Depuis une semaine, les étudiants Juifs de France sont incrédules et alarmés. La Sorbonne, université millénaire ouvre ses portes et l’un de ses plus vieux amphithéâtres à des députés de mouvements terroristes. On s’interroge: les organisateurs ont-ils eu l’autorisation adéquate? Peut-être faut-il mettre l’administration au fait de ce qui risque de se passer au sein de ses murs?
Jean-Claude Colliard, le Président de l’Université ne semble pas être à Paris, sa Directrice de Cabinet regrette d’avoir laissé faire sans, dit-elle, « réaliser la portée de l’événement et la nature des intervenants ». Mais la Sorbonne n’annulera pas, peu importe l’importance des valeurs qui sont bafouées au passage. Ce qui compte c’est de ne pas faire de bruit, de ne pas donner d’écho à leur faux-pas. Ils tentent de nous rassurer, ils déplacent la conférence de la Sorbonne au Panthéon, envisagent même d’interdire l’entrée aux médias et prétendent qu’il n’y aura que peu de monde…. Rien n’est moins sur.
Quelques heures avant la conférence, nouvel entretien avec la directrice de cabinet du Président de l’Université. Dernière tentative pour préserver la Sorbonne et faire annuler cette conférence. Il n’en sera rien, elle aura bien lieu, et ce sont les Républicains et étudiants qui finiront par être évacués de la salle.
Une salle qui se remplit progressivement. Il est 15 heures, elle est déjà pleine. Nous étions filtrés à l’entrée. J’entends derrière moi « j’ai failli ne pas rentrer, ils m’ont pris pour un feuj, je n’ai pas une tête de feuj! » Des libanais demandent si la conférence sera traduite en arabe, des militants juifs antisionistes attendent le début de la conférence.
A l’intérieur, aucun représentant de l’Université, ni même le service de sécurité de la fac pour servir de garde-fou. Les membres des Indigènes de la République sont tendus. Ils prennent le micro, indiquent le processus d’évacuation en cas de débordements mais rassurent la salle: les gens ici sont raisonnables et respectueux de la parole et du débat d’idée.
On présente les intervenants, et c’est le tour des Etudiants Juifs de France de prendre la parole, depuis la salle, pour rappeler la nature du Hezbollah.
Insultés, bousculés, agressés, les militants antifascistes et les étudiants. Le Mouvement des Indigènes de la République, aidé par l’assistance, emploie la violence pour nous faire sortir de la salle.
Plusieurs d’entre nous seront frappés au visage, jetés contre les murs.
La suite de la conférence sera l’attendu plaidoyer pour les actions du Hezbollah dans un amphi de la Sorbonne déserté de ses universitaires et dirigeants, et vidé de ceux qui sont attachés à son héritage.
L’Université a failli aux valeurs républicaines et manqué à son devoir de protéger ses étudiants. Fidèle à son héritage, la Sorbonne aurait dû rester un lieu d’ouverture, de débats voire de contradictions. Elle doit se prémunir de la haine et de ses conséquences dans ses amphithéâtres. Aujourd’hui, elle a failli à sa mission…
Arielle Schwab, présidente de l’UEJF (article publié samedi 12 décembre 2009, sur le blog de Bernard-Henri Levy, « La règle du Jeu »)
Photo : © 2009 Alain Azria
Lien :