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Quatre reportages entrecoupés par trois débats entre le Français Gérard CHALIAND, l’Allemand Peter SCHOLL LATOUR ,l’Américain Andrew DENISON et la présentatrice Alexandra GERLASH. Le premier reportage, très lyrique, de Peter SCHOLL LATOUR évoque l’Irak d’avant la guerre. A noter ce rappel des liens anciens entre l’Allemagne et la Mésopotamie, en particulier l’alliance avec l’Empire Ottoman contre l’Angleterre au cours de la première guerre mondiale (curieusement la deuxième guerre mondiale est oubliée). Le reportage se termine sur ce commentaire plaqué sur un concert de musique classique : « la dérive du pays vers un avenir islamiste s’annonçait aux accents de la symphonie Jupiter ».
Le deuxième reportage, de Stéphane HALLMAN, sur le Kurdistan est bien plus poignant. Il parle de Al Habjar, emblème de la guerre d’extermination au Napalm et à l’arme chimique » dans laquelle 5000 personnes ont été tuées sur le coup, 7000 autres plus tard de leurs séquelles et 8000 luttent encore contre la mort. Il montre la nouvelle boucherie perpétrée dans l’indifférence générale par les extrémistes de Ansar al Islam aidés par l’Iran qui traitent l’adversaire de manière infamante « car ce sont des actes qui plaisent à Dieu » et le risque d’invasion de la Turquie qui ne veut pas d’un Etat Kurde à ses portes.
Le troisième reportage présente les Chiites qui voudraient une république islamiste et espèrent reprendre les villes saintes de Karbala et Nedja. Le quatrième reportage sur la Jordanie donne une impression de très grande violence. « L’Irak et nous c’est la même chose » dit un manifestant. Le commentaire poursuit : « plus d’un habitant sur deux est Palestinien, la plupart vivent dans des camps », et nous explique « la Jordanie recevait l’aide de l’Irak ». Des manifestants poursuivent : « La Jordanie est prise entre Israël qui veut expulser les Palestiniens en Jordanie et les Etats Unis qui veulent y expulser tous les Irakiens qui ne leur plaisent pas ». Le journaliste conclut : « Et si la liberté venait de la France et de tous ceux qui rejettent la guerre ? ».
On ne dira rien du premier débat. Le deuxième, qui suit le reportage sur les Chiites s’achève sur ces mots de Gérard CHALIAND : « Les Américains peuvent être perçus comme libérateurs par les Irakiens, mais ils sont perçus comme des agresseurs dans le reste du monde arabe et musulman car il y a deux poids, deux mesures dans le problème palestinien. C’est à dire que le laisser-faire de la politique du Likoud en Cisjordanie pèse contre les Etats-Unis dans cette région ».
Le troisième débat suit la projection sur la Jordanie. C’est le plus « instructif » :
Alexandra GERLASH à Andrew DENISON : « Si on regarde la Jordanie, Israël où les Palestiniens essaient de coexister avec les Israéliens, tout cela répond à une volonté politique. Est-ce que la disparition de Saddam Hussein sera utile tant qu’il existe un problème palestinien ? »
Andrew DENISON : « Clinton pensait qu’il fallait d’abord investir sur le problème israélo-palestinien. Il s’est beaucoup investi là-dedans, mais n’a pas véritablement abouti. L’hypothèse du gouvernement actuel est qu’un Irak en voie de démocratisation, qui ne représenterait plus une menace militaire pour ses voisins aurait un effet stabilisateur sur la Jordanie et a fortiori Israël ne percevrait plus la menace irakienne et de ce fait serait davantage prêt à négocier avec les Palestinien, car c’est Saddam Hussein qui a donné beaucoup d’argent aux Palestiniens, aux attentats suicides, mais toute la rhétorique de Saddam Hussein est sous-tendue sur le fait que l’Irak, hyperpuissance arabe va enfin expulser Israël des territoires palestiniens et tant que les extrémistes palestiniens auront l’espoir d’être soutenus par des puissances comme Saddam, ils ne seront pas décidés à transiger ».
A.G. : Mais le terrorisme existait avant Saddam, n’aurait-il pas fallu prendre le problème par l’autre bout ?
A.D. : Les Etats Unis ne sont pas aussi durs que certains Européens le voudraient vis-à-vis d’Israël, mais il faut tout de même rappeler que les Israéliens trouvent que les EU sont hyperdurs par rapport à Israël. D’autre part, les EU ne sont pas disposés à laisser entendre qu’Israël n’aurait pas un droit à l’existence. Les EU ne vont pas laisser Israël sans défense contre les attentats et contre les menaces de pays comme la Syrie ; et rares sont les pays arabes qui ont reconnu le droit d’Israël à l’existence, ce qui pose problème au niveau de la région. (…)
Gérard CHALIAND : (…) Si les terroristes s’en étaient pris aux colons, c’était « mal » mais cohérent et ils auraient pu susciter un parti de la paix dans l’opinion israélienne ; mais ils ont choisi de frapper dans l’Israël des frontières de 1948 et 1967. (…) C’est une politique absurde. Le crétinisme politique du Hamas et du Jihad sert le Likoud (…) ».
La réponse à cette assertion qui reflète bien l’hypothèse - très en vogue parmi les intellectuels et les médias français – qu’il n’y aurait de but politique réfléchi qu’en Israël, alors que les Palestiniens seraient dans une situation de réaction, et qui plus est de réaction stupide, est donnée sur le plateau de « Ripostes », par Jean GUISNEL du Point : parlant de la guerre en Irak, il signale que « depuis l’attentat-suicide contre des soldats américains, ceux-ci évitent les rapports avec la population ». Car c’est bien le but recherché ; viser en particulier des lieux où cohabitent arabes et juifs, c’est dire clairement : « nous ne voulons pas de la cohabitation ».
Outre Jean GUISNEL se trouvent sur le plateau : Agnès LEVALLOIS, journaliste et écrivain, Issa el AYOUBI, Koweïtien, du journal Al Watan, Farad KHOSROKHANAL, sociologue iranien et Saad SALMAN cinéaste et opposant irakien.
Le débat commence avec Issa el AYOUBI - dont on a déjà cité les arguments anti-israéliens. Il accuse les Américains de « vouloir prolonger la guerre pour trouver des débouchés à leur armement ». Tous les autres lui rétorquent que l’argument est stupide : d’une part la guerre coûte cher, d’autre part Bush a des échéances électorales.
Saad SALMAN se dit révolté par la propagande pro-Saddam relayée avec complaisance par les médias français, ainsi se demande-t-il pourquoi on ne voit pas ici les images de population pactisant avec les soldats. Il parle aussi d’informations qu’il aurait eu sur des exécutions journalières d’opposants. Il pose la question : « Que feront les américains que n’a pas fait Saddam ? ». A l’argument de EL AYOUBI sur la perte de légitimité des Américains du fait de leur soutien à Israël, il rétorque : « « aucun régime arabe n’a de légitimité, il n’y a pas de société civile ».
Serge MOATI repousse vertement les attaques de Issa el Ayoubi (« je n’ai pas invité de contradicteur israélien »). Mais la question israélo-palestinienne rebondit avec Mme LEVALLOIS qui parle de « Deux ans de dégradation dans les territoires palestiniens, d’exaspération et de frustration dans les pays arabes en raison du non règlement du conflit israélo-Palestinien ». C’est cette fois, contre toute attente, l’Iranien qui répond : « il y a bien sûr une blessure symbolique liée à Israël, mais tout ne vient pas d’Israël. Il faut aussi parler de l’absence de démocratie dans les pays arabes. Celle-ci est en partie liée à l’hégémonie occidentale, mais aussi à l’archaïsme de ces pays.
Après une discussion sur l’opinion publique dans les pays arabes, c’est cette fois Serge MOATI qui réintroduit la question israélo-palestinienne en signalant l’attentat de Netanya et en reprenant les informations de 50 alertes journalières.
Selon Agnès LEVALLOIS, « Les Palestiniens sont exaspérés car ils ont le sentiment d’être passés par pertes et profits. Aujourd’hui Sharon a les mains libres et il y a tous les jours des morts palestiniens » ; « et israéliens » répond Serge Moati …
« Si il n’y avait pas Ben Laden et Saddam, est-ce que les Israéliens auraient voté Sharon ? Si demain il n’y avait plus de menace kamikaze avec l’argent de l’Irak, ils n’auraient pas voté Sharon », réplique Saad Salman, reprenant les arguments de Denison cités plus haut.
Pour Farad Khosrokhanal, « les relations entre le conflit irakien et le conflit israélo-Palestinien ne sont pas dans les faits mais au niveau symbolique ».
Sur l’antisémitisme en France, Jean GUISNEL affirme que « la situation s’est calmée. Les responsables des communautés remplissent leur rôle. Mais si les choses dérapent se sera très grave ». A nouveau Saad SALMAN répond : « Quand on voit les bombardements à la télévision, on ne voit pas où elles tombent, mais on voit en gros plan sur l’écran une Mosquée qui apparaît alors comme la cible des bombes. C’est ça qui excite ». Quant à AYOUBI, il ne voit dans tout ce débat sur l’antisémitisme qu’une « affaire de médias, alors qu’il n’y a rien sur le terrain ». A quoi Agnès LEVALLOIS répond : « nous devrions tous éviter dans nos débats les dérapages dangereux ».
Quoiqu’il en soit, deux reportages qui se répondent, diffusés sur TF1 dimanche 30, semblent donner raison aux propos d’Andrew Denison. D’abord dans le « 7 à 8 », l’enterrement des victimes des bombardements américains en Irak que le commentateur décrit ainsi : « Comme à Gaza, les cercueils des martyrs sont portés à bout de bras. Saddam veut ériger en martyrs les morts du marché » et au 20 heures, dans les camps palestiniens où une fillette récite complaisamment un poème rempli d’appels au martyr, le journaliste commente : « pas de doute, la relève de la haine est assurée », ajoutant « Ils pensent que Saddam fait relever la tête aux arabes et qu’après sa victoire ce sera le tour des Palestiniens ». Tout aussi effrayant le reportage sur le « financement du bureau d’embauche des Kamikazes » proposé le même jour par Karl ZERO dans le « Vrai Journal » de Canal +. Voici donc établi par Saddam Hussein le prix d’une vie de Palestinien et d’Israélien. Et le moins monstrueux n’est pas le discours de cette mère : « si je perds un enfant, je peux en refaire dix autres ». Chaque femme dit le journaliste « espère que son fils ou son mari tombera en martyr ». On apprend ainsi que 12 millions de dollars, échappant au programme « pétrole contre nourriture » auraient ainsi été distribués à Gaza.