Tribune
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Publié le 16 Novembre 2004

La presse en folie Revue de la presse : 5 novembre-15 novembre 2004

Et si nous parlions de Yasser Arafat, lorsqu’il était encore accroché à son pouvoir ?



Il serait intéressant de rappeler la teneur de quelques articles qui avaient été publiés ces derniers mois, lorsqu’Arafat était très contesté par son peuple ou lorsque des intellectuels tançaient son autocratisme. Nous avons choisi de rappeler quatre extraits, tous significatifs.

Premier extrait.

Dans le New York Times du 18/5/2004, le roi Abdallah de Jordanie conjurait Yasser Arafat « de prendre le temps de voir si sa position aide ou non la cause palestinienne, de se regarder dans un miroir et de décider de se démettre dans l'intérêt de son peuple…. »

Deuxième extrait.

Jihad al Khazan, ancien rédacteur en chef du journal arabe paraissant à Londres, Al-Hayat et ami de longue date d'Arafat, demandait le 16/5/2004 dans une lettre ouverte dans ce même journal à Arafat de démissionner: «Pendant 37 ans, je n'ai jamais douté de ton patriotisme, et non plus aujourd'hui. Tu es pétri de la cause. Et je ne veux pas croire que Yasser Arafat puisse devenir un obstacle à la création d'un état palestinien…. Je ne m'intéresse pas à ce que peuvent dire nos ennemis. Je m'en fais pour toi et pour la cause palestinienne, qui devrait être plus importante que ton ego. Tu as fait de ton mieux pour la Palestine, mais il est temps que tu te reposes. Si tu démissionnes aujourd'hui tu partiras la tête haute. Un homme élu démocratiquement doit savoir démissionner. Des élections démocratiques sont rares au Moyen Orient et les démissions sont encore plus rares. Mon ami démissionne! Assez c'est assez. Fais-le et donnes-nous une chance; donnes une chance à la cause! »

Troisième extrait.

Bassam Eid, fondateur et directeur du Groupe de surveillance des Droits de l'Homme Palestiniens, basé à Jérusalem Est, dans Haaretz (28 janvier 2004) parle de l’Autorité palestinienne et de son Président : « Comment changer le chaos en ordre? Les Palestiniens n'ont jamais réussi à le faire. Le président Yasser Arafat a modifié les pouvoirs qui lui ont été accordés et le ministre de l'Intérieur n'est plus responsable des problèmes de sécurité, mais seulement des questions civiles. Présidé par Arafat, le Conseil National de Sécurité, ne fera aucun effort pour gérer la sécurité, ni pour limiter la corruption et les distorsions de la société palestinienne… »

Quatrième extrait.

Houda Al-Husseini, dans sa chronique du quotidien Al-Sharq Al-Awsat, édité en arabe à Londres, le 19 septembre 2003, exhorte les Etats arabes et le peuple palestinien à faire clairement comprendre au président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat qu’en s’accrochant au pouvoir, ce dernier empêche le règlement du problème palestinien : «Oui, (Arafat devrait partir), mais non en se faisant expulser, assassiner ou en subissant une autre forme d’intervention israélienne. Pourquoi Yasser Arafat doit-il laisser la place sur l’arène politique palestinienne ? Parce que la cause palestinienne n’avancera pas tant qu’il en aura le contrôle. La solution au problème dépend de facteurs internationaux, dont les principaux sont les Etats-Unis et Israël. Arafat n’est pas désiré, ni par les Etats-Unis, ni, bien évidemment, par Israël. Il a en outre perdu sa légitimité auprès des Européens, et est également critiqué dans le monde arabe. Il est vrai qu’Arafat est un symbole, mais un symbole usé qui a perdu sa gloire…. »

Et si nous parlions de la mort de Yasser Arafat ?

La presse n’en finit plus de parler de Yasser Arafat. Les portraits qui ont été dressés ces dernières semaines sont quelquefois si surprenants, qu’ils pourraient relever comme d’une forme particulière de « religiosité ». Yasser Arafat n’est pas simplement décrit comme un combattant ou un leader charismatique, mais comme un être tout bonnement exceptionnel. Le quotidien camerounais Mutations (11 novembre 2004), par exemple, nous livre un portrait tout à fait étonnant du leader palestinien : « Au spectacle de Yasser Arafat, 75 ans, «maigre et sec» comme Santiago, s'engouffrant péniblement dans le Falcon affrété par la France le 29 octobre dernier, on ne peut s'empêcher de penser au personnage du Vieil homme et la mer, de Ernest Hemingway. Le rais palestinien, qui a passé le tiers de son temps de vie terrestre entre deux avions, transportant d'un bout du monde à l'autre la cause de son peuple, a du vivre la montée à bord de l'avion français comme un golgotha.»

A l’inverse, d’autres commentateurs livrent du Raïs, un portrait au vitriol. C’est le cas de Bret Stephens dans l’éditorial paru dans le Wall Street Journal du 7 novembre 2004. Extraits : «Il va sans dire qu'Arafat a échoué dans ses plans sinistres. Les Israéliens réalisèrent tardivement que le maximum qu'ils pouvaient céder était bien en dessous du minimum qu'Arafat voulait obtenir et ils ont refusé de traiter avec lui. Pour sa part l'administration Bush fils a rompu tout soutien à cet homme et aujourd'hui on peut aussi diagnostiquer comme cause de sa mort, la rupture d'une ligne vitale, mort de soif politique. Qu'est-ce qui reste de tout cela? Peu, je le crains. Aucun de ses lieutenants ne peut enfiler son personnage, résultant d'un culte de la personnalité et non d'une vision politique. Il n'y a plus rien qui puisse unir les Palestiniens entre eux; sans lui, la loyauté à la cause va s'évaporer. Arafat avait le mérite de maintenir vivante jusqu'au bout l'illusion qu'il avait créée. Mais maintenant que le magicien n'est plus sur scène, les chimères s'évanouissent dans les limbes. »

Et si nous parlions de quelques uns de ces tyrans qui pleurent la mort de Yasser Arafat ?

L’agence Associated Press (13 novembre) révèle que l'ex-président yougoslave Slobodan Milosevic, actuellement jugé pour crimes contre l'humanité devant le tribunal pénal international, a envoyé une lettre de condoléances aux responsables palestiniens après la mort du président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat. Le groupe pro-Milosevic baptisé Sloboda (Liberté), qui aide l'ancien dirigeant à préparer sa défense devant le tribunal International de La Haye, n'a pas donné de détails sur cette lettre adressée au peuple et aux responsables palestiniens.


Enfin et toujours l’agence AP, le gouvernement cubain a rendu hommage à Yasser Arafat vendredi lors d'une cérémonie solennelle à laquelle assistaient des représentants du pouvoir, plusieurs dizaines de diplomates étrangers et des étudiants palestiniens. Si le président Fidel Castro était absent de cette cérémonie, organisée sur la place de la Révolution à La Havane, son frère Raul, numéro deux du régime, y assistait.


Le président du Parlement cubain Ricardo Alarcon a salué la mémoire du président de l'Autorité palestinienne, qu'il a décrit comme « un ami fidèle de Cuba, et particulièrement de notre commandant en chef ». M. Alarcon a ajouté que « Cuba a toujours soutenu et continuera à soutenir sans relâche la cause du peuple arabe, et notamment de la Palestine. » Il a également accusé les Etats-Unis d'être les complices d'Israël dans le « génocide » du peuple palestinien. Fidel Castro a décrété trois jours de deuil national après la mort du dirigeant palestinien.

Marc Knobel