Tribune
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Publié le 22 Septembre 2010

Le bruit des bottes, par Marc Knobel

Vous n’avez probablement jamais entendu parler de lui : pourtant, Jimmie Akesson est en Suède un fort en gueule. Sa formation politique (les démocrates de Suède), ne représentait pas grand-chose, il y a quelques années. Puis, à force de batailler, de stigmatiser les immigrés, son mouvement a réussi à obtenir un 2,9% des voix, il y a quatre ans. Akesson, qui est rusé, a alors tenté de nettoyer son « écurie » et de se débarrasser de quelques néonazis. Et, à force de répéter les mêmes slogans et d’augmenter ses ressources, il a réussi une percée. Sa formation rentre au Parlement, avec 5,7 % des voix. Elle prive ainsi de majorité la coalition de centre droit, au pouvoir depuis 2006.




La percée historique de l’extrême droite en Suède met en lumière un phénomène qui tend à devenir général en Europe : la percée des mouvements populistes et xénophobes.



En Hongrie, par exemple, le parti (antisémite) Jobbik -qui dispose même d’une milice privée- décroche un 16,7% et entre ainsi au Parlement. (46 sièges). Aux Pays-Bas, le PVV de Geert Wilders s’est installé comme 3ème force du pays (24 sièges) ; en Autriche, le Parti libéral autrichien (FPÖ) a séduit près d'un cinquième des électeurs aux dernières élections en 2008 en menant une campagne agressive anti-immigration (28,2%). En Italie, l’extrême droite est carrément entrée au gouvernement, puisque Roberto Maroni, le ministre de l’Intérieur, est membre de la Ligue du nord. En Suisse, elle réussit à faire interdire la construction de minarets, alors qu’en Norvège, le Parti du progrès (FrP) est le deuxième courant du pays depuis 2005. Il adopte une posture extrémiste pour tous les thèmes de la politique (économie, social, immigration). A la fois ultraconservateur et ultralibéral, c'est l'un des parti européen d'extrême-droite les mieux représentés avec 23% des voix lors du dernier scrutin législatif de 2009. En Grande-Bretagne, où jusqu’à présent elle était quasi inexistante, le British national party (PNb), s’est imposé dans le paysage politique. Et l’immigration a été l’un des principaux thèmes de campagne. En Bulgarie, l’Ataka a obtenu un 9,4%, etc, etc…



Bref, partout en Europe, l’extrême droite réussit à polluer le débat et même à imposer certains de ses thèmes (comme en France) aux formations démocratiques et classiques. Cependant, la nouvelle poussée de l’extrême droite sur la scène européenne ne doit pas être interprétée, -me semble-t-il- comme un phénomène conjoncturel voué à disparaître subitement, par exemple lorsque la situation socio-économique se sera soudainement améliorée. Elle est plutôt l’expression d’un mouvement identitaire de réaction au processus d’ouverture des frontières à l’échelle internationale, qui fragilise les souverainetés et les identités nationales.



Pour tenter de canaliser cette percée, l’Europe (et les Etats-nations) devraient expliquer la finalité de leur projet et rassurer, tout en fixant des limites adéquates. L’Europe, rappelons-le, ne vise pas à uniformiser les cultures et à gommer les identités, mais à rendre notre maison commune, plus forte, tout simplement.



Photo : D.R.