Tribune
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Publié le 6 Juillet 2004

La presse en folie Revue de la presse fin juin - début juillet 2004

Et si nous parlions du Président du Parti des Musulmans de France ?


Selon Les Dernières Nouvelles d’Alsace (30 juin), le président du Parti des Musulmans de France (PMF), Mohamed Latrèche, a été mis en examen le 4 juin à Paris pour « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale » à la suite de propos tenus lors d'une manifestation en janvier, a-t-on appris de source judiciaire. Le parquet de Paris avait ouvert le 14 avril une information judiciaire pour enquêter sur des propos de M. Latrèche lors de la manifestation du 18 janvier à Paris contre la loi sur la laïcité. Il avait notamment déclaré que « le sionisme est une idéologie d'apartheid, nous le combattons comme nous combattons le nazisme ». « Vous avez dit, M. Chirac, que les juifs sont en France depuis 2 000 ans, croyez-vous que nous allons attendre 2 000 ans pour ouvrir notre bouche ? », avait-il encore lancé.

La Licra, le CRIF et J’accuse avaient jugé ces propos antisémites, souhaitant la dissolution du PMF.


Et si nous parlions des croix gammées qui ont été taguées dans la Rue aux Juifs ?

L’Union du 5 juillet 2004 rapporte qu’une dizaine de croix gammées ont été taguées dans la nuit de jeudi à vendredi à plusieurs endroits d'une petite commune picarde, Arquèves (Somme), près d'Amiens. Des inconnus ont tagué l'emblème nazi à la bombe aérosol noire sur plusieurs panneaux de la Rue des Juifs dans cette petite commune de 140 habitants, ainsi que sur des murets ou palissades entourant deux maisons particulières, et sur un château d'eau.
Le maire de la commune, Christophe Deloraine, ainsi que les propriétaires des deux maisons ont porté plainte.


Et si nous parlions des craintes du Shin Bet ?

L’agence Associated Press (4 juillet) rapporte que le chef de la sécurité intérieure israélienne, le Shin Bet, a mis dimanche le gouvernement en garde « contre la menace des extrémistes juifs »: selon lui, « ils se radicalisent et pourraient chercher à perturber l'évacuation prévue de colonies en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza ». Selon un responsable gouvernemental s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, Avi Dichter a expliqué qu’ils s'en étaient récemment pris à un officier de l'armée à Jérusalem, au motif qu'il avait participé au démantèlement d'une synagogue dans un avant-poste sauvage de Cisjordanie. Au Shin Bet, on reconnaît craindre surtout la menace d'assassinats. Comme en 1995, lorsque le Premier ministre Yitzhak Rabin fut tué par un juif ultranationaliste opposé à ses efforts de paix.


Et si nous parlions du centenaire de la mort de Théodore Herzl ?

L'Autriche a célébré le centenaire de la mort de Theodor Herzl, écrivain et journaliste austro-hongrois considéré comme le « père du sionisme », qui s'était éteint le 3 juillet 1904 près de Vienne. La capitale autrichienne a rebaptisé vendredi une place du centre-ville au nom de Theodor Herzl, lors d'une cérémonie sous haute protection policière, en présence de responsables de la communauté juive autrichienne et de l'ambassadeur d'Israël en Autriche. Une série de manifestations pour commémorer la mort de Theodor Herzl a été ouverte le 14 juin par un symposium à la mairie de Vienne sur l'ouvrage L'Etat juif. Des semaines culturelles juives, du 17 au 27 juin, ont passé en revue l'oeuvre littéraire de l'écrivain Herzl. (Agence France Presse, 3 juillet 2004)

A 34 ans, Herzl est depuis trois ans correspondant à Paris du quotidien Die Neue Freie Presse lorsque éclate l'Affaire Dreyfus, en 1894. C’est ce scandale d’une violence inouïe qui lui fait pour la première fois prendre entièrement conscience de l'ampleur de l'antisémitisme en Europe. Sur la base de faux témoignages, Dreyfus, jeune officier juif, est accusé d'espionnage en faveur de l'Allemagne et condamné à la déportation à vie. Le verdict est acclamé par une bonne partie de l'opinion publique alors que l’antisémitisme touche toutes les couches de la société française. Dreyfus sera finalement réhabilité en 1906.

Sous le choc de l'affaire naît chez Herzl l'idée du sionisme politique dont il deviendra peu à peu l'idéologue. En 1896, Herzl publie à Vienne un petit livre de 86 pages: L'Etat Juif. Ce sera l'oeuvre fondatrice du sionisme. Jusqu'à sa mort en 1904, à la suite d'une maladie cardiaque, à Edlach près de Vienne, Herzl développera l'idée d'une émigration organisée des juifs du monde entier vers un foyer, un Etat souverain. En 1897, il convoque le premier Congrès sioniste mondial à Bâle (Suisse): les quelque 200 délégués y décident « de poser la première pierre à une maison qui hébergera un jour la nation juive ».

Herzl est élu à Bâle premier président d'une nouvelle organisation, l’Organisation sioniste mondiale: la vision d'un Etat hébreu est née. Deux ans plus tard, en 1899, le ministre britannique responsable des colonies, Joseph Chamberlain, lui propose de fonder des colonies juives en Afrique de l'Est. Herzl n'est pas opposé à l'idée mais se rallie à la majorité des sionistes qui souhaitent que la Palestine devienne la patrie des juifs. Dès lors, le « père du sionisme » souhaitera une « coexistence à pleins droits entre juifs et arabes », estime le politologue israélien Shlomo Avineri. La « vision » de Herzl trouvera sa consécration en 1948, avec la fondation de l'Etat d'Israël.


Et si nous parlions de Madonna ?

C’est le magazine Musique Plus du 28 juin 2004 qui l’affirme : la chanteuse américaine Madonna, qui a récemment adopté le prénom hébreu Esther en raison de ses nouvelles croyances religieuses, se rendra en Israël en octobre prochain avec une centaine d’étudiants, non pas pour chanter, mais pour en apprendre davantage sur la Cabale.


La star a annulé récemment trois concerts de sa tournée « Re-Invention », qui devaient avoir lieu en Israël. Rappelons simplement qu'un journal de Londres rapportait que Madonna avait annulé son spectacle après qu'un groupe palestinien non identifié eut menacé de s'en prendre à son enfant.


En se rendant cette fois en Israël pour des raisons spirituelles, elle compte éviter les fans, les caméras et les foules. Les journaux israéliens expliquent qu’elle compte se concentrer sur ses apprentissages religieux, dans un endroit plutôt isolé.


D’ici là, Madonna poursuit sa tournée de spectacles en Amérique du Nord. La diva serait en train de préparer un documentaire par la même occasion.


Et si nous parlions de cette israélienne de 64 ans qui vient d’accoucher ?

Une femme âgée de 64 ans a donné naissance à un petit garçon en bonne santé, le dimanche 27 juin dernier, à l’hôpital Tel Hashomer de Tel Aviv, devenant ainsi, en Israël, la femme la plus âgée du monde ayant accouché selon un article du quotidien israélien Maariv.

Cette femme, qui a souhaité garder l’anonymat, suivait un traitement pour la fertilité dans un hôpital privé depuis de nombreuses années déjà. Malgré de nombreux échecs et grâce à sa persévérance et à un don d’ovules, elle a finalement réussi à tomber enceinte. La future maman avait été hospitalisée dans une unité de soins intensifs spécifiques aux femmes enceintes dès son troisième mois de grossesse. Comme le souligne un professeur israélien, « Le pique de fertilité chez les femmes se situe à l’âge de 28 ans, ensuite il commence à décliner légèrement pour s’accélérer à partir de l’âge de 32 ans. » Et d’ajouter que 40% des femmes âgées de plus de 35 n’arrivent pas à tomber enceinte. Ce chiffre s’élève à 60% à partir de 40 ans et à 90% à 45 ans. En 2003 déjà, deux femmes de plus de 60 ans avaient accouché. L’une en Italie et l’autre en Inde (Senior actu, 5 juillet 2004).


Et si nous parlions du festival d’Essaouira au Maroc ?

L'image d'une jeunesse marocaine en quête d'idéal, nullement complexée et plutôt relaxe ! On ne saurait mieux décrire ces milliers d'adolescents, d'adultes à la fraîcheur conservée, de vieux au sourire jubilatoire, d'enfants, de femmes et de jeunes filles «en fleurs», ils sillonnent sans cesse les ruelles blanchies de la ville, sous les murs blanchis, une corniche qui longe la plage comme un chemin de volupté, tant elle est propre et clean - ce n'est pas par hasard qu'Essaouira est classée sixième plage propre dans le monde -, enfin cette merveilleuse baie qui donne sur les îles et ce charme comme il en existe rarement, raconte fièrement le quotidien marocain Le Matin, du 25 juin 2004.

Tout cela c'est Essaouira, c'est aussi le festival qui, chaque année, fédère les cœurs et les âmes, concilie culture et humanisme, donne aux uns et aux autres le sentiment d'appartenir à une même communion. La matinée de samedi a été dominée par la tenue d'un colloque dont le moins que l'on puisse dire est qu'il force la singularité de la ville et du festival, ensuite qu'il est d'une actualité brûlante. « Marges et créativités » : avec à la clé un panel de conférenciers, tout aussi préoccupés d'une si rare problématique qu'ils sont engagés dans le combat quotidien de la tolérance, poursuit Le Matin.

C'est André Azoulay, président de l'Association Essaouira – Mogador qui a introduit le colloque auquel ont pris part, entre autres, MM. Mohamed Achâari, ministre de la Culture, Nabil Benabdallah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mohamed Hassad, wali de Marrakech et, au titre d'intervenants, Khadija Mohcine, universitaire, Mohamed Berdouzi, universitaire.

Le conseiller du Roi du Maroc André Azoulay, tout à sa passion pour sa ville natale, est demeuré l'un de ses lucides défenseurs : « Essaouira, dit-il, est porteuse d'un message, c'est sa force de renaître, alors qu'elle a été marginalisée des décennies durant ». Il a expliqué que malgré l'idéologie dominante de « globalisation », de mondialisation, face à « ce rouleau compresseur qu'est la pensée unique », à cette « tendance lourde » qui menace le genre humain, il convient d'installer un « seuil de résistance » et faire en sorte que la spécificité ne soit pas écrasée ni, non plus, une faiblesse mais au contraire une force. Et d'expliquer que « la marge » est aujourd'hui un concept actuel sur lequel et à partir duquel il convient de rebondir, rapporte Le Matin. André Azoulay rappelle non sans peine que la ville d'Essaouira, il y a encore quelque quinze ans, était reléguée dans un splendide isolement, une sorte de « réclusion de la cité » qui s'apparente à une aveugle ignorance à moins que ce ne soit un mépris tout court… N'allons pas aussi loin, Essaouira, dira-t-il, avait une pancarte à l'entrée de la ville : « Ville à vendre » ! Qui dit mieux, qui eût pu mieux concevoir et traduire l'état de délabrement économique et moral dans lequel elle était tombée ? Qui mieux qu'elle-même, mieux que cette ville réduite au silence coupable eût pu rebondir ensuite sur ses pattes, parce qu'une poignée de gens, volontaires du monde se sont révoltés de cet isolationnisme dans lequel on a confiné leur cité et leur mémoire ? André Azoulay a eu raison de mettre en exergue – il n'y a pas d'autre manière de le faire – cette marginalité dont Michel Foucault disait, au demeurant, qu'elle est l'état naturel des purs. Renaissance fragile, dira-t-il. L'enfant d'Essaouira, devenu plus tard le président de l'association qui porte son nom, rappellera que cette Cité des vents était aussi le terreau de l'intelligence, elle vivait en harmonie avec elle-même parce que Musulmans, Juifs et Chrétiens cohabitaient merveilleusement se félicite Le Matin. Il ajoutera pour ceux qui ne le savent pas que la communauté juive d'Essaouira a produit des hommes de grande valeur : c'est un juif originaire de cette ville qui a été le premier sénateur élu des Etats-Unis, c'est lui qui a été l'un des rédacteurs de la première Constitution américaine au moment où l'Amérique sortait des limbes en 1778.

C'est encore lui que l'Etat de Floride honore au Musée de la ville…Et de nous rappeler Edmond Amran El Maleh, grand écrivain, homme de lettres dont l'œuvre est traduite mondialement, celui dont on vient de créer une fondation à Rabat, mémoire vivante du Maroc pluriel… Ce Maroc métissé, conclut Le Matin, riche et tolérant, c'est celui de tous les temps, d'autrefois comme d'aujourd'hui. Il se perpétue au travers d'un héritage, d'une tradition qui résiste au temps. Qu'elle s'appelle histoire et chronique, elle participe de la même marginalité dont parlera Mohamed Achâari, qui a retracé en une analyse comparée le parcours du marginal Mohamed Choukry ou Khadija Mohcine qui, elle, a fait de l'écriture féminine un champ de marginalité discursive ou encore mieux, Himmich qui, en guise de conclusion à son exposé, dira que la « citoyenneté trouve sa source à Essaouira ». Evidemment la citoyenneté du monde, l'universalisme et la fraternité, le respect de l'Autre….


Et si nous parlions du… MRAP ?

Lu sur le site Internet du MRAP, ce commentaire réalisé à l’occasion de la conférence de l’OSCE sur le racisme sur Internet qui s’est tenue à Paris les 16 et 17 juin 2004 : « Un atelier était animé par le CRIF et le Centre Européen Juif d’Information ; événement important car le document présenté était accablant et inquiétant. Il faut savoir en effet que le haut débit va supprimer les frontières entre Internet et télévision, et la logique de lutte contre les contenus racistes se posera de plus en plus en des termes identiques sur ces deux médias.

Ce document du CRIF traitait de l ‘antisémitisme sur les médias arabes, tel que véhiculé par la télévision égyptienne dans le feuilleton « cavalier sans monture » et par la chaîne Al Manar liée au Hezbollah libanais. « Diaspora nous montre ainsi un vieillard « un Rothschild » « expliquant à ses proches que Dieu a commandé aux juifs de diriger le monde par tous les moyens, allant du meurtre, au sexe en passant par la politique ».

Dans cette même émission on voit des religieux juifs qui recueillent le sang de leurs victimes pour fabriquer du pain azyme. Une télé iranienne tente de démontrer la mainmise des juifs sur le cinéma, et l’on voit alors défiler tous les acteurs américains juifs ou supposés l’être, ainsi Barbara Streisand est présentée comme la juive à l’origine du féminisme décadent etc.etc. Sans compter (Ariel) Sharon qui dans une pseudo émission humoristique collecte le sang des enfants (arabes) pour faire une boisson dra-cola ». Et enfin ces scènes horribles où des juifs font boire de l’huile bouillante à leurs victimes, coupent nez, oreilles pour finir par les égorger. Ces émissions sont diffusées auprès de centaines de milliers de téléspectateurs et par le satellite qui arrivent dans notre pays. Ces émissions sont des ignominies qu’aucun argument, aucune cause, ne peuvent justifier et qui doivent être connues et combattues.

Ce document (présenté par le CRIF) nous fait replonger 60 ans en arrière et peut-être plus loin encore vers l’antisémitisme du VIIIème siècle. Les organisateurs demandaient que l’ensemble des satellites européens refusent de conventionner et donc de relayer les chaînes qui diffusent de tels programmes, c’est une demande à laquelle le MRAP ne peut que s’associer. »


Dont acte.


Marc Knobel