant d'être déportés vers les camps d'extermination. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux Anciens combattants, qui présidait à Paris les commémorations du 62ème anniversaire de la rafle du Vel' d'Hiv, a lancé hier un appel « à la vigilance civique et au respect de l'autre » : « Notre détermination est totale, nos volontés sont toutes mobilisées pour faire barrage à ces atteintes insupportables aux principes et aux valeurs qui fondent notre pacte républicain. » (Le Parisien, 18 juillet 2004).
Cependant, cette année, le contexte était particulier. Non seulement en raison d'une montée générale des agressions antisémites au premier semestre 2004, conduisant Jacques Chirac à lancer, le 8 juillet, au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), un appel à lutter contre toutes les formes de xénophobie. Mais, surtout, à cause de l'«affaire du RER» explique Libération (18 juillet). Dans la foule, la gêne était palpable, raconte un journaliste de 20 minutes. « C’est très regrettable, mais ce mensonge ne doit pas faire oublier les autres agressions », rappelle un spectateur. Une vieille dame se réjouit même qu’on en ait peu parlé. « Que voulez-vous en dire de plus à part que cette femme est dérangée ? » demande-t-elle. Bastien Bonnefous.
D’autres rassemblements se sont tenus en France. Une émouvante cérémonie s'est par exemple déroulée au Mans, raconte Lemans.maville.com. Devant la préfecture, Joseph Weismann s'approche du micro. Le vice-président de la communauté israélite de la Sarthe prononce un discours où l'émotion côtoie l'horreur. Silencieuse et respectueuse, une centaine de personnes l'écoute raconter la rafle du Vel d'Hiv, en juillet 1942 quand, ce jour-là, « avec une implacable détermination, le gouvernement de fait de l'État français met en oeuvre une opération destinée à éradiquer définitivement de la population de la France, les juifs ». Au premier rang, un petit garçon tient fort la main de son grand-père. « Toutes les administrations apportent leur concours, poursuit Joseph Weismann. Le thème est : il faut se débarrasser des juifs en bloc et ne pas garder de petits. » Dans l'assistance, une mère baisse la tête et entoure d'un bras rassurant l'épaule de sa fillette. Il y a 62 ans, ces adultes et ces enfants ont été envoyés, par des fonctionnaires français, en camp de concentration pour y trouver la mort. « Une attitude indigne de l'État français », a à son tour dénoncé Martin Jaeger, secrétaire général de la préfecture.
Dans son allocution, Joseph Weismann a tenu aussi à rendre hommage à cette partie de la population française « et tout spécialement sarthoise qui, par son aide courageuse, son abnégation, a permis de sauver bon nombre de juifs, surtout des enfants ». Pour Martin Jaeger, le 60e anniversaire du Débarquement rappelle les heures héroïques de ceux qui « s'engagèrent pour vaincre le joug nazi et qui, au sacrifice de leur vie, rendirent à l'Europe sa liberté et sa dignité ».
Autre lieu. Moment de recueillement et d'émotion, dimanche matin, devant le monument de la Résistance et de la Déportation, place Saint-Michel. Face aux treize porte-drapeaux, aux personnalités et à une trentaine d'anonymes, Serge Hannoun, représentant la petite communauté juive de Saint-Brieuc, psalmodie la prière des morts, en hébreu. Cette vaste rafle s'effectue pourtant « dans l'indifférence quasi générale, rappelle Serge Hannoun, comme déjà les exclusions et humiliations qui l'avaient précédée. ». Saint-Brieuc et les Côtes-du-Nord ne se tiennent pas à l'écart du mouvement de persécution raciste qui traverse la France. La ville comptait plus de 200 juifs au début de l'occupation allemande. Ils ne sont plus que 49 en avril 1942. « Dès 1940, trois médecins, un vétérinaire sont interdits d'exercer. Vingt-et-un commerces et petites entreprises sont arianisées. » Tous ces chiffres sont énumérés par Jacques Michelot, secrétaire général de la Préfecture, et dernier à s'exprimer dimanche.
Avant lui, Alain Cadec, représentant le maire, a évoqué trois douleurs : celle « des victimes de cet été 1942 », celle « d'une communauté qui se souvient aujourd'hui du martyr de ses parents, celle, enfin, « de la nation car l'État français a été complice de la folie meurtrière de l'occupant ». Une réalité que « trop longtemps nous n'avons pas regardé en face », regrette Alain Cadec, qui veut aussi rappeler « le courage de ceux qui ont dit non », les justes de France.
Avant lui, Roger Goujon, président de l'Union départementale des associations de combattants, très ému, a lui aussi insisté sur « la responsabilité de Vichy, décisive ». Serge Hannoun, en évoquant « une augmentation des actes antisémites, longtemps niée », a apporté une autre connotation à la cérémonie. « La haine du juif existe encore, » s'inquiète-t-il. Citant Charles Péguy, il prévient : « Le pire n'est pas une âme perverse, mais une âme qui s'habitue. » (saint-brieuc.maville.com, 18 juillet 2004).
Et si nous parlions de cette fresque du camp de Rivesaltes qui avaient été saccagée ?
La fresque des enfants juifs de l'ancien camp de Rivesaltes a été en partie restaurée et transportée en lieu sûr. Cette fresque, réalisée en 1941 ou 1942 pour distraire les enfants internés, avait été vandalisée il y a un mois. Recouverte de chaux, elle avait ensuite été oubliée avant d'être redécouverte en 1999. 20.000 personnes furent internées dans ce camp de transit près de Perpignan. Parmi elles, 2313 juifs furent ensuite exterminés à Auschwitz. La fresque, réalisée à l'initiative d'une infirmière suisse, Friedel Reiter, représente sur plusieurs mètres des paysages bucoliques de montagne et met en scène des personnages et des animaux.
Elle avait été vandalisée à coups de burin le 11 juin. Un acte vécu comme une « profanation » par la communauté juive et vigoureusement dénoncé par les pouvoirs publics. Après restauration, ces dessins devraient intégrer le Mémorial de l'internement, qui retracera l'histoire des populations (républicains espagnols, juifs, tziganes et harkis) internées au camp de Rivesaltes de janvier 1941 à novembre 1942. Un concours devrait être lancé à l'automne, afin de sélectionner un projet (France 2, TV5, France 3, 18 juillet 2004).
Et si nous parlions de la flambée de l’antisémitisme et des jeunes Arabes ?
Dans une interview, Didier Lapeyronnie -sociologue et professeur à l’université de Bordeaux-II- analyse la situation présente et parle de l’antisémitisme (Le Nouvel Observateur, semaine du 15 juillet 2004).
A la question de savoir si la flambée de l’antisémitisme s’explique-t-elle uniquement par les répercussions du conflit au Proche-Orient, D. Lapeyronnie répond que « l’erreur est aujourd’hui de croire que l’antisémitisme a des racines à l’extérieur, alors qu’elles sont d’abord ici et non dans le conflit israélo-palestinien. Notre société a désormais des ghettos dans lesquels règne le vide politique. Quand vous n’êtes pas entendu, que personne ne vous parle, vous n’existez pas. Vous êtes dans un vide politique et vous vous repliez sur ce vide, et non sur des communautés comme on le dit trop souvent. C’est dans ce vide que surgit l’antisémitisme. »
Et lorsque Le Nouvel Observateur explique qu’on « croit le plus souvent que ce sont de jeunes Arabes qui sont antisémites » et lui demande de confirmer si c’est ou non la réalité, D. Lapeyronnie ajoute que « cela peut arranger beaucoup de monde, mais ce n’est pas vrai. Tous les Arabes ne sont pas antisémites. Et ce ne sont pas seulement des Arabes qui le sont. Des Africains et des petits Gaulois le sont tout autant. On se focalise à juste titre sur l’antisémitisme, pourtant il n’est qu’un élément de la dégradation de la vie dans les cités. C’est un racisme plus général qui s’est développé, mais aussi la rupture de communication entre garçons et filles, l’homophobie : en matière de mariage gay, Philippe de Villiers est un gauchiste à côté de certaines personnes… »
Et si nous parlions de la Nouvelle-Zélande ?
Le gouvernement de Nouvelle-Zélande a suspendu jeudi ses relations diplomatiques de haut niveau avec l'État d'Israël, après l'arrestation et la condamnation de deux israéliens sur son territoire. La Nouvelle-Zélande entend également s'opposer à la visite du président israélien, Moshe Katsav, sur son territoire, prévue au mois d'août prochain. En vertu d'une décision annoncée par la première ministre Helen Clark, un visa sera désormais demandé aux Israéliens qui désirent entrer en Nouvelle-Zélande. De plus, toutes les relations entre les ministères des Affaires étrangères des deux pays seront interrompues. Uriel Zoshe Kelman et Eli Cara ont été arrêtés le 23 mars dernier par la police néo-zélandaise au terme d'une filature menée jusqu'au lieu où les deux israéliens devaient récupérer un passeport dont ils avaient frauduleusement fait la demande. Accusés dans les médias du pays d'être des agents du Mossad, les deux prévenus ont plaidé coupables devant les tribunaux à plusieurs chefs d'accusations dont celui de tentative frauduleuse d'obtention d'un visa néo-zélandais et celui de participation à un groupe criminel organisé en vue d'obtenir un faux passeport. Les deux Israéliens ont été condamnés à six mois de prison.
Réagissant rapidement à cette levée de boucliers des Néo-Zélandais, le ministre des Affaires étrangères d'Israël a exprimé ses regrets et s'est dit « désolé » de la prise de sanctions à l'endroit de son pays. Selon Tel-Aviv, Israël agira au plus tôt pour tenter de rétablir des relations normales avec la Nouvelle-Zélande. Le président Moshé Katzav, qui devait faire une étape le mois prochain en Nouvelle-Zélande, à l'occasion d'une visite en Australie, a pour sa part exprimé l'espoir que les choses s'éclaircissent et se règlent entre les deux pays (Radio Canada, Le Figaro, Courrier International, Tahiti Presse, 16 - 18 juillet 2004).
Marc Knobel