Chaque jour, le printemps arabe présage des temps de plus en plus orageux. Aujourd’hui, après 30 ans d’hostilités, la République islamique d'Iran et l'Égypte s'apprêtent à nommer des ambassadeurs. Le passage de deux navires iraniens dans la Méditerranée via le canal de Suez, il ya quelques semaines, était annonciateur de cette nouvelle réalité.
Nabil el Arabi, qui vient d'être nommé ministre des Affaires étrangères par le nouveau gouvernement postrévolutionnaire du Caire, a immédiatement déclaré son intention de rétablir les relations avec Téhéran. Puis il s'est entretenu avec un responsable iranien, Mugtabi Amani, à l’occasion de la première visite d’un représentant égyptien à Téhéran depuis la chute de Moubarak. El Arabi a ensuite négocié l'ouverture d’ambassades respectives à Téhéran et au Caire avec le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Salehi Akhbar. Il semblerait qu’Ali Ahbar Sbuyeh, un diplomate de carrière iranien, servira ambassadeur d'Iran en Égypte. Le Caire n’a pas encore annoncé le nom de son homologue égyptien. Le retard dans la nomination du nouvel ambassadeur égyptien est probablement le résultat d'une récente réunion du Premier ministre égyptien Essam Sharaf avec le roi saoudien, qui a exprimé clairement son désaccord avec la reprise de ces relations bilatérales.
Des discussions sont également en cours concernant les autres conséquences du printemps arabe: la position de l'Egypte envers le Hamas a changé, et la contrebande d'armes à Gaza par des tunnels du territoire égyptien n'est plus arrêtée par les forces de sécurité égyptiennes. L’Iran pourrait exiger soutien plus explicite de la part du Caire pour le Hamas, et pourrait également demander la protection des convois transportant des armes iraniennes à travers le Soudan.
L'Egypte et l'Iran sont les deux piliers historiques et les deux grandes forces armés des branches sunnite et chiite de l'islam. La branche sunnite est ambigüe envers les Frères musulmans et d'Al-Qaïda, elle a de bonnes relations avec l'Occident et a résisté à l'extrémisme sur son territoire. La branche chiite est celle du régime islamique des ayatollahs, qui fait le projet explicite de la destruction d'Israël et de la création d'un califat islamique. Elle soutient les groupes terroristes sunnites et chiites, le Hamas et le Hezbollah. Il ya quelques jours, Mahmoud Ahmadinejad, a exprimé de nouvelles menaces antioccidentales: «Les États-Unis et leurs alliés sont à l’origine des révolutions du Moyen-Orient. Ils les ont initiées pour sauver le régime sioniste. Ils veulent renverser la Syrie parce qu'elle est notre amie ... la révolte du monde arabe conduira de toute façon à l'effondrement du régime sioniste ... les États-Unis sont déloyal envers les Arabes et seront mis à la porte du Moyen-Orient ».
Le gouvernement égyptien actuel doute de la fidélité des États-Unis et du président Obama. Après tout, ce n'est pas un hasard si Barack Obama s'est rendu au Caire lors de son premier voyage présidentiel dans la région, pour y donner son premier discours devant le monde arabe. L'Egypte, qui pendant des décennies a été fidèle à son amitié avec les Etats-Unis, se demande certainement pourquoi le président Obama a abandonné Moubarak, le plus pro-américain de tous les dirigeants du monde arabe. Celui qui n'aurait jamais rompu les accords de paix avec Israël.
La nouvelle Egypte, maintenant à la recherche d'alliés, est sous la pression de sa propre population, qui a opté pour une direction beaucoup plus islamiste. Si les Frères musulmans représentent trente pour cent du parlement égyptien, celui-ci sera dominé par le mouvement extrémiste. Il y a deux jours, le secrétaire et vice-guide suprême des Frères musulmans a annoncé que la Charia, celle qui coupe les mains des hommes, celle qui lapide les femmes, sera bientôt imposée en Egypte.
En outre, depuis la révolution de la place Tahrir, seulement 35% de la population égyptienne est en faveur du maintien du traité de paix avec Israël. Des manifestants ont attaqué l'ambassade d'Israël au Caire. Même les ministres égyptien ne peuvent plus se retenir: Samir Radwan, ministre des Finances, se référant à de nouveaux investissements israéliens en Egypte, a déclaré: «Nous n'avons pas besoin des investissements de l'ennemi ».
Les relations entre l'Iran et l'Egypte s'étaient rompues après la signature du traité de paix du président Anouar Sadate avec Israël.
Il importe à l’Iran que cette amitié renouvelée repose sur la haine anti-israélienne.
Le gouvernement iranien a dédié un monument à Khaled al Istambuli, qui a assassiné Sadate au nom du Djihad islamique égyptien.
Les membres du commando de cet assassinat, tels Abboud al Zumar, sont libres aujourd’hui. Al Zumar a dit lui-même qu'il était déçu que ses actions « n’aient finalement abouti qu’à Hosni Moubarak ».
Il ne lui reste plus qu’attendre encore un peu pour voir ses ambitions véritables exhaussées…
(Article publié dans Il Giornale, le 23 avril 2011)
Photo (Fiamma Nirenstein) : D.R.