Comment les Chrétiens d’Algérie célèbrent-ils Noël ? A Oran, les Chrétiens ont inauguré la basilique Notre-Dame d'Afrique et la cathédrale plus discrète, qui viennent d’être magnifiquement restaurés. Ici même, l’évêque d’Oran, Pierre Claverie, a été assassiné, ainsi que son chauffeur, un jeune algérien musulman, le 1er août 1996 : une bombe a détruit l'entrée de l'évêché au moment où il y entrait, peu avant minuit. Quelques jours auparavant, les moines de Tibhirine ont été assassinés le 26 mai 1996.
Aujourd’hui donc, les Chrétiens d’Algérie célèbrent la naissance du Christ dans une sorte de délivrance, après l’avoir longtemps fêtée dans la clandestinité. Cependant, depuis plusieurs années, procès, persécutions et discriminations en tout genre se multiplient contre les chrétiens en Algérie, où l’islam est religion d’Etat (1). Depuis l’ordonnance de mars 2006 régissant la pratique des cultes non-musulmans en Algérie, les " petits " tracas se multiplient pour les membres des Églises chrétiennes locales : refus de renouveler des visas de religieux ou de laïcs missionnaires et exhortations à quitter le pays, fermeture de lieux de culte, arrestation de dangereux criminels transportant… des Bibles ou des livres de formation théologique, condamnations judiciaires pour cause de prière " non-autorisée " ou de célébrations " clandestines ", articles de presse dénonçant les " campagnes d’évangélisation " massives qui seraient en cours afin de déstabiliser le pays, condamnation de chrétiens convertis…
Comment les Chrétiens de Malaisie ou du Pakistan célèbrent-ils Noël ? En Malaisie, les chrétiens n’ont plus le droit d’utiliser le nom « Allah » pour désigner Dieu dans leurs publications, une coutume pourtant vieille de plusieurs siècles. Au Pakistan, dernièrement, trois hommes ont été condamnés à la prison pour blasphème, un autre a été brûlé vif devant un commissariat, sans que les policiers n’interviennent. En novembre, La justice pakistanaise a condamné à la peine capitale par pendaison une chrétienne coupable de blasphème
Comment les Coptes célèbrent-ils Noël ? Le mot copte est une déformation du grec aigúptios : égyptien. Les coptes sont les descendants des anciens Égyptiens du temps des pharaons - dont ils ont conservé en partie la langue - et considèrent qu’ils sont donc les « vrais Égyptiens ». Pourtant, ils se sentent parfois étrangers dans leur propre pays et ils sont en butte à des discriminations.
Lors des réunions du Synode sur les Chrétiens d’Orient (2) le patriarche copte d’Alexandrie, Antonios Naguib, a déclaré que les attaques contre les chrétiens étaient à la hausse en raison de l’intégrisme croissant dans la région. «Depuis 1970, nous avons assisté à la montée de l’islam politique dans la région, composée de beaucoup de différents courants religieux, qui a affecté les chrétiens, en particulier dans le monde arabe», a déclaré Naguib. «Ils veulent nous imposer un mode de vie islamique, en utilisant des méthodes violentes. Nous devons nous relever ensemble. Nous devons tenir.»
En décembre 2010, dans le Rapport sur les libertés religieuses dans le monde publié chaque année par le Département d'état américain, il est mis en exergue, en particulier, l’interdiction légale pour les Coptes de construire de nouvelles églises et de réparer celles déjà existantes. Le rapport fait état également de l’inégalité de traitement des victimes coptes et de leurs agresseurs musulmans devant les tribunaux. La loi étant basée sur la charia, conformément à la constitution, le musulman qui se convertit au christianisme est harcelé et sa vie menacée.
Bref, c'est au Proche-Orient, là même où le christianisme a pris naissance, que la situation est la plus grave. Et, il n'y a pas de doute qu'étant une minorité qui ne dépasse pas les 14 millions d’habitants environ dont 5 millions de Catholiques - alors que la très grande majorité est de religion musulmane – l’existence des Chrétiens dépend de l'approbation de cette majorité musulmane, surtout parce que l'islam se conçoit comme Etat et religion (3). les Chrétiens d’Orient subissent donc des vexations, des discriminations et l’oppression est grande. Ils n’ont alors plus qu’un seul recours : partir.
Pour Noël, nous pensons à ces Chrétiens persécutés à qui nous adressons nos meilleurs vœux et à qui nous voulons délivrer un message de sympathie et de respect.
Notes :
1) Si l’article un de la Constitution algérienne de 1963 précise que « l’Algérie est un Etat démocratique et populaire », son article quatre stipule : « l’islam est la religion de l’Etat », tout en précisant : « La République garantit à chacun le respect de ses opinions et de ses croyances, et le libre exercice des cultes. » En 1976, une nouvelle Constitution garantit « la liberté de conscience et d’opinion ». Mais rien de vraiment précis sur la liberté de culte, ni dans la troisième Constitution du 23 février 1989.
En revanche, l’ordonnance du 15 février 2006, signée du président Abdelaziz Bouteflika, fixe « les conditions d’exercice des cultes autres que musulman ». Elle prévoit : « Une peine de deux à cinq ans de prison ferme et une amende de 50 à 100 millions de centimes (en dinars) sont réservées à quiconque incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion… ou fabrique, entrepose ou distribue des documents imprimés ou métrages audiovisuels ou tout autre support ou moyen qui visent à ébranler la foi d’un musulman. »
2) Dimanche 10 octobre 2010 s'ouvrait au Vatican le synode consacré à l'avenir des chrétiens de Terre sainte. 246 patriarches, évêques, prêtres et experts de cette région du monde sont venu pour échanger et souvent faire part de leurs incroyables difficultés.
3) Néanmoins, dans la vie de tous les jours et au sein de la société civile, les relations interindividuelles entre des individus de différentes religions sont souvent excellentes.
Photo : D.R.