En réponse à la tribune parue dans Le Monde du 14 juin 2011 et signée par plusieurs personnalités éminentes appelant l’Etat d’Israël à négocier avec le Hamas, je souhaiterais rappeler quelques évidences, à commencer par la véritable nature du mouvement islamiste et ses objectifs réels concernant l’Etat hébreu. La grande majorité de la presse internationale présente le Hamas comme un mouvement de “résistance”. Or, ce dernier ne “résiste” pas, il terrorise. Il exploite, à des fins idéologiques et populistes, une aspiration légitime du peuple palestinien à bénéficier de son propre Etat. Il exploite également un ressentiment tout à fait compréhensible pour galvaniser les passions antisémites les plus détestables. Car, il faut bien savoir que dans la casuistique islamiste, Israël est combattu non point parce qu’il est israélien, mais parce qu’il est juif.
Le combat que le Hamas mène contre Israël ne relève donc pas de la “résistance”, ni même de la politique mais du messianisme antijuif. En d’autres termes, le Hamas utilise une cause nationale pour légitimer un combat qui s’inscrit autant qu’il s’enracine dans une idéologie théocratique et totalitaire. Un combat qui s’intègre dans une vaste mouvance internationale, dont la finalité n’est autre que la transformation de l’ensemble des pays musulmans en théocraties islamistes. Il s’agit d’une Internationale intégriste qui entend constituer une force de frappe politico-militaire pour rayer Israël de la carte du monde et combattre les démocraties occidentales. Des objectifs explicitement contenus dans la doctrine salafiste qui est celle des “Frères musulmans” et donc également, du Hamas.
“Planter l’étendard de Dieu sur toute la Palestine”
Pour s’en convaincre, il suffit de lire les documents fondateurs de la secte égyptienne, textuellement repris dans la charte du mouvement islamiste palestinien : “Le Hamas oeuvre à planter l’étendard de Dieu sur toute la Palestine” (article 6). Et quand le Hamas dit “toute la Palestine”, il faut prendre l’expression au pied de la lettre. Il s’agit bel et bien de nier le droit à l’existence de l’Etat d’Israël, que ce soit dans les frontières actuelles, celles de 1967 ou même celles de 1948. Du reste, l’article 11 précise bien que toute la Palestine “est une terre islamique” et qu’il est “illicite d’y renoncer tout ou en partie”. Pour le Hamas, libérer la Palestine ne peut se faire que par la voie du Djihad, de la violence (article 8). Dès lors, “les initiatives, les prétendues solutions de paix et les conférences internationales vont à l’encontre de la profession de foi du Mouvement de la Résistance islamique...” (article 13). Force est de constater que dans certaines chancelleries européennes, beaucoup pensent que le Hamas pourrait, sans une remise en cause fondamentale de ce qu’il est, de sa nature profonde, être un partenaire crédible dans une quelconque négociation de paix.
Faut-il rappeler que le Hamas a été reconnu comme une organisation terroriste par les Etats-Unis, l’Union européenne et le Canada ? Apparemment, il importe peu pour certaines “colombes” que le Hamas soit un mouvement viscéralement antisémite. L’article 7 de la même charte est pourtant sans ambiguïté aucune : “L’heure ne viendra pas avant que les Musulmans n’aient combattu les Juifs, avant que les Juifs ne se fussent cachés derrière les pierres et que les arbres et les pierres eussent dit : ‘Musulman, serviteur de Dieu ! un Juif se cache derrière moi. Viens et tue-le’.” Grâce à l’argent, les Juifs : “règnent sur les médias mondiaux, les agences d’information, les maisons d’édition, les radios, etc. Ils ont créé des organisations secrètes qui étendent leur présence dans toutes les parties du monde pour détruire les sociétés et réaliser ainsi les intérêts du sionisme. Ce sont eux qui étaient derrière la Première Guerre mondiale ainsi que la Seconde, qui leur a permis d’amasser d’énormes profits grâce au commerce du matériel de guerre... Qu’une guerre éclate, et c’est leur main qui se trouve derrière...” (article 22). Cette littérature nauséabonde ne figure pas seulement dans la charte du Hamas, mais également dans les manuels scolaires qui préparent les générations futures à vivre en paix avec leurs voisins israéliens.
Les cibles du Hamas : des civils
Les dirigeants du Hamas ne se contentent pas de parler, ils agissent. A partir de 1994, les actions armées du Hamas se font de plus en plus violentes et sanglantes : le 6 avril 1994, l’attaque d’un bus à Afoula (en Galilée) fait huit morts. Cinq jours plus tard, une attaque semblable à Hadera (non loin de Haïfa) fera cinq autres victimes. Le 19 octobre de la même année, un attentat-suicide fait 22 morts à bord de l’autobus n°5 à Dizengoff, dans le centre de Tel-Aviv. Entre 1995 et 2004, une trentaine d’attentats massifs revendiqués par le Hamas font plusieurs centaines de morts et plus de 2 000 blessés dans la population israélienne. Le Hamas n’aura quasiment jamais ciblé d’objectifs militaires, uniquement des civils. Enfin, concernant cette “unité palestinienne” de pure forme, il faut préciser, là aussi, que la prise du pouvoir par le Hamas à Gaza en juin 2007 s’est soldée par des centaines de morts, dans une guerre fratricide entre l’Autorité palestinienne et le Mouvement islamiste. Les règlements de compte entre “frères palestiniens” ont ensanglanté la bande de Gaza durant tout l’été 2007. Au point que Mahmoud Abbas, lui-même, n’est pas retourné à Gaza depuis la prise du pouvoir par le Hamas (...)
Depuis, ce dernier s’est fortement rapproché de l’Iran dont le soutien et le financement se sont substitués à ceux des pays qui le soutenaient jusque-là (Arabie Saoudite, Jordanie). L’argent versé par Téhéran ne servira jamais à améliorer le quotidien de la population gazaouie, mais a permis d’acheter des armes via les centaines de tunnels qui relient l’Egypte à la bande de Gaza. Alors qu’elle “déplore” les attentats commis contre des Israéliens, la communauté internationale “condamne”, de la façon la plus ferme, les ripostes “disproportionnées” de l’armée israélienne contre le mouvement islamiste et les civils palestiniens, devenus des victimes collatérales. Oui, la création d’un Etat palestinien est une nécessité et les différents gouvernements israéliens portent certainement une part de responsabilité dans le blocage du processus de paix. Néanmoins, l’accord de paix ne se fera qu’avec l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas ou de son successeur désigné, Salam Fayyad.
Quant à la récente “unité palestinienne”, elle a déjà du plomb dans l’aile puisque l’un des principaux responsables du Hamas, Mahmoud Zahar, vient de déclarer que les efforts pour aboutir à un gouvernement d’unité étaient au point mort (...), ajoutant que le mouvement islamiste n’accepterait pas la nomination de Salam Fayyad comme Premier ministre.
On sait depuis le “printemps arabe” que la tendance générale est à l’islamisme “modéré”. Sauf que le Hamas n’est pas l’AKP (...) Mais, on ne doit pas oublier que ce printemps a vu le jour grâce à la mobilisation d’une jeunesse éduquée et pacifique et non grâce aux “kamikazes” et aux roquettes envoyées sur des écoles et autres habitations.
Les Palestiniens attendent leur “révolution du jasmin” et ce n’est sûrement pas avec les fanatiques du Hamas qu’ils vont humer son parfum !
Seuls les dirigeants de l’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien devront trouver une issue honorable et pérenne pour les deux parties.
(Article publié dans le Jérusalem Post Edition Française du 5 juillet 2011. L’auteur est un journaliste indépendant basé à Bruxelles)
Photo : D.R.