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Le 23 février, dernier, à l’ouverture des audiences de la Cour internationale de justice consacrées à l’examen de la légalité de la construction de la « barrière de sécurité » (officiellement, la Cour a repris l’intitulé de la question posée – vicieusement – par l’Assemblée générale de l’ONU : « Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé »), Le Figaro a publié un point de vue du professeur M. Kohen, qui enseigne à l’Université de Genève, sur « Le mur à l’épreuve du droit international ».
Les titres et les intertitres étant de la responsabilité de la rédaction du journal, on ne pouvait certes pas reprocher à l’universitaire genevois l’intitulé de son article, d’autant plus qu’il avait le mérite de rendre à la « barrière » sa véritable nature de « clôture ». De fait, la « barrière » n’aura la consistance d’un mur que sur quelques dizaines kilomètres (au total cela ne devrait pas représenter plus de 5% de l’ensemble).
Mais, dans le reste de l’article, comme c’était d’ailleurs son droit le plus strict, le professeur Kohen non seulement, soutenait la compétence de la Cour à donner un avis, mais de plus, concluait à l’illégalité de l’initiative israélienne.
Dès le lendemain, je me suis permis de proposer de répondre à cet article et on m’a fort aimablement répondu qu’une « programmation très serrée du journal » ne permettait pas la publication de cette réponse.
Rien de plus naturel me direz-vous…Mais, ce que j’ai découvert, et que Le Figaro devait savoir, car son nom figurait sur le site de la Cour, c’est que le professeur Kohen, était conseil de la Malaisie dans la procédure engagée à La Haye. Certes, il ne prit pas la parole, mais a certainement dû inspirer l’exposé que le ministre des affaires étrangères de ce pays (dont l’ancien premier ministre avait dit tout le bien qu’il pensait des juifs), allait présenter le lendemain.
Aussi, avoir caché à ses lecteurs la qualité de l’auteur qui, bien que s’exprimant en tant qu’universitaire, ne pouvait pas faire abstraction des opinions de son « client », témoignait, de la part du Figaro, d’un manque de loyauté à l’égard de ses lecteurs, surtout après avoir refusé de publier un autre « son de cloche ».
Tant pis pour les lecteurs d’un grand quotidien du matin.
Malheureusement, les lecteurs du « grand quotidien » du soir ne sont pas logés à meilleure enseigne. En voici la preuve.
Dans son numéro daté du 27 février 2004, Le Monde publiait une « correspondance » de La Haye évoquant les exposés qui avaient été présentés durant deux jours et demi.
Or, à cette occasion, la journaliste se référant, également, aux mémoires écrits déposés par un certain nombre d’Etats (dont Israël) a – malheureusement - fait un faux procès à la France. En effet, elle lui reprochait de ne pas se prononcer sur la question centrale, après avoir invité la Cour à « rejeter » la question.
Seule une lecture rapide du document – ou un a priori - a pu permettre à cette personne de commettre un tel contresens.
De fait, le Directeur des affaires juridiques du Quai d’Orsay, conseiller d’Etat, par ailleurs, a, certes, en quelques lignes, tenant sur une demi-page, indiqué que le gouvernement français craignait (à juste titre d’ailleurs) que cette affaire constitue un précédent, permettant à n’importe quel Etat de solliciter un vote de l’Assemblée générale pour porter un différend devant la Cour. Or, en principe, ce n’est pas possible, dans le cadre de la procédure d’avis consultatif. Seules des organisations internationales – et encore pas toutes – peuvent demander une consultation à la Cour.
Mais, dans les 17 pages qui suivaient, l’agent de la France a présenté des observations, dans l’hypothèse où la Cour estimerait devoir répondre sur le fond à la question posée par l’Assemblée générale.
Tout d’abord, le mémoire du gouvernement français explique pourquoi, le tracé retenu paraît « incompatible avec certaines règles bien établies du droit international » (l’interdiction de l’annexion, les manquements aux règles du droit humanitaire et les atteintes aux règles des droits de l’homme applicables).
Toutefois, ensuite, la France admet que certaines circonstances pourraient être de nature à exclure l’illégalité de la construction du mur, « en particulier s’il n’est pas douteux qu’Israël est en droit de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité ». Ouf, on respire….
Malheureusement, la France estime « qu’il convient de vérifier si cette construction, compte tenu du tracé retenu, est proportionnée aux menaces auxquelles elle entend répondre » Et quelle est la réponse ? Après quelques circonvolutions, l’agent français croit devoir indiquer, pour terminer sur ce point, que « la Cour pourrait souhaiter prendre notamment en compte le fait que le mur, s’il est achevé, constituera une barrière continue, entrecoupée d’un petit nombre de points de passage, de 720 km de long créant au surplus de multiples enclaves touchant plus d’un demi-million de Palestiniens et amputant de facto le territoire palestinien occupé… » Il faut reconnaître qu’on ne peut être plus clair….
Reste alors, la dernière partie de l’argumentaire français, où l’on explique à la Cour quelles sont les conséquences juridiques qu’il faut tirer de cette situation : l’obligation de mettre fin à la situation illicite et de réparer les dommages causés par cette situation, sans parler de la « nécessité d’offrir des assurances et des garanties de non-répétition appropriées »…
Après cette leçon de droit administrée à la Cour, peut-on imaginer qu’elle reste insensible, d’autant plus qu’en conclusion de ce mémoire il était indiqué que « la République française prie la Cour, dans le cas où elle estimerait devoir répondre à la demande d’avis consultatif….de le faire à la lumière » (sic) « des observations qui précèdent » ?
On sait, depuis longtemps, que la France a, à l’égard d’Israël, un double comportement : d’une part elle condamne, en termes très nets, l’initiative israélienne et, à quelques jours près, elle reçoit, cependant, avec solennité, le chef d’un Etat, aussi peu respectueux, selon elle, de ses obligations internationales. Mais, il est vrai que si Paris ne devait accueillir que des Chefs d’Etats démocratiques, il y aurait, certains jours, moins d’encombrements dans les rues de la capitale.
Il n’en demeure pas moins que lorsque Le Monde reproche au gouvernement français de ne pas en faire assez contre Israël, il trompe ses lecteurs, qui ont le droit de connaître la vérité.
Que l’on ne s’étonne pas après que les lecteurs de ces deux « grands » (hélas) quotidiens soient aussi mal informés de la réalité du conflit du Moyen-Orient….