Tribune
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Publié le 21 Septembre 2010

Le ballet des hypocrites, par Marc Knobel

Revenons sur une déclaration récente. La Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, avait jugé lundi 13 septembre 2010 « préoccupante » la « nouvelle politique » du gouvernement français envers les Roms « qui ne peut qu'exacerber leur « stigmatisation » et leur « extrême pauvreté » ». Ouvrant la 15ème session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève, Mme Pillay avait alors « exhorté les Etats Européens dont la France à adopter une politique permettant aux Roms de surmonter leur marginalisation ». Que Navi Pillay réagisse et exprime quelques inquiétudes ne m’interpelle pas outre mesure. Elle est probablement dans son rôle. Par contre, que le Conseil des droits de l’homme se saisisse de cette question épineuse pour jouer les experts en tolérance est tout à fait étrange. Rappelons alors ces quelques évidences :



Premièrement :



Raisonnablement, quel crédit peut-on accorder au Conseil des droits de l'homme, l'organisme onusien chargé de leur promotion et de leur défense, qui compte parmi ses membres : l’Arabie Saoudite, le Bangladesh, le Pakistan, la Chine, la Russie, Cuba ou le Nicaragua ? Sont-ce là les grands défenseurs de l’universalité des Droits de l’Homme, sont-ce là aussi des modèles du genre ?



Deuxièmement :



L’Union Européenne s’est, dès la création de l’ONU, donnée pour mission de défendre les Droits de l’Homme, et plus généralement de promouvoir un ordre mondial où chaque Etat, même puissant, obéirait à des lois internationales protectrices du citoyen (adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, création de la Cour Criminelle Internationale, affirmation de la Responsabilité de Protéger). Seulement, les propositions de l'Union européenne sont rejetées une fois sur deux! Pire : L’UE est perçue comme défendant de manière opportuniste les droits de l’homme, en fonction de ses propres intérêts.



Troisièmement :



Il y a un recul du consensus sur l'universalisme des droits de l'homme: On ne peut plus aujourd'hui négocier les textes normatifs sur les droits de l'homme qui sont pourtant à la base de l'Organisation des Nations unies.



Quatrièmement :



L'influence européenne est contrée par l'activisme sino-russe, qui lui oppose les principes de non-ingérence et de souveraineté des pays.



Cinquièmement :
Les dictatures (comme le Soudan) mobilisent tout un arsenal juridique et mènent des campagnes acharnées pour convaincre que la situation s’améliore. C’est ainsi que le Conseil des droits de l'homme trouve un compromis de dernière minute pour les questions épineuses. A défaut, les Etats concernés savent trouver la parade. Par exemple, la position du Sri Lanka pour éviter une condamnation universelle est celle adoptée par tous les grands violateurs des droits de l’homme sur la planète. Le Sri Lanka argue des dispositions de la Charte des Nations-Unies qui préserve l’autorité des Etats sur leurs affaires intérieures



Sixièmement :



Paradoxalement, l’obsession discriminatoire par rapport à Israël (notamment) ne sert qu’à détourner l’attention du Conseil des abus des droits de l’homme dans le monde.



Septièmement :



De fait, comme le Conseil des droits de l’homme s’éloigne constamment de ses principes fondateurs d’impartialité, d’universalité, de non sélectivité et d’objectivité, il apparaît de plus en plus comme un ballet d’hypocrites.



Photo : D.R.