Il faut ici rappeler qu’en principe, selon les articles 6.1.2 et 6.1.3 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCE N), la responsabilité civile ou pénale des hébergeurs ne peut être engagée du fait des activités ou informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services.
Il n’en va autrement que s’il est démontré
-que les hébergeurs ont eu connaissance, au moyen d’une notification strictement régie par la loi, de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère,
-qu’ils n’ont pas agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.
Si ces conditions restrictives ne sont pas remplies, aucune responsabilité ne peut être encourue par le prestataire technique, qui, en l’absence de tout devoir général de surveillance, est légalement réputé ne pas savoir ce que tout le monde sait et constate.
C’est ce régime dérogatoire de responsabilité limité dont bénéficient les hébergeurs qui vient de connaître un sérieux revers avec l’arrêt précité.
La plus haute juridiction Française vient, dans cet arrêt de principe, restreindre considérablement le statut protecteur des hébergeurs en jugeant que le fait de proposer aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants sur les pages personnelles qu’il permet aux internautes de créer sur son site « excède les simples fonctions techniques de stockage », de sorte que le prestataire (Tiscali) « ne pouvait invoquer le bénéfice dudit texte ».
La Cour de cassation a donc posé le principe qu’un hébergeur qui commercialise des espaces publicitaires doit en assumer la responsabilité éditoriale du contenu hébergé sans pouvoir invoquer aucune limitation de responsabilité.
Rendue sous l’empire de l’ancienne législation (l’ancien article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986) cette décision est parfaitement transposable à la loi nouvelle dont les articles 6.1.2 et 6.1.3 sont rédigés dans des termes similaires.
Faurisson et les autres forcenés racistes et antisémites qui diffusent leurs messages de haine sous les bannières publicitaires de Youtube, Dailymotion et d’autres préparent à leurs hôtes des réveils douloureux.
Il ya fort à parier que cet arrêt de la Cour de cassation provoquera l’habituelle levée de boucliers des partisans d’une liberté d’expression débridée (« touche pas à mon blog ») et des tenants d’une liberté du commerce absolue (« touche pas à ma pub »).
On peut légitimement en attendre que les plateformes dont les revenus proviennent de la publicité balayent enfin devant leur porte, ou qu’elles cessent à tout le moins de profiter indirectement par ce moyen de la consultation des plus odieux contenus qu’elles hébergent.
Maître Stéphane Lilti
Photo : D.R.