Tribune
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Publié le 5 Novembre 2010

Pauvres brebis d'Orient, par Elie Barnavi

Par un cruel retournement de l'histoire, la religion la plus bafouée aujourd’hui dans le monde est le christianisme. Dans les vieilles démocraties d'Europe, ses églises se vident et les vocations se font rares avec pour conséquence cet autre contre-pied historique, plaisant celui-là: des prêtres africains prennent en sens inverse le chemin emprunté jadis par des missionnaires blancs. Et, toutes dénominations confondues, la religion chrétienne se fait de surcroit toute petite de peur de heurter la sensibilité, à fleur de peau comme chacun sait, des fidèles d'autres Livres que le sien.




Cependant, si en terre chrétienne son état est pathétique, il est tragique en terre d’islam. Pris entre le marteau d'un islamisme agressif et exclusiviste et l’enclume d'un état faible et illégitime qui lui a abandonné la société, les chrétiens sont devenus la seule communauté religieuse au monde que l'on peut persécuter voire massacrer, impunément. Au train où vont les choses, au Proche et au Moyen-Orient, il ne restera bientôt plus que des communautés chrétiennes résiduelles. Dans l’indifférence complice de tout ce que l'Occident compte d'esprits éclairés.



Le Vatican a fini par s'en émouvoir. Convoqué par Benoit XVI, un synode d'évêques de la région vient de s’achever par une messe officiée dans la basilique Saint-Pierre, au cours de laquelle le pape a appelé a la liberté de conscience et à la paix dans ce coin du monde qui en a bien besoin. La liste des 185 participants, dont les neuf patriarches des principales Eglises d'Orient, offre un aperçu de l’extraordinaire diversité de ces communautés, dont le credo et la discipline remontent aux origines du christianisme. Leur seule énumération donne le tournis : et encore ne s'agit-il que des Églises « en communion avec Rome ».



Or, les prélats se sont retrouvés sans peine sur la raison principale de leur commun malheur. L'islamisme éradicateur de tout ce qui n'est pas lui. Le pouvoir, qui, de l’Egypte à l'Algérie en passant par l'Irak, ne peut ni ne veut les protéger ? Vous n'y êtes pas ! C'est Israël, seule source de conflit dans la région et cause première de leur infortune. Dans le communiqué qui conclut les deux semaines de leurs travaux, les évêques exigent qu'Israël mette fin à l'occupation des terres arabes et l’exploitation de la Bible comme justificatif des injustices dont sont victimes les Palestiniens. Certes, terrorisme et antisémitisme sont condamnés, mais la liste de méfaits de l'Etat hébreu ne laisse pas de doute : c'est à lui, et à lui seul, qu'incombe la responsabilité de la détérioration des conditions de vie des chrétiens d'Orient.



Qu’on me comprenne bien : loin de moi l’idée que le conflit israélo-palestinien n’y soit pour rien. Dans les Territoires, les chrétiens pâtissent à l'instar de leurs compatriotes musulmans des misères de l'occupation : à Jérusalem, les exactions de colons fanatiques sont un scandale quotidien. Mais enfin, le souci de la vérité, ou de la simple charité chrétienne, aurait dû commander aux évêques de reconnaitre que la persécution des Coptes d’Egypte ou des Chaldéens d'Irak n'a rien à voir avec l’occupation de la Cisjordanie : que Bethléem serait devenu une ville musulmane sans l’aide des colons juifs, qu'Israël, seul pays de la région arec le Liban a n'avoir pas de religion d'Etat, est aussi le seul où les chrétiens jouissent pleinement de la liberté de culte et où leur communauté, loin de décliner, est en constante expansion.



Apres tout, ne sont-ils pas venus à Rome pour témoigner ?



Article publié dans l’édition de Marianne du 1er novembre 2010



Photo : D.R.