Tribune
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Publié le 9 Avril 2010

Ne pas se replier sur soi

Je voudrais réagir aux deux chroniques qui ont paru récemment dans la Newsletter du CRIF, l’une plus universitaire et l’autre plus agressive, condamnant toutes deux un pseudo revirement de la politique américaine.




C’est oublier très allègrement l’époque de George Bush père et de la Conférence de Madrid et les pressions exercées sur le chef du gouvernement israélien d’alors, Monsieur Yitzhak Shamir.



C’est oublier aussi les pressions de son successeur qui a contraint Benyamin Netanyahou à d’importantes concessions.



C’est enfin négliger que George Bush fils, à son tour, a finalement entraîné le gouvernement dirigé par Ehud Olmert à négocier le retrait d’Israël en deçà de la Ligne de 1967 avec quelques modifications dont, d’ailleurs Monsieur Olmert lui-même disait qu’elles étaient sur le point d’aboutir.



Bien sûr, le gouvernement Obama a des rythmes différents et son exigence concernant le gel des implantations correspond à son désir de voir aboutir la négociation menée auparavant par Ehud Olmert avec le président de l’Autorité palestinienne.



Le changement est venu du côté israélien par la formation d’un gouvernement Netanyahou qui n’a pu trouver sa majorité que dans les partis extrêmes politiques ou religieux qui vivent la politique dans le confort de Dieu et dans l’enseignement de Jabotinsky.



Je vois bien – et je le dis en prenant tous les risques – que sur ce thème viendra ensuite la plainte de l’abandon d’Israël avec l’ombre de la Shoah.



Il n’appartient pas aux communautés juives d’intervenir dans la politique israélienne. Les juifs, hors d’Israël, sont généralement citoyens des pays où ils vivent et leurs regrets ou leur honte de ne pas avoir fait leur aliyah ne les détache pas de leur citoyenneté effective comme elle ne fait pas d’eux des citoyens d’Israël.



Chacun le sait : le problème d’Israël est celui de son intégration dans le Moyen-Orient ou, plus précisément, le Proche-Orient et, dans ce sens, la paix avec l’Égypte a été une étape essentielle mais insuffisante.



Israël doit bâtir ses liens avec les États avoisinant et régler son contentieux avec les Palestiniens, contentieux né – il faut le souligner – du refus arabe de voir naître en 1948 l’État palestinien prévu par la Résolution du Conseil de sécurité du 29 novembre 1947.



Je comprends que Benyamin Netanyahou ait eu le désir, au lendemain des dernières élections, de reprendre la main politique qui avait été dérobée à son parti par trois de ses anciens dirigeants, Ariel Sharon, Ehud Olmert et Tzipi Livni. Cependant, il se condamnait alors au choix de son ministre des Affaires étrangères et se privait d’une liberté de manœuvre et même de paroles pourtant nécessaires. Il essaie, sur le plan économique et en réduisant des points de contrôle, de faciliter la tâche du chef de l’Autorité palestinienne, Monsieur Fayad, mais, par contre, ne peut formuler aucune proposition politique concernant, notamment, la frontière entre l’État de Palestine à naître et l’État d’Israël sans compromettre immédiatement la survie de son gouvernement.



Pourtant, Israël n’est pas condamné à cet auto enfermement fondé sur des positions qui n’osent même pas se définir elles-mêmes, ni, bien sûr, tracer au moins les grandes lignes d’un projet de solution.



Le Parlement de l’État d’Israël pourrait offrir la solution d’un gouvernement entre les trois partis politiques qui ont acquis l’expérience de la direction du gouvernement depuis la création de l’État. En effet, Likoud, Kadimah et Avodah représentent, sauf erreur de ma part, 68 députés à la Knesset, c’est-à-dire assez largement la majorité. Un tel gouvernement pourrait présenter un projet commun et donner à ce projet la solidité des expériences acquises.



Il n’y a pas de désamour d’Israël, mais une inépuisable incompréhension et un regret profond de voir ce pays si vivant et si créatif se perdre lui-même dans un repli sur soi.



Théo Klein



Photo : D.R.