Tribune
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Publié le 28 Octobre 2005

Le Concile de Vatican II et « Nostra Aetate ». Rappel historique

Le pape Benoît XVI a célébré jeudi 27 octobre 2005 le 40e anniversaire de la déclaration « Nostra Aetate » qui avait marqué l'ouverture du dialogue avec toutes les religions, en particulier le judaïsme. Il a appelé catholiques et juifs à approfondir leurs liens et oeuvrer pour le bien de toute l'humanité. Un message de Benoît XVI a été lu lors de la commémoration de la déclaration « Nostra Aetate », document adopté lors du concile Vatican II en 1965. Le pape Benoît XVI a salué ce document, estimant « qu’en cet anniversaire, (...) nous avons besoin de renouveler notre engagement à accomplir le travail qui reste encore à mener. "Le dialogue juif-chrétien doit continuer à enrichir et à approfondir les liens d'amitié qui se sont développés » a-t-il ajouté.




Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), représentant la plus importante communauté juive d'Europe occidentale, est également venu au Vatican célébrer « l'ère nouvelle de sérénité » ouverte par « Nostra Aetate », succédant à « vingt siècles de persécutions ».


A la lumière des événements de notre temps, en particulier de la Shoah et de la disparition de millions de Juifs, l'Eglise, réfléchissant, au Concile Vatican II (1962-1965), sur son origine et sur sa mission, a redécouverte ses racines dans la révélation de Dieu à Israël. « L'Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L'Église se fait parole; l'Église se fait message; l'Église se fait conversation ». C'est par ces paroles de l'encyclique « Ecclesiam Suam », du 6 août 1964, que s'ouvrait officiellement pour l'Église catholique, le cheminement du dialogue, y compris celui du dialogue avec les religions non chrétiennes. L’année suivante, se tient à Rome, le Concile Vatican II, voulu par le pape Jean XXIII, se tient à Rome et le 28 octobre 1965 est publié La Déclaration conciliaire sur les relations de l'Église avec les religions non chrétiennes. Cette démarche, qui paraissait au préalable modeste, allait pourtant rencontrer d’incroyables résistances. En premier lieu, il n’a pas été possible de faire un texte indépendant sur le judaïsme; il a fallu en fin de compte le rattacher à un texte général sur les religions. Et, une violente campagne de presse dans les pays arabes et les menées du Coetus internationalis (organe de pression intégriste) provoquèrent des modifications relativement importantes, pour affaiblir le texte.


Malgré tout, les innovations du texte étaient là. La Déclaration « Nostra Aetate » part du constat que les relations entre les divers peuples augmentent. L'Eglise doit donc examiner plus attentivement « quelles sont ses relations avec les religions non chrétiennes. » L’Eglise convient également que, « les autres religions qu'on trouve de par le monde s'efforcent d'aller au-devant, de façons diverses, de l'inquiétude du coeur humain en proposant des voies, c'est-à-dire des doctrines, des règles de vie et des rites sacrés. » Le texte ajoute aussitôt que l’Eglise ne « rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions » et qu’elle « considère avec un respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu'elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu'elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la Vérité qui illumine tous les hommes.» « Nostra Aetate » rend hommage aux religions hindouistes, bouddhistes et musulmanes.


Le paragraphe 4, commençant par les mots « Nostra Aetate », concerne la religion juive et malgré ses évidentes faiblesses, le texte a une importance immense, car il marque la première réaction officielle et autorisée de l'Église catholique. Vatican II veut encourager et recommander entre Juifs et Chrétiens la connaissance et l'estime mutuelles, qui naîtront surtout d'études bibliques et théologiques, ainsi que d'un dialogue fraternel. Une nouvelle période s'ouvre donc.


Scrutant le mystère de l’Église, le Concile se souvient du lien qui unit spirituellement le peuple du Nouveau Testament à la descendance d’Abraham. En effet, l’Église reconnaît que l’origine de sa foi et de son élection se trouve, selon le dessein de salut de Dieu, chez les Patriarches, Moïse et les Prophètes. Elle affirme que tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la foi (Épître aux Galates 3, 7), sont inclus dans la vocation de ce patriarche et que le salut de l’Église est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple hors de la terre de servitude. L’Église ne peut oublier qu’elle a reçu la révélation de l’Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans son ineffable miséricorde, a daigné conclure « l’Antique Alliance », et qu’elle se nourrit de l’olivier franc sur lequel sont greffés les rameaux de l’olivier sauvage, que sont les nations (Épître aux Romains 11, 17-24).


Par conséquent, le Concile recommande connaissance et estime mutuelles. Pour la première fois dans l’histoire. « Du fait d'un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le Concile veut encourager et recommander entre eux la connaissance et l'estime mutuelles, qui naîtront surtout d'études bibliques et théologiques, ainsi que d'un dialogue fraternel. » Il était souligné que ce qui a été commis durant la passion du Christ « ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps » et que « les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Ecriture. » En outre, le texte proclamait que « l'Eglise qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu'ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu'elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l'Evangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d'antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs ».


Le 15 février 1985, Jean-Paul II dira aux représentants de l’American Jewish Committee « Je souhaite confirmer avec la plus extrême conviction que l’enseignement de l'Église proclamé durant le concile Vatican II par la déclaration Nostra Ætate […] demeure toujours pour nous, pour l’Église catholique, pour l’épiscopat et pour le pape, un enseignement qui doit être suivi, un enseignement qu’il est nécessaire d’accepter, non seulement comme une chose convenable mais beaucoup plus comme une expression de la foi, comme une inspiration de l’Esprit Saint, comme une parole de la sagesse divine » (Documentation Catholique N° 1893, 1985).


Marc Knobel


Sources :


http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_decl_19651028_nostra-aetate_fr.html

http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_decl_19651028_nostra-aetate_en.htm

http://www.ebior.org/Encyc/Juif-Chretien/MYSTERE2-Eglise.htm

http://www.stjosef.at/konzil/NA.htm

http://www.jcrelations.net/fr/?id=2557

http://www.christusrex.org/www1/CDHN/v29.html

http://www.franciscanos.cl/modules.php?name=News&file=article&sid=153