Tribune
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Publié le 27 Novembre 2006

Le site négationniste AAARGH n’est plus accessible par les fournisseurs français

La cour d’appel de Paris confirme que les fournisseurs français doivent empêcher l’accès au site négationniste AAARGH, hébergé à l’étranger. Les organisations antiracistes, qui avaient initié la plainte, ont obtenu gain de cause.


Par ordonnance du 13 juin 2005 le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris -saisi par Marc Knobel de J’Accuse, et par d’autres associations antiracistes dont l’UEJF et SOS Racisme, Mémoire 2000, La Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen (1)- avait fait injonction aux principaux fournisseurs d’accès de France de mettre en œuvre toutes mesures propres à interrompre la diffusion du plus grand site négationniste et antisémite de langue française, l’AAARGH (plusieurs centaines de milliers de pages antisémites et négationnistes et dont 260 ouvrages à télécharger, en particulier les classiques de l’antisémitisme(2). Cette injonction a été rendue possible grâce à la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), adoptée en 2004. Le texte souligne qu'une fois tous les recours épuisés auprès des hébergeurs d'un site au contenu illégal, un tribunal peut enjoindre les Fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de filtrer l'accès vers les pages incriminées.
Cette décision avait contraint les fournisseurs d’accès à filtrer le site de l’AAARGH auprès des internautes français.
Le 23 juin 2005 les sociétés FRANCE TELECOM, FREE, AOL France, TISCALI ACCES, NEUF TELECOM, TELE 2 France, SUEZ LYONNAISE TELECOM à l’enseigne NOOS, T ONLINE FRANCE à l’enseigne T ONLINE-CLUB INTERNET, la société NUMERICABLE et GIP RENATER avaient informé les associations antiracistes qu’elles avaient mises en œuvre les mesures nécessaires, à partir du site d’origine de l’AAARGH, vho.org. En ce qui concerne les abonnés d’AOL, l’interdiction a été étendue aux Etats-Unis, à la Grande Bretagne et à l’Allemagne.
Les FAI et leur association professionnelle l'Association des Fournisseurs d’Accès (AFA), ont fait appel de cette décision, considérant que tous les recours n'étaient justement pas épuisés, que ce soit à l'encontre des auteurs du site ou des hébergeurs.
Le vendredi 24 novembre 2006, la Cour d'appel de Paris vient de confirmer l’ordonnance de référé rendue en juin 2005, imposant aux FAI cette mesure de filtrage.
La Cour d'appel de Paris a rejeté, un à un, chacun des arguments des FAI. Les magistrats ont rappelé aux FAI qu'ils avaient déjà développé cette argumentation au moment des débats parlementaires sur la LCEN. Cette argumentation « n'a pas été retenue par le législateur qui, en dépit des difficultés techniques du filtrage, du coût et de la complexité de sa mise en œuvre et de son efficacité contestable, n'a pas exclu le recours à ce procédé. Une telle mesure, pour imparfaite qu'elle soit, a le mérite de réduire autant que faire se peut en l'état actuel de la technique, l'accès des internautes à un site illicite. Le nomadisme du site AAARGH ne saurait justifier la remise en cause d'une mesure propre à en entraver l'accès », précise la Cour d’Appel.
A n’en point douter, cette décision est une « première » judiciaire dont les conséquences seront nombreuses dans le droit de l'internet.
Notes :

1. Les avocats de la partie civile ont été : Maître Stéphane Lilti pour l’UEJF et SOS Racisme, Maître Richard Sebban pour J’Accuse, Maître Alain Weber pour la LDH, Maître Bernard Jouanneau pour la LDH, Me Alain Weber pour la LDH et Me Marc Lévy pour la LICRA.
2. Sur le site de l’aaargh, le lecteur consultera l’étude de Gilles Karmasyn, en collaboration avec Gérard Panczer et Michel Fingerhut :