Tribune
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Publié le 4 Janvier 2011

Reflexions sur l’affaire Pederzoli, par Richard Prasquier

La bonne, la très bonne nouvelle : Mme Pederzoli est affectée comme professeur d’histoire au prestigieux lycée Henri Poincaré à Nancy, la meilleure solution possible, compte tenu de l’impossibilité pratique de retourner dans son lycée Loritz d’origine. De plus, il est noir sur blanc écrit dans le communiqué adressé à la presse par le Recteur qu’elle pourra continuer à effectuer les voyages d’élèves à Auschwitz. D’ailleurs aucune des incriminations contre Mme Pederzoli devant la commission administrative paritaire, dont l’avis, consultatif mais obligatoire, avait précédé l’arrêté préfectoral ne contenait d’allusion à la façon dont elle enseigne la Shoah. Mme Pederzoli sort donc la tête haute de ces mois éprouvants, marqués par une suspension et un rapport d’inspecteurs qui avait soulevé de telles critiques que le Ministre de l’Education Nationale lui-même l’avait, décision exceptionnelle, partiellement désavoué sur le sujet de l’enseignement de la Shoah (je répète volontairement ce terme qui a eu le don d’exaspérer les inspecteurs).



Reste que Mme Pederzoli reçoit une sanction (niveau 2 sur 4, précise le communiqué) qui restera dans son dossier. L’enseignante considère qu’elle n’a commis aucune faute et que les accusations portées contre elle ne sont que des prétextes. Peut-être, aidée de son remarquable avocat, Maitre Terquem, va-t-elle utiliser l’une des voies de recours légales qui s’offrent à elle. Par ailleurs une plainte a été déposée contre un syndicat de proviseurs qui avait pris des positions en flèche contre Mme Pederzoli. L’affaire n’est donc pas finie, notamment dans son volet disciplinaire.
En ce qui concerne le volet éducatif, il n’est pas sans importance de savoir si Mme Pederzoli pourra, comme cela avait été implicitement prévu, enseigner effectivement aux élèves de Henri Poincaré et qu’elle pourra effectivement exercer son dynamisme et ses compétences dans la préparation des voyages de mémoire. Autrement dit, qu’elle ne serait pas mise au placard. Nous y serons attentifs.
Nous connaissons plusieurs cas où l’enthousiasme de professeurs à enseigner la Shoah à leurs élèves a entrainé des réactions hostiles de certains de leurs collègues ou auprès de la hiérarchie locale. Il y a là des histoires humaines inacceptables et affligeantes vis-à-vis de l’idée élevée que nous continuons de nous faire du système éducatif. Ces histoires doivent toutes être analysées dans le détail, car il est très facile, très attirant, mais très injuste de généraliser sur la base de situations individuelles elles-mêmes disparates. Nous avons discuté avec le ministère des dossiers qui nous paraissaient le plus problématiques et nous attendons que des solutions soient trouvées. Oui, je le répète, je pense que l’enseignement de la Shoah est en danger s’il ne se confronte pas à ses nouveaux défis et aux problèmes de l’avenir, dont l’effacement inéluctable des témoins n’est pas le moindre. Mais répétons-le : cet enseignement est exemplaire dans notre pays, il est porté par des hommes et des femmes dont l’engagement est admirable et il est soutenu sans faille par les autorités, à commencer par le plus haut niveau de l’Etat.
Photo : D.R.