Tribune
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Publié le 18 Mai 2010

La visite de la fanfare

Je n’avais jamais vu ce film et ce fut une surprise. La visite de la fanfare » est une jolie comédie dramatique israélo-française d’Eran Kolirin (2007), avec Sasson Gabai, Ronit Elkabetz, Saleh Bakri, Khalifa Natour. L’histoire ? Une fanfare égyptienne se retrouve perdue au milieu du Néguev, devant quelques bâtisses d’une incroyable laideur, un petit snack au centre de ce nulle part et des gens qui s’ennuient, désespérément seuls. Un cauchemar en béton à l’israélienne.

Les musiciens égyptiens portent de beaux costumes et appréhendent de se trouver en Israël. Lorsque l’un des leurs est chargé de réserver des billets de bus parce qu’il parle mieux l’anglais que les autres -le guichet se trouvant à trois mètres de là- ses compagnons de fortune lui demandent de faire attention, comme s’il pourrait lui arriver je ne sais quel malheur. Mais le musicien en question, beau dragueur, n’a d’yeux que pour la guichetière. C’est sûrement pour cela, qu’il confond les destinations et demandent des billets pour Beth Hatikva plutôt que pour Petah Tiqwa.

Dans le bus, tout le monde se tait, puis les musiciens se retrouvent dans cette incroyable laideur. Ils se dirigent vers le seul endroit vivable du coin, un petit snack. Là, ils demandent à une très belle femme, de leur indiquer la direction du centre culturel arabe. Mais, très vite, ils se rendent compte de leur méprise. Le bus ne passera que le lendemain et il leur faudra attendre toute une nuit. La femme leur offre alors l’hospitalité. Le chef de la fanfare, un homme discret, réservé et timide et le jeune dragueur se retrouvent chez elle. Les autres musiciens sont dispatchés dans d’autres lieux.

La jeune Israélienne s’est habituée au silence, il n’y a rien à faire ici et elle porte le deuil de sa maternité, de sa jeunesse, de sa féminité. Mais, elle veut encore croire, croire qu’elle peut attiser le regard des hommes et elle se lie d’amitié avec le vieil homme qui, au bout d’un certain temps, lui racontera sa vie. Il avait un fils sensible, qu’il ne comprenait pas. Un fils qui se suicidera, sa femme en mourra. Et lui, se réfugie dans quelques notes de musique. Il se dégage de cette relation, une grande tendresse et une grande simplicité. Deux cultures s’affrontent, se cherchent, se toisent, se parlent, s’ignorent, se découvrent, se sentent et se ressentent. Mais, c’est avec l’autre homme, qu’elle connaîtra une nuit d’amour.

D’autres musiciens égyptiens sont invités dans une famille israélienne. A table, l’atmosphère est lourde, le silence prime. Les gens se toisent, très gênés et lorsque l’un d’entre eux fait tomber sa fourchette, tout le monde regarde par terre. Pour casser ce silence, il faudra quelques notes de musique et que les uns et les autres se mettent à chanter. La musique comme universalité. Le lendemain la troupe égyptienne repartira. Dernière image, les hommes rassemblés qui saluent de la main l’Israélienne qui leur a ouvert son cœur.

Il fallait être fort pour réaliser un tel film, puisque ce film sonde le silence, la solitude, la désespérance, la tristesse, l’incompréhension et le choc des cultures. Seule note d’espoir, lorsque les hommes apprennent à se comprendre, à s’entendre, à se regarder, à se toucher du cœur, on entend battre le cœur des uns et le cœur des autres, qu’ils fussent Israéliens ou Egyptiens, juifs ou arabes.

Une belle leçon d’humanité.

Marc Knobel

Photo : D.R.